FICHE QUESTION
9ème législature
Question N° : 56139  de  M.   Gallet Bertrand ( Socialiste - Eure-et-Loir ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  06/04/1992  page :  1558
Réponse publiée au JO le :  06/07/1992  page :  3050
Erratum de la Réponse publié au JO le :  17/08/1992  page :  3879
Rubrique :  Francais : ressortissants
Tête d'analyse :  Nationalite francaise
Analyse :  Enfants nes en France de parents etrangers. cas d'espece
Texte de la QUESTION : M Bertrand Gallet interroge M le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des enfants d'Algeriens nes en France avant le 1er janvier 1963. En vertu de l'article 23 du code de la nationalite, un enfant ne en France d'un parent qui lui-meme y est ne se voit attribuer la nationalite francaise a sa naissance. En vertu de l'article 44 du code de la nationalite, un enfant ne en France est repute francais a sa majorite s'il a, a ce moment-la, sa residence en France. Au regard du code de la nationalite, un enfant d'Algerien, ne en France, et dont les parents sont nes en Algerie lorsque l'Algerie etait composee de departements francais, doit donc etre regarde comme francais. Il l'est, en quelque sorte, doublement : a sa naissance en vertu de l'article 23, a sa majorite s'il reside en France, aux termes de l'article 44. Or les enfants nes en France avant le 1er janvier 1963 se voient non seulement refuser, en raison de la loi no 73-42 du 9 juillet 1973, l'application de l'article 23, mais encore celle de l'article 44. Bien que nes en France, il leur est demande, meme lorsqu'il n'ont jamais quitte le territoire francais ou ils sont nes, de solliciter leur reintegration dans la nationalite francaise. Cette solution parait d'autant plus surprenante que, dans une meme famille, des enfants d'Algeriens nes en France au lendemain du 1er janvier 1963 se voient attribuer la nationalite francaise a la naissance alors que leurs freres et soeurs aines demeurent etrangers. En outre, on a pu constater que des demandes de reintegration etaient liees a la situation du conjoint et faisaient l'objet de decisions d'ajournement. Des tribunaux d'instance, se fondant soit sur l'article 23, soit sur l'article 44 du code de la nationalite, delivrent des certificats de nationalite francaise a des enfants nes en France avant le 1er janvier 1963. D'autres, en revanche, arguent soit d'une circulaire ministerielle du 1er mars 1967, soit de la loi du 9 janvier 1973 pour renvoyer le demandeur a la procedure de reintegration. Il lui demande en consequence s'il compte prendre des mesures afin de resoudre ces situations contradictoires qui, en tout etat de cause, ne sont pas de nature a permettre une comprehension de leur situation par les interesses.
Texte de la REPONSE : Reponse. - Avant son accession a l'independance l'Algerie etait constituee de departements francais qui faisaient partie integrante du territoire de la Republique francaise. La nationalite francaise y a toujours ete regie, sans distinction de statut, par les textes qui se sont appliques en France metropolitaine. Notamment, les articles 23 et 24 ancien du code de la nationalite francaise, dans sa redaction de l'ordonnance no 45-421 du 19 octobre 1945, attribuant la nationalite francaise a l'enfant ne en France d'une personne qui y etait nee et l'article 44 ancien du code permettant a l'enfant ne en France de parents etrangers d'acquerir la nationalite francaise s'il residait en France a sa majorite et avait depuis cinq ans sa residence habituelle en France, etaient applicables en Algerie. Les personnes qui ont beneficie de l'application de ces dispositions avant le 1er janvier 1963 doivent toutefois faire la preuve qu'elles ont conserve la nationalite francaise malgre l'accession de l'Algerie a l'independance. Aux termes de l'article 1, alinea 2. de la loi no 66-945 du 20 decembre 1966, les personnes de statut civil de droit local originaires d'Algerie nees avant le 1er janvier 1963 quel que soit leur lieu de naissance ou leur domicile, qui n'ont pas souscrit le 21 mars 1967 au plus tard la declaration recognitive de nationalite prevue a l'article 152 ancien du code, ont perdu la nationalite francaise au 1er janvier 1963. Les enfants mineurs de dix-huit ans ont suivi la condition de leur pere ou de leur mere survivant en application de l'article 153 ancien. Si le parent dont ils suivent la condition n'a pas beneficie de la reconnaissance de nationalite, l'article 3 de la loi no 66-945 du 20 decembre 1966 leur a permis, s'ils etaient nes avant le 1er janvier 1963 dans un territoire demeure depuis cette date sous souverainete francaise, de recouvrer la nationalite francaise par simple declaration dans les conditions prevues aux articles 52 et suivants du code, jusqu'a l'accomplissement de leur dix-huitieme annee et au plus tard jusqu'a son abrogation par la loi no 73-42 du 9 janvier 1973. Les articles 4 et 5 de la loi ont egalement prevu, sous certaines conditions particulieres, un droit propre aux enfants mineurs a se faire reconnaitre la nationalite francaise. Ces dispositions speciales excluent a l'egard des personnes mineures originaires d'Algerie de statut de droit local et pour tous les faits et actes anterieurs a l'independance, le jeu des regles du droit commun, en particulier les articles 44 et 23 du code de la nationalite francaise (arret Kaced - Cass. Civ. 1o, 20 novembre 1973 - Rev. Crit. de droit intern. prive - 1974, p 481). En effet, l'acquisition de la nationalite francaise en application de l'article 44 du code de la nationalite francaise est fondee sur une presomption d'assimilation. L'objet de ce texte n'est pas de permettre de recouvrer la nationalite francaise en cas de transfert de souverainete. L'application de cet article suppose egalement que l'enfant soit ne de parents etrangers ce qui n'est pas le cas des mineurs originaires d'Algerie de statut de droit local puisqu'a leur naissance, date a laquelle doit s'apprecier l'extraneite des parents, ceux-ci etaient Francais. Quant a l'article 23 du code de la nationalite francaise, il institue un mode d'attribution de la nationalite francaise qui ne tient compte que du lieu de naissance. Son application en l'espece aboutirait a considerer que tous les enfants nes en France, c'est-a-dire soit sur le territoire metropolitain, soit en Algerie avant le scrutin d'autodetermination auraient conserve de plein droit la nationalite francaise pour etre nes en France de parents qui y sont nes. La mise en oeuvre de ces deux textes reviendrait a nier l'independance de l'Algerie qui resulte des declarations gouvernementales du 19 mars 1962 (Journal officiel du 20 mars 1962, p 3019) ratifiees par la loi no 62-421 du 13 avril 1962 (Journal officiel du 14 avril 1962, p 3845) dont la nature juridique est celle d'un traite qui, dans l'ordre interne francais, en application de l'article 55 de la Constitution et de l'article 1er du code de la nationalite francaise, a une autorite superieure a la loi. Les enfants de parents de statut civil de droit local originaires d'Algerie, nes en France apres le 1er janvier 1963 n'ont en revanche pas ete saisis par l'ordonnance du 21 juillet 1962 et la loi du 20 decembre 1966. Ils sont donc Francais en vertu de l'article 23 du code de la nationalite francaise, sous reserve le cas echeant de l'article 24, pour etre nes en France d'un parent y etant lui-meme ne puisqu'en application de l'article 8 du code de la nationalite francaise, la determination du territoire se fait aujourd'hui en tenant compte des modifications survenues anterieurement. Il n'apparait pas, a l'heure actuelle, opportun de remettre en cause l'ensemble des regles de droit interne regissant les consequences en matiere de nationalite de l'accession a l'independance de l'Algerie. Les personnes originaires d'Algerie de statut civil de droit local, majeures ou mineures au 1er janvier 1963 qui ont perdu la nationalite francaise lors de l'independance de ce territoire, peuvent aujourd'hui solliciter leur reintegration dans la nationalite francaise sur le fondement de l'article 97-3 du code a la condition d'avoir fixe en France leur domicile de nationalite.
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