Texte de la QUESTION :
|
M Jean-Claude Mignon appelle l'attention de M le ministre de l'industrie et du commerce exterieur sur les vives inquietudes ressenties par l'ensemble des salaries du groupe Bull, face au nouveau plan de reduction de 1 100 emplois que la direction s'apprete a mettre en oeuvre, cet ete. A ces suppressions, s'ajoutent 250 delocalisations de la region parisienne vers la province, qui posent des problemes familiaux aux salaries concernes. Le plan de mutation du groupe Bull comporte un volet social qui prevoit pres de 5 000 suppressions d'emplois dans les prochaines annees, ce qui est en contradiction avec les declarations de Mme le ministre du travail et le Premier ministre, sur la necessite de donner la priorite a l'emploi et a la limitation des licenciements massifs dans les entreprises publiques. Le contexte international de vive concurrence, que connait actuellement le secteur informatique, ne peut expliquer ce sacrifice des competences. Il lui demande, par consequent, quelle mesure il entend prendre pour sauvegarder et developper le secteur informatique francais qui, comme chacun le reconnait, possede de tres nombreux atouts.
|
Texte de la REPONSE :
|
Reponse. - La crise que connait aujourd'hui l'industrie informatique mondiale s'explique par la conjugaison de nombreux facteurs : la pression des utilisateurs, d'abord, pour une informatique decentralisee et ouverte ; l'emergence, ensuite, de nouveaux acteurs tirant profit d'une standardisation croissante et d'une certaine banalisation des technologies ; la montee en puissance du Japon, enfin, qui a fait de ce secteur une de ses priorites strategiques. Elle correspond a des changements structurels de l'industrie informatique, engages au cours de la decennie ecoulee, mais qui connaissent une acceleration considerable. L'emergence de nouveaux systemes d'exploitation independants des constructeurs remet en cause les positions acquises des grands constructeurs traditionnels disposant de systemes proprietaires. Le developpement rapide de ces systemes d'exploitation standards incite l'industrie des logiciels d'application a concentrer ses investissements sur les produits beneficiant d'un marche assure ou en croissance. Les clients limitent par ailleurs leurs investissements dans l'attente d'une clarification des perspectives ouvertes par les mutations en cours. Ces evolutions convergentes ont entraine un ralentissement general de la croissance du marche et une baisse rapide de la marge brute des fournisseurs traditionnels. Cette crise actuelle frappe particulierement l'industrie informatique europeenne qui ne controle que 10 p 100 de la production informatique mondiale, contre pres de 60 p 100 pour les firmes americaines et 25 p 100 pour les firmes japonaises ; une industrie controlee au tiers seulement par des firmes locales, a 58 p 100 par les industriels americains et a 8 p 100 par les entreprises japonaises. Pour faire face a cette situation, le groupe Bull a mis en place un plan de mutation important. Ce plan accelere la restructuration en profondeur du groupe par une reduction de treize a six du nombre des sites industriels, une refonte de l'organisation mondiale du groupe, des reductions d'emplois et des desinvestissements d'activites non strategiques, une concentration des efforts commerciaux sur les grands comptes. La strategie du groupe est d'etre un des grands fournisseurs mondiaux capable de maitriser la complexite croissante de la collecte, de la communication et de l'exploitation des informations dans les grandes entreprises. Pour assurer une evolution rapide de son offre en conformite avec les attentes du marche, Bull met en oeuvre un projet technique de grande ampleur. Ce projet vise a assurer une mutation rapide de l'offre du groupe, pour tenir compte de la demande croissante des utilisateurs pour une informatique plus decentralisee, plus ouverte et d'usage aise, tout en demeurant sure et puissante. Le projet DCM (Distributed Computing Model) a fait l'objet d'une annonce importante en mars 1991, bien accueillie par le marche. Outre cet effort sur son architecture, le groupe developpe une gamme de serveurs correspondant a une forte demande du marche et destinee a terme a remplacer ses systemes proprietaires. Les autorites francaises ont decide, sous reserve de l'accord de la Commission des Communautes europeennes, de soutenir le projet presente par le groupe Bull par des subventions d'un montant total de 2 680 millions de francs sur la periode 1991-1994. Compte tenu de l'importance du projet, il a ete conclu un contrat pluriannuel, afin de permettre la planification des financements necessaires. Un suivi scientifique, industriel et financier du projet est organise. Le besoin de financement important du groupe a amene l'Etat actionnaire a decider une dotation de capital de 2 milliards de francs en 1991 et de 2 milliards de francs egalement en 1992. L'annonce, le 3 avril 1991, de cette recapitalisation, ainsi que du soutien du Gouvernement francais au projet technique du groupe au travers du contrat pluriannuel a conduit a une ouverture par la Commission des Communautes europeennes de la procedure 93-2 et a une longue instruction. La recapitalisation de Bull a ete qualifiee d'aide d'Etat le 30 juin 1992, mais declaree conforme au traite de Rome. Le soutien au projet technique a ete declare conforme au traite et constituant un projet reellement innovant et benefique pour l'industrie informatique europeenne. L'accord de Bull et IBM est un accord a long terme ou les deux entreprises echangeront leur technologie. Bull adopte l'architecture RISC d'IBM et contribuera en retour aux developpements en matiere de multiprocesseurs pour elargir l'offre des deux societes. Zenith, un des leaders mondiaux dans le domaine des portables, fournira des produits a IBM qui les commercialisera. Les deux societes s'accorderont des licences de fabrication de leurs produits et IBM s'approvisionnera en circuits imprimes aupres de l'usine d'Angers du groupe Bull. Cette alliance valorise les competences de Bull dans des domaines strategiques pour l'avenir de cette industrie : les techniques de multiprocessuers et les ordinateurs portables. Elle permet egalement d'exploiter le savoir-faire de Bull en matiere de fabrication. IBM a ete choisi par l'entreprise parce que son offre de cooperation etait la plus large et qu'elle permettait d'obtenir un equilibre du partenariat. L'autonomie du groupe Bull est preservee par cet accord qui ne concerne qu'une partie de son offre. Bull poursuivra notamment le developpement de son projet « Distributed Computing Model ». La politique de partenariat equilibre menee par le groupe vise a lui permettre de maintenir son offre technologique au meilleur niveau et de concentrer ses forces de developpement sur ses domaines d'excellence.
|