FICHE QUESTION
9ème législature
Question N° : 59580  de  M.   Vernaudon Émile ( Socialiste - Polynésie Française ) QE
Ministère interrogé :  défense
Ministère attributaire :  défense
Question publiée au JO le :  06/07/1992  page :  2985
Réponse publiée au JO le :  03/08/1992  page :  3534
Rubrique :  DOM-TOM
Tête d'analyse :  Polynesie : politique economique
Analyse :  Pespectives. CEA. CEP. essais nucleaires. suspension. consequences
Texte de la QUESTION : M Emile Vernaudon attire l'attention de M le ministre de la defense sur l'equilibre economique de la Polynesie francaise qui est tres fragile puisque le taux de couverture des importations du territoire par ses exportations n'atteint meme pas 5 p 100. La Polynesie est donc tres dependante des aides que lui apporte l'Etat. Or, sur les 6 milliards de francs francais environ depenses annuellement par l'Etat dans le territoire, pres de la moitie - 45 p 100 exactement - est constituee par les depenses militaires ou connexes. La suspension des experimentations nucleaires recemment decidee par le chef de l'Etat preoccupe donc gravement - et a juste titre - tous les Polynesiens soucieux de l'avenir de leur territoire. Si la suspension provisoire des experimentations nucleaires devait se transformer l'annee prochaine en cessation definitive des essais francais dans le Pacifique, par quoi, quand et comment serait remplacee la convention douaniere et de cooperation economique qui lie le ministere de la defense et le CEA au territoire de la Polynesie francaise depuis plusieurs annees et pour des periodes quinquennales ? La question est d'autant plus d'actualite que la convention en exercice expire le 30 juin et qu'elle doit etre renouvelee pour la periode 1993-1998. En second lieu, de quelle maniere le ministere de la defense et l'Etat ont-ils l'intention de proceder afin que, comme ils s'y sont moralement engages, la suspension des essais nucleaires n'entraine en Polynesie francaise aucun licenciement parmi les personnels de recrutement local du CEP-CEA ? Cette question est egalement d'actualite car, selon la presse locale et nationale, de nombreuses personnes seraient actuellement sur le point de perdre leurs emplois sur les sites. A cette question, se rattache une autre : selon quelles modalites precises le ministere de la defense et l'Etat entendent-ils porter une attention particuliere a la situation des entreprises sous-traitantes du CEA-CEP et a leur plan de charge, comme ils s'y sont egalement engages ? Va-t-on accorder des subventions d'equilibre a ces entreprises privees ? Va-t-on leur attribuer d'autres chantiers sans appel d'offres ? Cela lui parait difficile, mais si tel etait neanmoins le cas, dans quels delais et de quelle maniere ? Enfin, comment le ministere de la defense et l'Etat vont-ils compenser le manque a gagner pour le territoire, provoque par le depart des personnels civils et militaires employes par le CEA-CEP dans le cadre des experimentations nucleaires ? Selon certaines estimations, une bombe nucleaire couterait une centaine de millions de francs francais et le fonctionnement du centre d'experimentations environ 2 milliards de francs francais par an. Des ecologistes ont demande que l'economie realisee a la suite de la suspension provisoire ou de l'arret definitif des essais soit affectee a la protection de l'environnement. Mais ne serait-il pas economiquement plus judicieux et socialement plus equitable d'affecter ces sommes importantes au redressement de l'economie polynesienne qui est gravement perturbee depuis trente ans par le poids relatif du CEA et du CEP dans le territoire ?
Texte de la REPONSE : Reponse. - Le Gouvernement est tres attentif aux conditions du developpement de la Polynesie francaise et tres soucieux d'en diversifier et d'en affermir les fondements. C'est dans cet esprit qu'il a entrepris d'examiner les consequences economiques et sociales de la suspension, pour l'annee 1992, des essais nucleaires. Il en est resulte un protocole d'accord conclu entre l'Etat et le territoire de la Polynesie francaise aux termes duquel le ministre de la defense a pris trois series d'engagements : 1o Apurer les comptes douaniers entre le CEA et le territoire avant le 30 juin 1992 et conclure un accord avec le territoire pour proroger du 1er juillet 1992 au 31 decembre 1992 les dispositions de la convention douaniere et de cooperation economique du 14 aout 1987 qui devait venir a echeance a la fin du mois de juin apres qu'elle eut ete denoncee par le president du gouvernement du territoire. 2o Eviter tout licenciement parmi le personnel de recrutement local de la DIRCEN et du CEA. 3o Porter une attention particuliere a la situation et au plan de charges des entreprises sous-traitantes de la DIRCEN et du CEA. Ces engagements sont tenus. 1o Le CEA a verse au territoire, le 22 juin 1992, 40 millions de francs au titre de la compensation de l'ecart entre la taxation ad valorem des produits scientifiques qu'il importe en Polynesie et le forfait douanier prevu par la convention douaniere et de cooperation economique du 14 aout 1987. La prorogation des dispositions de cette convention jusqu'au 31 decembre 1992 fait l'objet d'un avenant qui est en cours de signature et dont la mise en oeuvre, au cours du second semestre de 1992, se traduira par le versement, au profit du territoire, de 55 millions de francs au titre du forfait douanier et de 16,3 millions de francs au titre de la subvention de developpement economique. Par ailleurs, la section des travaux du genie - dont le cout annuel est estime par la defense a 10 millions de francs - poursuivra ses activites au benefice de la collectivite polynesienne. 2o Comme le ministre de la defense s'y etait engage, les 860 emplois occupes par des personnels de recrutement local a la DIRCEN et au CEA en Polynesie ont ete integralement maintenus a la suite de la suspension des essais nucleaires. 3o Enfin, il a ete procede avec les entreprises sous-traitantes de la DIRCEN et du CEA a un examen concerte, au cas par cas, de la situation des contrats en cours et des plans de charge. Il en resulte qu'aucun des contrats de sous-traitance de la DIRCEN n'a ete reduit ou differe. Quant aux contrats de sous-traitance du CEA, directement lies aux essais nucleaires, certains ont du faire l'objet d'une suspension ou d'une reduction. Toutefois, le CEA s'est attache, d'une part, a maintenir la plupart des emplois chez ses sous-traitants, notamment en mettant a profit de nouveaux contrats passes par la DIRCEN, et, d'autre part, a proposer le reclassement de certains personnels permanents ou saisonniers sur des contrats relevant des armees. Ainsi, l'attention particuliere portee par l'Etat a la situation des entreprises sous-traitantes et a leur plan de charge a permis de limiter considerablement l'ampleur des licenciements dont le nombre ne depasse pas la quinzaine. Cette attention ne se relachera pas dans les semaines et les mois a venir grace, en particulier, a l'action vigilante de l'inspection du travail des armees en Polynesie francaise. En definitive, l'Etat, conformement aux engagements qu'il a pris envers le territoire, consent des efforts significatifs pour attenuer l'impact economique et social de la suspension des essais nucleaires. Pour la periode 1993-1998, et quelle que soit la decision qui sera prise, le moment venu, en ce qui concerne le programme d'essais nucleaires, le ministere de la defense et le CEA entendent negocier avec le territoire les termes d'une nouvelle convention qui sera plus specialement axee sur la cooperation economique et repondra ainsi a la preoccupation, partagee par l'Etat et le territoire, d'un reequilibrage et par consequent d'une diversification de l'economie polynesienne.
SOC 9 REP_PUB Polynésie Française O