FICHE QUESTION
9ème législature
Question N° : 59231  de  M.   Weber Jean-Jacques ( Union du Centre - Haut-Rhin ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  22/06/1992  page :  2696
Réponse publiée au JO le :  12/10/1992  page :  4685
Rubrique :  Cultures regionales
Tête d'analyse :  Defense et usage
Analyse :  Langues regionales ou minoritaires. projet de charte europeenne. adoption par le Conseil de l'Europe. attitude de la France
Texte de la QUESTION : M Jean-Jacques Weber attire l'attention de M le ministre d'Etat, ministre des affaires etrangeres, sur les bruits selon lesquels la France serait le seul grand pays des Etats membres de l'Europe a vouloir s'opposer a l'adoption de la charte europeenne des langues regionales ou minoritaires, sous forme d'une convention. La France chercherait en effet a limiter la portee du texte a une simple recommandation sans aucune efficacite reelle et envisagerait meme, si la convention devait neanmoins etre adoptee, d'en bloquer la mise en oeuvre en refusant de donner son accord pour la signature de ce texte par les Etats membres. Par ce biais, la France imposerait a l'ensemble de l'Europe democratique sa « conception passeiste » vis-a-vis de ses richesses culturelles, alors que son devoir et son interet est d'en assurer la sauvegarde et la promotion. Cette position irait a l'encontre d'un courant de pensee tres largement repandu, puisque pas moins de quarante-cinq propositions de loi provenant de tous les horizons politiques ont ete deposees depuis 1958 soit a l'Assemblee nationale, soit au Senat, en vue d'un statut et des garanties juridiques pour les langues regionales de France. Il lui rappelle que les propositions deposees en ce sens par le parti socialiste ont ete signees ou cosignees notamment par M Francois Mitterrand et plus de 120 deputes, dont notamment MM Mauroy, Fabius, Rocard, Beregovoy, et lui indique que cette position irait aussi a l'encontre de la tres grande majorite des Etats membres du Conseil de l'Europe. Aussi, alors que ce texte repond a une aspiration profonde et a une necessite fondamentale, il s'etonne que le Gouvernement francais semble vouloir refuser de donner a cette charte la valeur d'une convention, et lui demande de lui indiquer comment a son avis la France, pays de la democratie et des droits de l'homme, pourrait defendre une telle position, contraire a ce que nos plus hautes instances ont declare.
Texte de la REPONSE : Reponse. - Comme le sait l'honorable parlementaire, le Gouvernement francais s'est, depuis plusieurs annees, preoccupe du developpement de l'emploi des langues regionales ou minoritaires, repondant ainsi aux voeux emis dans les diverses propositions de loi deposees a l'Assemblee nationale et au Senat auxquelles vous vous referez. Comme vous le savez egalement, il est a present possible d'apprendre des langues regionales a l'ecole, au college, au lycee et a l'universite. Pour ce qui concerne les media, la chaine publique FR 3 diffuse des emissions en langue regionales et de nombreuses radios locales en langue regionale existent aujourd'hui. Nombre de dispositions du projet de charte europeenne sur les langues regionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe, qui a pour but principal la promotion et la protection des langues regionales, sont donc d'ores et deja applicables et appliquees en France sans qu'aucune modification de notre legislation soit necessaire. Le projet qui est soumis aux Etats membres du Conseil de l'Europe pose toutefois a la France des difficultes sur plusieurs points importants. Cette charte contient en effet des dispositions incompatibles avec nos principes constitutionnels, tels que l'egalite des citoyens devant la loi, et contraires a notre legislation pour ce qui concerne l'emploi des langues regionales dans les services publics et dans la vie economique et sociale. En particulier l'emploi des langues regionales dans les organes juridictionnels serait en opposition avec le principe de l'utilisation de la langue francaise par les juridictions, pose par l'ordonnance de Villers-Cotterets de 1539. Les dispositions de la charte relative a l'emploi des langues regionales dans les contrats de travail se heurtent au code du travail, qui exclut meme l'emploi d'un terme etranger. Enfin, l'utilisation de langues regionales par les etablissements publics ou prives charges de soigner les personnes qu'ils accueillent ou bien dans les informations destinees aux medicaments parait difficile a exiger. Ces mesures ainsi que d'autres (traduction des debats, formalites dans le cadre des procedures judiciaires) entraineraient une augmentation du prix des services, les rendant moins accessibles alors meme qu'un des buts de la charte est de faciliter l'acces a ces services. En outre, la protection des langues regionales peut difficilement faire l'objet d'une reglementation uniforme et detaillee : aux situations diverses qui sont celles des vingt-sept Etats membres du Conseil de l'Europe doivent correspondre des solutions adaptees au territoire auquel elles s'appliquent. Ce sont ces arguments que les representants de la France ont defendus au comite intergouvernemental d'expert qui a examine le projet de charte. Le Gouvernement francais a exprime le souhait que le texte prenne la forme d'une recommandation du Conseil de l'Europe. Si la charte devait revetir la forme d'une convention, la France ne s'opposerait pas a l'ouverture a la signature de cette convention. Les Etats du Conseil de l'Europe qui le souhaitent pourront donc contracter une telle obligation.
UDC 9 REP_PUB Alsace O