Question au Gouvernement n° 1646 :
Corse

10e Législature

Question de : M. Josselin Charles
- SOC

Question posée en séance, et publiée le 22 mai 1996

M. le president. La parole est a M. Charles Josselin.
M. Charles Josselin. C'est de la Corse dont je voudrais a nouveau parler. Ma question s'adresse tant a M. le garde des sceaux qu'a M. le ministre de l'interieur.
Depuis plus de six mois, et surtout au travers des questions d'actualite, le groupe socialiste s'efforce de faire pression sur le Gouvernement pour qu'il retablisse en Corse l'ordre public republicain.
Repondant a la question de Jean-Yves Le Deaut, le 16 janvier, M. Debre esperait la restauration du calme.
Dans sa reponse a la question de M. Glavany, le 20 fevrier, M. Toubon affirmait qu'en Corse s'ouvrait une nouvelle perspective de paix et de developpement.
A M. Berson, le 12 mars, M. Debre precisait que le Gouvernement avait la volonte de donner a l'ile un autre destin que la vendetta generalisee.
Nous ne sommes pas les seuls a nous en preoccuper puisque, a l'instant, M. Jegou, pour le groupe UDF, vous interpellait sur ce point.
Il y a de quoi ! Negociations secretes, treve acceptee puis rompue, violences accrues relevant du grand banditisme, attentats diriges contre les symboles de l'Etat de droit constituent aujourd'hui, malheureusement, la realite la plus perceptible de l'ile de Beaute.
Par contre, on n'a obtenu aucun resultat dans les enquetes sur les crimes de sang ou dans la recherche des auteurs de conferences de presse encagoules et armes.
A l'evidence, la-bas, la Republique est defaillante et les solutions proposees - creation d'une zone franche etendue aux deux departements corses, depaysement de certaines affaires judiciaires genantes, rapatriees sur le continent - apparaissent comme des attitudes de fuite.
Les recentes revelations de plusieurs medias, sur les entraves apportees par Paris au travail d'un juge d'instruction qui souhaitait l'interpellation d'un des principaux dirigeants du FLNC-Canal historique, meme si elles sont dementies par la Chancellerie, n'arrangeront pas le climat de suspicion qui s'est installe entre le Gouvernement et les fonctionnaires charges precisement de faire respecter l'ordre republicain en Corse - policiers, gendarmes et magistrats.
Monsieur le garde des sceaux, la reponse que vous venez de faire a M. Jegou ne pouvait evidemment pas dissiper nos inquietudes. La semaine derniere, le ministre de l'interieur reprenait son antienne sur le dialogue et la fermete. Nous aimons trop la Corse pour nous en satisfaire. Et la facon dont vous conduisez le dialogue, la maniere dont vous exprimez votre fermete ne rassurent personne, et surtout pas sur les bancs de votre majorite. Nous voudrions que vous nous parliez le langage de la volonte et du courage politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
M. le president. La parole est a M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Josselin, les procedures judiciaires dont vous parlez se deroulent avec l'objectif, qui est notamment celui du parquet, d'aboutir.
M. Jean-Marc Salinier. Comme pour l'appartement de M. Alain Juppe !
M. le garde des sceaux. Je le repete, dessaisir, en application de l'article 706-22 du code de procedure penale, des juridictions locales au profit de la juridiction antiterroriste, ce n'est pas, contrairement a ce que vous dites, un comportement de fuite mais au contraire de fermete. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.) J'ajoute que c'est nouveau, en particulier par rapport a la politique menee par des gouvernements que vous souteniez ou dont vous faisiez partie. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
La politique du Gouvernement est tres simple et tres claire et, comme je l'ai dit tout a l'heure, nous sommes prets a endurer beaucoup de critiques, en particulier mediatiques ou polemiques, pour la conduire. Elle comprend un volet d'application de la loi republicaine, un volet de dialogue politique avec tous - vous n'avez pour votre part jamais reussi a faire parler tous les Corses entre eux (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) -...
M. Didier Boulaud. Pas les cagoules !
M. le garde des sceaux. ... et un volet de developpement economique, social et culturel.
Nous poursuivrons cette politique sans nous emouvoir de quelque vociferation que ce soit ! Car, monsieur Josselin, et vous, mesdames et messieurs les deputes socialistes, parmi lesquels bon nombre etes anciens ministres, voire Premier ministre, comment pouvez-vous, apres ce qui a ete fait par vos gouvernements et vos majorites parlementaires en Corse pretendre, aujourd'hui, nous donner des lecons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le president. Je vous en prie, mes chers collegues !
M. le garde des sceaux. Vous qui avez, au grand jour, et a valises de billets ouvertes, negocie avec les terroristes... (Tres vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. C'est honteux !
M. Didier Boulaud. Toujours la meme ritournelle !
M. le president. Allons, du calme, mes chers collegues !
M. le garde des sceaux. ... vous, qui n'avez jamais arrete aucun des suspects que, nous, nous poursuivons precisement aujourd'hui et que nous allons probablement arreter, parce que vous ne l'avez pas fait, vous qui avez manipule en permanence les partis politiques, les assemblees, la justice et la police. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Comment pouvez-vous venir aujourd'hui nous donner des lecons ?
M. Jean-Yves Le Deaut. C'est insense !
M. le garde des sceaux. Monsieur Josselin, croyez bien que je suis, pour ma part, insensible a beaucoup de critiques, en particulier celles de la presse, quand j'essaie de servir l'interet national.
M. Claude Bartolone. N'importe quoi !
M. le garde des sceaux. Mais lorsque je vois des parlementaires, qui, pour certains d'entre eux, ont ete ministres, se comporter comme vous le faites, je suis inquiet pour la Republique et pour la democratie. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Et si vous voulez, monsieur Josselin, que l'Etat agisse en Corse - comme nous le faisons aujourd'hui - respectez au moins ces principes que sont la continuite de l'Etat et l'unite de la Republique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Josselin Charles

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Collectivites territoriales

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 22 mai 1996

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