Question au Gouvernement n° 1656 :
Liban

10e Législature

Question de : M. Dimeglio Willy
- UDF

Question posée en séance, et publiée le 23 mai 1996

M. le president. La parole est a M. Willy Dimeglio.
M. Willy Dimeglio. Monsieur le ministre des affaires etrangeres, hier, les forces de l'ordre ont interdit au general libanais Michel Aoun de se rendre a Strasbourg ou il etait invite par le groupe Mediterranee du Parlement europeen pour debattre des problemes du Liban.
Il apparait choquant qu'un homme libre, en situation reguliere, ne puisse pas, au pays des droits de l'homme et de la dignite, jouir librement de deux libertes fondamentales: la liberte de circuler et la liberte de s'exprimer, de surcroit devant le Parlement europeen, qui beneficie du regime de l'extra-territorialite.
Quelle lecture faire du statut du general Aoun ? S'agit-il d'un resident ayant un passeport diplomatique ? Ou bien s'agit-il d'un refugie politique soumis au droit de reserve ?
Si telle est votre reponse, on peut s'etonner que, par le passe, ce droit de reserve ait pu etre bafoue par un certain nombre de refugies politiques: je pense notamment a l'ayatollah Khomeiny, qui diffusait des sermons avec la benediction des autorites nationales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Pourquoi alors appliquer, avec severite, a un grand ami de la France,...
M. Jean-Pierre Brard. N'exagerons rien !
M. Willy Dimeglio. Je n'exagere pas.
... a un dignitaire qui a represente l'Etat libanais, un statut dont d'autres ont pu jouir avec beaucoup de laxisme ?
Enfin, monsieur le ministre, pourquoi donner l'impression d'etre plus severe a son egard que vis-a-vis d'un certain nombre d'officines et de groupuscules qui, sur le territoire national, beneficient en fait de certaines libertes pour semer la sedition et le terrorisme ? Pourquoi ne pas donner au general Aoun la possibilite de participer au debat democratique dans son pays ? Pour reprendre l'expression du President de la Republique: que le Liban devienne libre et independant ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
M. le president. La parole est a M. le ministre des affaires etrangeres.
M. Herve de Charette, ministre des affaires etrangeres. Monsieur le depute, les applaudissements qui ont accompagne votre question montrent que l'Assemblee apprecie l'interet et l'attention que vous portez au Liban.
Lorsque le general Aoun a demande a venir se refugier en France en 1991, a la fin d'une tragedie que vous connaissez car nombre de parlementaires qui siegent sur ces bancs etaient rendus sur place, sa situation a ete reglee de la facon suivante. Il a ete accueilli en France sous quelques conditions qui ont ete maintenues par la suite et qui sont encore en vigueur aujourd'hui: il est entendu qu'il doit s'abstenir de participer a toute reunion publique, de donner toute interview et de faire toute declaration.
Il n'en a pas moins publie recemment un article. Ces regles ne sont donc pas toujours respectees, meme si nous essayons de faire en sorte qu'elles le soient, avec le sens de la nuance. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Enfin, le general Aoun peut se deplacer librement en France, sauf dans la region parisienne, ou ses deplacements sont soumis a autorisation.
Telles sont les regles qui resultent des engagements qu'il a pris lui-meme a l'epoque et que nous essayons, bon an mal an, de faire respecter.
Vous voyez que cette question n'a rien a voir avec le caractere extraterritorial ou non du Parlement europeen ni avec la nature controversee de cette demarche a l'egard du Parlement europeen.
Mais je ne voudrais pas, mesdames, messieurs les deputes, que cet incident, que je suis le premier a deplorer, puisse de quelque facon voiler l'importance que la France attache au Liban, l'interet qu'elle lui porte et l'affection du peuple francais pour le peuple libanais. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Je vous rappelle que nous avons, il y a quelques semaines, montre de facon forte et determinee jusqu'ou la France etait prete a aller pour soutenir l'interet du peuple libanais, sa souverainete et son independance.
Je vous rappelle egalement que nous sommes en train, avec l'Union europeenne, de constituer un groupe de pays pour soutenir la reconstruction du Liban.
Je vous rappelle enfin que, si vous avez quelque doute, les Libanais, eux, le savent et l'expriment dans leurs journaux tous les jours. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)

Données clés

Auteur : M. Dimeglio Willy

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique exterieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 23 mai 1996

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