FICHE QUESTION
9ème législature
Question N° : 57013  de  M.   Charroppin Jean ( Rassemblement pour la République - Jura ) QE
Ministère interrogé :  travail, emploi et formation professionnelle
Ministère attributaire :  travail, emploi et formation professionnelle
Question publiée au JO le :  27/04/1992  page :  1965
Réponse publiée au JO le :  24/08/1992  page :  3954
Rubrique :  Licenciement
Tête d'analyse :  Indemnisation
Analyse :  Licenciement pour inaptitude physique. indemnisation. consequences. entreprises
Texte de la QUESTION : M Jean Charroppin appelle l'attention de Mme le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle sur l'embarras cause aux entreprises et aux medecins du travail par une jurisprudence relativement recente (29 novembre 1990, confirmee le 11 decembre 1990), qui a desormais force de loi, stipulant que tout salarie devenu et declare inapte a poursuivre son activite pour des raisons de sante, en dehors du cadre des accidents du travail ou maladies professionnelles, doit beneficier de l'indemnite legale de licenciement, voire meme de l'indemnite conventionnelle de licenciement, lorsque la convention collective n'en exclut pas le versement. En effet, auparavant, toute inaptitude totale consecutive a un etat de sante, ou la responsabilite de l'employeur n'etait pas engagee, etait consideree comme une rupture de contrat de travail a l'initiative du salarie et correspondait donc a une simple demission. L'intervention du medecin du travail consistait donc a entrer en contact avec le medecin conseil afin d'envisager avec lui le devenir medical et social du salarie qui faisait l'objet d'une prise en charge au titre de l'invalidite categorie I ou II selon la gravite de l'etat pathologique. Le systeme repondait ainsi justement et de facon logique aux regles du travail. Depuis novembre 1990, a l'initiative de quelques deliberes de justice, le fondement meme du role represente par les indemnites de licenciement semble perverti par meconnaissance des regles elementaires du droit en matiere de responsabilite civile pour la reparation d'un prejudice. La garantie que les indemnites representaient pour le salarie, en cas de menace de licenciement injuste ou evitable, devient desormais un motif plus attractif et lucratif (que la simple prime de depart a la retraite en outre) pour obtenir une conclusion d'inaptitude apres cinquante-cinq ans, surtout par le biais du medecin du travail, voire du medecin conseil. Ainsi, tout salarie voyant son acuite visuelle baisser jusqu'a etre genante, ou souffrant d'une lombarthrose toujours invalidante, voire d'une cirrhose alcoolique avancee, sera fatalement plus incite, surtout apres trente-cinq ans de carriere, a se sentir veritablement inapte qu'a lutter un minimum pour poursuivre cette derniere. Il convient alors de se demander quel echo pourra trouver alors le medecin du travail dans ses efforts d'amenagement de poste, d'horaire ou de reconnaissance Cotorep pour aider le salarie a terminer sa carriere ? Cette deviation d'une loi bien etablie par le code du travail risque de se retourner finalement contre les salaries dans leur ensemble en rendant precaire leur emploi. Les entreprises n'auront effectivement plus les moyens d'embaucher des remplacants pour poursuivre l'activite en cours et pourront etre tentes de faire jouer la clause « faute grave » pour se dispenser d'une charge dont ils n'ont pas a subir le poids, puisqu'ils n'en sont pas responsables. Enfin, compte tenu du climat de tension lie a la conjoncture qui regne dans les entreprises, il parait difficile de repondre sans scrupule ni embarras a un salarie ou a un employeur qui souhaite etre eclaire sur ce point. C'est pourquoi il lui demande de lui faire connaitre ses reflexions suscitees par cette nouvelle jurisprudence, qui risque d'aggraver de facon catastrophique les charges financieres et la competitivite des entreprises, ainsi que les mesures qu'elle compte prendre pour permettre a la medecine du travail de se fonder sur une legislation logique, claire, impartiale et de conserver un climat relationnel de confiance, indispensable a sa credibilite.
Texte de la REPONSE : Reponse. - Ainsi que le rappelle l'honorable parlementaire, la jurisprudence de la Cour de cassation, depuis l'arret de la chambre sociale du 29 novembre 1990 SA Pasquet c/Mme Esposito, a pose le principe selon lequel la resilation du contrat de travail d'un salarie atteint d'une invalidite le rendant inapte a exercer toute activite dans l'entreprise s'analyse en un licenciement qui ouvre droit a l'indemnite legale ou, si elle est plus favorable au salarie et si les clauses de la convention collective ne l'excluent pas, a l'indemnite conventionnelle de licenciement. Cette jurisprudence est l'aboutissement d'une longue evolution. La Cour de cassation a longtemps distingue, d'une part, l'inaptitude momentanee ou partielle du salarie qui pouvait constituer un motif reel et serieux de licenciement par les perturbations qu'elle causait au fonctionnement de l'entreprise et, d'autre part, l'inaptitude totale et definitive qui permettait a l'employeur de prendre acte de la rupture du contrat de travail, laquelle ne lui etait pas imputable et ne donnait lieu a aucune indemnisation. L'arret du 29 novembre 1990 a mis fin a cette distinction, la jurisprudence adoptant desormais la meme position en cas d'inaptitude qu'en cas de maladie prolongee du salarie en considerant que dans l'un et l'autre cas, la rupture du contrat de travail par l'employeur s'analyse en un licenciement. Il est exact que cette jurisprudence peut avoir pour effet de faire peser une charge nouvelle sur la tresorerie d'une entreprise conduite a licencier un salarie devenu definitivement inapte a tout emploi. Toutefois, dans une telle situation, certaines conventions collectives prevoyaient deja le versement de l'indemnite de licenciement ou d'une indemnite equivalente. Par ailleurs, cette jurisprudence, non seulement ne remet nullement en cause, mais a plutot pour effet de renforcer le role et les attributions du medecin du travail, lui seul ayant competence pour apprecier l'aptitude ou l'inaptitude physique a leur emploi des salaries et pour proposer, compte tenu de leur etat de sante, des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes.
RPR 9 REP_PUB Franche-Comté O