FICHE QUESTION
9ème législature
Question N° : 59793  de  M.   Pinte Étienne ( Rassemblement pour la République - Yvelines ) QE
Ministère interrogé :  intérieur et sécurité publique
Ministère attributaire :  intérieur et sécurité publique
Question publiée au JO le :  13/07/1992  page :  3098
Réponse publiée au JO le :  15/02/1993  page :  614
Rubrique :  Communes
Tête d'analyse :  Finances locales
Analyse :  Tarifs des services organises par la commune. fixation. pouvoirs du maire
Texte de la QUESTION : M Etienne Pinte attire l'attention de M le ministre de l'interieur et de la securite publique sur l'arret no 91-794 du 4 mars 1991 du Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat a considere comme illegale la deliberation de la commune de Romainville fixant des droits d'inscription a l'ecole nationale de musique de la ville differents en fonction des diverses categories d'usagers. Il lui demande si cette decision relative a la fixation de tarifs differents est uniquement applicable aux droits d'acces au service public ou si elle s'etend a l'ensemble des tarifs votes par les conseils municipaux et notamment les tarifs de restauration scolaire, de creches, de garderies, etc.
Texte de la REPONSE : Reponse. - L'honorable parlementaire souleve la delicate question des discriminations tarifaires dans la gestion des services publics locaux par les collectivites locales, qui ont fait l'objet de nombreux arrets du Conseil d'Etat depuis le debut du siecle. La Haute Assemblee, depuis l'arret Chomel (CE, 29 novembre 1911), estime que les usagers d'un service public qui se trouvent dans une situation juridique identique doivent etre soumis au meme traitement. Toutefois par un arret du Conseil d'Etat du 13 juillet 1962 (Conseil national de l'ordre des medecins) le juge administratif a accepte le principe d'une discrimination tarifaire entre usagers d'un service public, s'il existe un interet general en rapport avec l'objet ou les conditions d'exploitation du service. Deux autres situations ont egalement ete reconnues par la Haute Assemblee comme autorisant un service public gere par une collectivite locale a pratiquer des discriminations tarifaires ; soit, lorsque la loi le prevoit expressement ; soit, lorsqu'il existe entre les usagers de ce service des differences de situations facilement appreciables et le Conseil d'Etat depuis l'arret Denoyez et Chorques (CE du 10 mai 1974) estime qu'en matiere de fixation de tarifs il existe entre les usagers d'un ouvrage public communal ayant la qualite d'administres de la commune et ceux n'ayant pas cette qualite une difference de situations de nature a justifier un regime tarifaire different pour l'utilisation de l'ouvrage. En consequence, c'est au regard de l'une de ces trois conditions que les collectivites locales peuvent fixer des tarifs differents selon les usagers de leurs services publics, que ces services soient de caractere administratif (creches, cantines, restauration scolaire) ou de caractere industriel et commercial. Il faut noter que ces conditions sont appreciees au cas par cas, notamment le critere de « difference de situation appreciable entre les usagers ». Le principe d'egalite devant le service public, pose en 1911 par l'arret Chomel, exige que toutes les personnes placees dans des situations identiques soient soumises au meme traitement, notamment en matiere tarifaire. Les exceptions a ce principe ne sont admises que lorsqu'il existe des differences de situations objectives entre usagers, et en rapport direct avec l'objet du service. Ainsi, c'est sur une jurisprudence desormais bien etablie que le juge administratif fonde sa decision, soit, en raison de l'existence d'une activite de service public de caractere social indeniable (creche, garderie, prevention medicale), soit, parce qu'il constate l'existence d'une activite d'interet general qui, bien que ne resultant pas d'un service public obligatoire, a cependant un caractere social (cantines), soit enfin, parce qu'il constate qu'un service n'a pas d'interet general justifiant des exceptions au principe d'egalite qui regit son acces (ecoles de musique) et refuse alors toute discrimination tarifaire. Sur ces secteurs (cantines, ecoles de musique et creches), le Conseil d'Etat s'est clairement prononce a plusieurs reprises. Tout d'abord, pour les cantines scolaires, la Haute Assemblee dans deux arrets du 5 octobre 1984 et du 5 decembre 1984 (Corep du departement de l'Ariege) conformement aux principes degages dans l'arret Denoyez et Choques, precite, a estime qu'entre les enfants domicilies hors de la commune et ceux de la commune existe une difference de situation appreciable compte tenu du fait que les parents residant dans la commune, a la difference de ceux qui n'y resident pas, participent au financement du service par le biais des impots locaux. Le juge a ainsi reconnu aux communes, en contrepartie des charges qu'elles s'imposent spontanement, une certaine liberte pour definir les conditions financieres d'acces au service. Toutefois, en relevant dans sa decision que le prix demande aux eleves exterieurs a la commune n'etait pas superieur au prix de revient, le Conseil d'Etat a entendu marquer qu'il existe des limites a la faculte ouverte aux communes de differencier, selon que l'usager est ou non domicilie sur leur territoire, les tarifs des services publics qu'elles gerent sans y etre juridiquement obliges. Ensuite, pour les ecoles de musique, le Conseil d'Etat dans un arret du 26 avril 1985 (ville de Tarbes) a, d'une part, considere que les differences de revenus entre les familles des eleves frequentant l'ecole de musique n'etaient pas constitutives, en ce qui concerne l'acces au service public, de differences de situation justifiant des exceptions au principe d'egalite qui regit cet acces et, d'autre part, estime que, compte tenu de l'objet du service et de son mode de financement, il n'existait aucun interet general justifiant, pour la fixation des droits d'inscription, une discrimination fondee sur les seules differences de ressources entre les usagers. Deux arrets recents du 4 mars et du 18 decembre 1991 de la Haute Assemblee concernant les droits d'inscription a l'ecole municipale de musique de Romainville et a celle d'Argenteuil ont confirme la jurisprudence de l'arret ville de Tarbes. Enfin, s'agissant des tarifs applicables a l'acces a une creche collective, le Conseil d'Etat a en revanche considere que le bareme pouvait etre determine en retenant le critere tire de la differenciation des ressources des familles, sans meconnaitre le principe d'egalite entre les usagers du service public (CE - 20 janvier 1989 - centre communal d'action sociale de La Rochelle), compte tenu, d'une part, du mode de financement de ce service public administratif, et, d'autre part, de l'interet general qui s'attache a l'utilisation de la creche par les parents desirant y placer leurs enfants, sans distinction selon les possibilites financieres dont dispose chaque foyer, des lors que les tarifs les plus eleves n'excedent pas le cout de fonctionnement. La Haute Assemblee a en outre precise que, pour fixer sur cette base le bareme des tarifs applicables, en retenant une evaluation des ressources fondee sur les revenus imposables tels qu'ils ressortent des avis d'imposition, l'autorite competente ne commet aucune erreur manifeste d'appreciation. Ainsi, progressivement, une distinction s'opere entre les services publics a caractere social ou ayant une influence sur le traitement des inegalites sociales et les services publics a caractere culturel. Seuls les premiers peuvent, au vu de la jurisprudence actuelle du Conseil d'Etat et en raison de leur nature et de leur objet, pratiquer des tarifs discriminatoires entre usagers sous certaines conditions rappelees ci-dessus.
RPR 9 REP_PUB Ile-de-France O