Texte de la QUESTION :
|
M Jacques Brunhes attire l'attention de M le ministre de l'industrie et du commerce exterieur sur la situation prejudiciable pour l'economie francaise du groupe Bull. Un nouveau plan de reduction de 1 100 emplois va etre mis en oeuvre des cet ete. Il va affaiblir considerablement cette entreprise publique. Or, dans un domaine aussi strategique que l'informatique, soumis a une telle concurrence internationale, il est encore plus inacceptable qu'ailleurs que la politique du groupe Bull, qui reste, malgre ses difficultes, le premier constructeur informatique francais et europeen, soit guidee par des objectifs d'equilibre financier et de rentabilisation a court terme. Les salaries ont des propositions pour developper leur entreprise. D'autres choix sont possibles en s'appuyant sur les consequences reconnues des salaries de Bull, la qualite des produits, services et solutions, les synergies a rechercher des la conception du cahier des charges avec de grands clients du secteur public et des industriels francais ou europeens, la poursuite de l'effort de capitalisation de l'Etat actionnaire. Confronte a la spirale des reductions d'emplois et des pertes de competences, aux difficultes a mener a bien avec des forces constamment reduites les objectifs de chaque service, le personnel de Bull est inquiet et desoriente. Derriere ou a cote du chiffre net de 1 100 nouvelles suppressions d'emplois prevues en 1992 en France se cachent plusieurs realites graves pour les salaries : 1 500 salaries dont le poste sera supprime et 250 salaries delocalises de la region parisienne vers la province, alors meme que plus de 400 salaries dont le poste a ete supprime en 1991 restent toujours sans emploi et que de multiples transferts entre etablissements de la region parisienne sont egalement en projet avec leur cortege de difficultes pour les salaries et les projets. Ces suppressions d'emploi mettent en peril l'avenir meme du groupe, sa capacite a rester un industriel gardant des activites de production, d'etudes et recherche, de commercialisation, d'apres-vente et de services aux clients. Toute perte supplementaire de competences mettrait en peril la survie de l'entreprise. Il lui demande en consequence les dispositions qu'il compte prendre pour remedier a cette situation.
|
Texte de la REPONSE :
|
Reponse. - La crise que connait aujourd'hui l'industrie informatique mondiale s'explique par la conjugaison de nombreux facteurs : la pression des utilisateurs, d'abord, pour une informatique decentralisee et ouverte ; l'emergence, ensuite, de nouveaux acteurs tirant profit d'une standardisation croissante et d'une certaine banalisation des technologies ; la montee en puissance du Japon, enfin, qui a fait de ce secteur une de ses priorites strategiques. Elle correspond a des changements structurels de l'industrie informatique, engages au cours de la decennie ecoulee, mais qui connaissent une acceleration considerable. L'emergence de nouveaux systemes d'exploitation independants des constructeurs remet en cause les positions acquises des grands constructeurs traditionnels disposant de systemes proprietaires. Le developpement rapide de ces systemes d'exploitation standards incite l'industrie des logiciels d'application a concentrer ses investissements sur les produits beneficiant d'un marche assure ou en croissance. Les clients limitent par ailleurs leurs investissements dans l'attente d'une clarification des perspectives ouvertes par les mutations en cours. Ces evolutions convergentes ont entraine un ralentissement general de la croissance du marche et une baisse rapide de la marge brute des fournisseurs traditionnels. Cette crise actuelle frappe particulierement l'industrie informatique europeenne qui ne controle que 10 p 100 de la production informatique mondiale, contre pres de 60 p 100 pour les firmes americaines et 25 p 100 pour les firmes japonaises ; une industrie controlee au tiers seulement par des firmes locales, a 58 p 100 par les industriels americains et a 8 p 100 par les entreprises japonaises. Pour faire face a cette situation, le groupe Bull a mis en place un plan de mutation important. Ce plan accelere la restructuration en profondeur du groupe par une reduction de treize a six du nombre des sites industriels, une refonte de l'organisation mondiale du groupe, des reductions d'emplois et des desinvestissements d'activites non strategiques, une concentration des efforts commerciaux sur les grands comptes. La strategie du groupe est d'etre un des grands fournisseurs mondiaux capable de maitriser la complexite croissante de la collecte, de la communication et de l'exploitation des informations dans les grandes entreprises. Pour assurer une evolution rapide de son offre en conformite avec les attentes du marche, Bull met en oeuvre un projet technique de grande ampleur. Ce projet vise a assurer une mutation rapide de l'offre du groupe, pour tenir compte de la demande croissante des utilisateurs pour une informatique plus decentralisee, plus ouverte et d'usage aise, tout en demeurant sure et puissante. Le projet DCM (Distributed Computing Model) a fait l'objet d'une annonce importante en mars 1991, bien accueillie par le marche. Outre cet effort sur son architecture, le groupe developpe une gamme de serveurs correspondant a une forte demande du marche et destinee a terme a remplacer ses systemes proprietaires. Les autorites francaises ont decide, sous reserve de l'accord de la Commission des communautes europeennes, de soutenir le projet presente par le groupe Bull par des subventions d'un montant total de 2 680 millions de francs sur la periode 1991-1994. Compte tenu de l'importance du projet, il a ete conclu un contrat pluriannuel, afin de permettre la planification des financements necessaires. Un suivi scientifique, industriel et financier du projet est organise. Le besoin de financement important du groupe a amene l'Etat actionnaire a decider une dotation de capital de 2 milliards de francs en 1991 et de 2 milliards de francs egalement en 1992. L'annonce, le 3 avril 1991, de cette recapitalisation ainsi que du soutien du Gouvernement francais au projet technique du groupe au travers du contrat pluriannuel a conduit a une ouverture par la Commission des communautes europeennes de la procedure 93-2 et a une longue instruction. La recapitalisation de Bull a ete qualifiee d'aide d'Etat le 30 juin 1992, mais declaree conforme au traite de Rome. Le soutien au projet technique a ete declare conforme au traite et constituant un projet reellement innovant et benefique pour l'industrie informatique europeenne. L'accord de Bull et IBM est un accord a long terme ou les deux entreprises echangeront leur technologie. Bull adopte l'architecture RISC d'IBM et contribuera en retour aux developpements en matiere de multiprocesseurs pour elargir l'offre des deux societes. Zenith, un des leaders mondiaux dans le domaine des portables, fournira des produits a IBM qui les commercialisera. Les deux societes s'accorderont des licences de fabrication de leurs produits et IBM s'approvisionnera en circuits imprimes aupres de l'usine d'Angers du groupe Bull. Cette alliance valorise les competences de Bull dans des domaines strategiques pour l'avenir de cette industrie : les techniques de multiprocesseurs et les ordinateurs portables. Elle permet egalement d'exploiter le savoir-faire de Bull en matiere de fabrication. IBM a ete choisi par l'entreprise parce que son offre de cooperation etait la plus large et qu'elle permetait d'obtenir un equilibre du partenariat. L'autonomie du groupe Bull est preservee par cet accord qui ne concerne qu'une partie de son offre. Bull poursuivra notamment le developpement de son projet « Distributed Computing Model ». La politique de partenariat equilibre menee par le groupe vise a lui permettre de maintenir son offre technologique au meilleur niveau et de concentrer ses forces de developpement sur ses domaines d'excellence.
|