FICHE QUESTION
9ème législature
Question N° : 57200  de  M.   Raoult Éric ( Rassemblement pour la République - Seine-Saint-Denis ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  04/05/1992  page :  2020
Réponse publiée au JO le :  12/10/1992  page :  4733
Rubrique :  Justice
Tête d'analyse :  Fonctionnement
Analyse :  Reforme du code de procedure penale
Texte de la QUESTION : M Eric Raoult attire l'attention de M le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'inquietude de nombreux magistrats, devant le projet de reforme du code de procedure penale, presente en conseil des ministres, le 26 fevrier 1992. En effet, une telle reforme apparait materiellement impossible a mettre en oeuvre, sans une augmentation considerable et immediate des effectifs de magistrats, greffiers et fonctionnaires des juridictions ; ces magistrats craignent que ce projet, en diminuant l'efficacite des juges d'instruction, ne viennent accentuer le climat actuel d'insecurite. Ces magistrats estiment qu'en accordant des facilites nouvelles aux personnes faisant l'objet d'une garde a vue et a leurs familles - sans pour autant ameliorer les conditions materielles d'execution de cette mesure - la reforme projetee entravera inutilement la tache des officiers de police judiciaire, alors qu'il suffisait, pour lever toute ambiguite sur ce point de prevoir le droit pour le droit pour les interesses d'etre mis en presence d'un magistrat. Le systeme complexe de « mise en examen », puis de « mise en cause » destine a remplacer la notion d'inculpation, ne renforcera pas la presomption d'innocence qui suppose le respect absolu du secret de l'instruction, mais que la mise en cause, apres une mise en examen prealable, apparaitra au contraire, comme un indice supplementaire de culpabilite. D'autre part, la detention provisoire prononcee par un college de trois magistrats incitera desormais les tiers a presumer definitivement de la culpabilite d'une personne incarceree et qu'il ne parait pas possible de demander aux magistrats ayant statue sur la mise en detention de juger ensuite l'affaire au fond, ce qui pourrait constituer une violation caracterisee de la Convention europeenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, aux termes de laquelle tout accuse a droit a ce que sa cause soit entendue par un tribunal independant et impartial. De nombreux magistrats considerent par ailleurs que la possibilite pour les parties d'exiger du magistrat instructeur l'accomplissement de certains actes, venant alourdir une procedure penale deja extremement formaliste, risque de favoriser les moyens dilatoires et d'allonger considerablement les delais d'instruction, conduisant ainsi a des mises en liberte d'office pour depassement du « delai raisonnable » prevu par la convention europeenne, situation qui ne serait pas admise par les victimes ni l'opinion publique. Les difficultes pratiques et d'application de ce projet qui multiplie les formalites de procedure et les causes de nullite ne manqueraient pas d'etre exploitees par certains delinquants professionnels sans ameliorer pour autant la situation des autres justifiables. Il lui demande de bien vouloir lui preciser sa position en ce domaine.
Texte de la REPONSE : Reponse. - Le garde des sceaux precise a l'honorable parlementaire que les propositions relatives a la nouvelle procedure d'instruction preparatoire ont ete accompagnees de la determination - en concertation avec le ministere du budget - des moyens humains et materiels necessaires a leur application. S'agissant des dispositions du projet de loi evoquees par l'honorable parlementaire, les precisions suivantes peuvent etre apportees. L'un des axes principaux du projet est d'accroitre les garanties des justiciables. La faculte qui sera ouverte aux personnes gardees a vue de faire prevenir leur famille et de demander a etre examinee par un medecin des le debut de la mesure, contribuera a humaniser le deroulement de cette privation de liberte, sans constituer pour les services d'enquete une charge insurmontable. Si aucun motif ne saurait fonder le refus d'un examen medical, le texte propose contient une reserve pour les cas dans lesquels l'officier de police judiciaire competent estimera que l'avis a la famille sera de nature a compromettre la poursuite des investigations. C'est alors le magistrat du parquet ou le juge d'instruction saisi qui, informe de la difficulte par les enqueteurs estimera s'il y a lieu de faire droit a la demande de la personne gardee a vue. Ce systeme est plus adapte aux simples contingences materielles que la presentation obligatoire a un magistrat de la personne gardee a vue. Une telle solution s'analyserait d'ailleurs comme une defiance injustifiee envers les officiers de police judiciaire, sans permettre un meilleur controle du deroulement de la mesure. La suppression de l'inculpation et la dissociation entre le stade procedural ou naissent les droits de la defense - la mise en examen - et celui ou sont notifiees les charges - la mise en cause -, permettront que toute personne contre laquelle existent des indices graves et concordants d'avoir commis une infraction, assure sa defense dans les conditions satisfaisantes, sans porter la fletrissure qui s'attache a l'inculpation. Par ailleurs, les deductions auxquelles se livreraient des tiers a la procedure, apres que trois magistrats aient ordonne le placement en detention provisoire d'une personne mise en cause, ne seraient pas justifiees dans la mesure ou l'intervention de la collegialite ne vise qu'a accroitre les garanties du justiciable contre lequel une decision d'une particuliere gravite est envisagee. Enfin, toutes dispositions pratiques seront naturellement prises lors de l'entree en vigueur de la reforme pour qu'au regard de la jurisprudence de la cour europeenne des droits de l'homme, les procedures ne soient pas viciees par une apparente partialite des juridictions de jugement envers un prevenu ayant subi une detention provisoire. Le renforcement du caractere contradictoire de l'instruction preparatoire et la refonte du mecanisme des nullites, loin d'aboutir a des lenteurs et des echecs, apparaissent au contraire en mesure de renforcer la securite des procedures pour le justiciable comme pour la societe. Les debats auxquels donnera lieu ce projet lors de la prochaine session d'automne permettront, au demeurant, au Parlement d'engager un debat de fond qui debouchera sur les modifications qui apparaitront necessaires.
RPR 9 REP_PUB Ile-de-France O