Texte de la QUESTION :
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Mme Elisabeth Hubert appelle l'attention de M le ministre de l'interieur et de la securite publique sur l'exercice du droit de vote par procuration. Au cours des dernieres annees, les differentes consultations electorales ont ete marquees par le developpement inquietant du phenomene de l'abstention. Cette inutilisation d'un des droits fondamentaux de la democratie a conduit les autorites publiques et les responsables politiques a faire appel au civisme des citoyens. Or, une instruction relative aux modalites d'exercice du droit de vote par procuration a reduit l'usage de ce droit pour les personnes retraitees. Ces dernieres ne peuvent, en effet, beneficier des dispositions prevues a l'alinea 23 du chapitre 1 e r de l'article L 71 du code electoral qui ouvrent le droit de vote par procuration aux « citoyens qui ont quitte leur residence habituelle pour prendre leurs conges de vacances ». En appliquant la notion de « conges de vacances » uniquement aux personnes actives, les pouvoirs publics excluent de nombreux citoyens attaches a l'exercice de leur droit de vote. Elle lui demande donc de donner de nouvelles instructions afin que la reglementation permette une extension du champ des electeurs, en particulier les retraites, pouvant recourir au vote par procuration.
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Texte de la REPONSE :
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Reponse. - Aucune instruction ministerielle ne saurait intervenir pour restreindre le champ d'application des dispositions relatives au vote par procuration, puisque c'est la loi qui enumere les categories de citoyens autorisees a avoir recours a cette procedure de vote. La circulaire intitulee « Instruction relative aux modalites d'exercice du droit de vote par procuration », diffusee aux prefets, aux maires et aux autorites habilitees a etablir les formulaires de procuration, se borne a commenter les dispositions legislatives et reglementaires en vigueur a cet egard. Or, jamais les retraites n'ont ete autorises a voter par procuration pour le seul motif qu'ils seraient absents de leur commune d'inscription pour cause de « vacances ». On notera en premier lieu que les retraites sont en mesure de prendre les dispositions necessaires pour que les dates de leurs deplacements ne coincident pas avec celles des consultations electorales. En effet, si l'on excepte les elections partielles, qui surviennent inopinement, on peut affirmer que le calendrier electoral est parfaitement previsible et le code electoral est ainsi concu que, pour changer le mois ou doit se derouler une election, il faut l'intervention d'une loi. Hors les elections presidentielles, qui - pour le moment - se deroulent en avril-mai, toutes les autres consultations ont lieu normalement durant le mois de mars. Il est donc infonde de soutenir que la liberte des retraites, s'agissant du choix de leurs dates de deplacement, serait oberee par le calendrier electoral. Au demeurant, quand, pour quelque cause que ce soit, ce calendrier est modifie, c'est toujours plusieurs mois a l'avance. En second lieu, si le Gouvernement s'est constamment oppose a l'extension du vote par procuration aux retraites absents de leur residence habituelle pour prendre des « vacances », c'est pour des raisons de fond qui s'articulent comme suit : 1o En democratie, le vote est un acte personnel et secret. De toute evidence, le vote par procuration deroge a ce principe. 2o Une telle derogation ne peut donc valablement s'appuyer que sur des elements objectifs resultant, non de la volonte de l'electeur, mais de contraintes qu'il subit du fait de sa sante, de sa profession, voire d'obligations inopinees auxquelles il ne peut se soustraire. A cet egard, la lecture de l'article L 71 du code electoral, qui enumere limitativement les categories de citoyens autorisees a avoir recours au vote par procuration, traduit bien cette doctrine. 3o On ne saurait dire que, pour les retraites, la date de leurs « vacances » - c'est-a-dire la date a laquelle ils choisissent de s'eloigner de leur domicile habituel - constitue une contrainte puisqu'elle ne depend finalement que d'eux-memes. 4o Il resulte de ce qui precede qu'autoriser les « retraites vacanciers » a voter par procuration reviendrait a accorder le droit de vote par procuration pour convenances personnelles. 5o Des lors, on ne voit pas pourquoi seuls les retraites pourraient beneficier de ce droit, et non, par exemple, les inactifs ou les chomeurs qui se trouvent objectivement dans une situation exactement identique. Et si ce droit devait etre accorde a ceux qui n'ont pas - ou qui n'ont plus - d'activite professionnelle, on ne voit pas non plus pourquoi il serait denie a ceux qui en ont une. Un tel « privilege » accorde aux retraites constituerait une rupture du principe constitutionnel d'egalite entre les citoyens. 6o Respecter ce principe constitutionnel en la circonstance aboutirait donc automatiquement a faire du vote par procuration une procedure ordinaire d'expression du suffrage, en contradiction avec un autre principe fondamental de la democratie, celui rappele au 1o ci-dessus. 7o Il s'ensuivrait en outre de multiples possibilites de fraudes. En effet, actuellement, parce qu'elle resulte de circonstances imperatives, la procuration n'est delivree que sur presentation de pieces justificatives precises, que le juge de l'election peut ulterieurement controler. Dans l'hypothese du vote par procuration pour convenances personnelles. Il ne peut plus y avoir de controle, ni a priori, ni a posteriori. Au surplus, les officiers de police judiciaire auxquels l'etablissement des formulaires de procuration donne deja bien du travail, seraient excessivement sollicites et ne pourraient donc materiellement proceder a aucune verification serieuse. Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est oppose a l'extension suggeree du champ d'application de la procedure de vote par procuration. Au demeurant, lors de la discussion de la loi no 88-1262 du 30 decembre 1988, la question de la modification du 23o du paragraphe I de l'article L 71 du code electoral pour permettre aux retraites de voter par procuration a ete abordee. Il ressort sans ambiguite des debats que le legislateur n'a pas voulu donner suite a la suggestion qui lui etait faite. L'amendement depose en ce sens a ete rejete par la commission des lois et a ete ensuite retire en seance publique par son auteur (JO, Debats parlementaires, 2e seance du jeudi 24 novembre 1988, pages 2754 et suivante).
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