Politique de la defense
Question de :
M. Mercieca Paul
- COM
Question posée en séance, et publiée le 30 mai 1996
M. le president. La parole est a M. Paul Mercieca.
M. Paul Mercieca. Monsieur le ministre de la defense, selon l'article 34 de la Constitution: «La loi determine les principes fondamentaux de l'organisation generale de la defense nationale.»
Or il est devenu courant que la representation nationale apprenne par la television la teneur des decisions majeures prises par le President de la Republique dans le domaine de l'organisation generale de la defense, comme la professionnalisation de l'armee ou la suppression de la conscription et du service militaire. De ce fait, la representation nationale se trouve rabaissee au role de chambre d'enregistrement.
L'on nous dit: que la conscription traditionnelle ne repond plus aux exigences d'un pays moderne; ou bien que la France n'ayant plus d'ennemis a ses frontieres, une armee comprenant un nombre important d'appeles ne serait n'est plus necessaire.
Tel n'est pas notre avis. La France doit continuer a affirmer sa volonte d'independance et de souverainete en maintenant une veritable defense nationale. Au cours de notre histoire, meme recente, le service militaire de conscription a demontre son utilite pour la democratie. Ne sont-ce pas les appeles qui ont mis en echec le putsch des generaux felons en Algerie ? Cependant, il est necessaire de renover et de moderniser le service militaire.
Ce que veut en realite le President de la Republique, c'est une force de projection enrolee dans des expeditions qui n'ont rien a voir avec la defense du pays. Son objectif est l'envoi a des milliers de kilometres du territoire national de forces dites «projetables» appelees a intervenir dans les affaires interieures de certains Etats, comme cela vient de se produire, notamment en Afrique.
Ce n'est plus la defense nationale qui prime !
Monsieur le ministre, quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour que les decisions fondamentales concernant l'organisation de la defense nationale ne soient pas definitivement arretees avant que le Parlement ne discute des projets de loi relatifs a la programmation militaire, au service national ou a l'organisation generale de la reserve, qu'il est prevu d'inscrire a l'ordre du jour de notre assemblee avant la fin de l'annee ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre de la defense.
M. Charles Millon, ministre de la defense. Monsieur le depute, en vous entendant, les bras m'en tombent ! (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.) C'est de la surdite, ou de la mauvaise foi !
Monsieur Mercieca, le President de la Republique aurait souhaite pouvoir utiliser la procedure du referendum afin que ce soient les Francais qui decident de la reforme du service national. Malheureusement, et vous le savez mieux que quiconque, car vous vous etiez prepare a critiquer un eventuel recours au referendum, les experts constitutionnels lui ont fait remarquer qu'il n'etait pas possible, en l'occurrence, d'y recourir.
Mme Muguette Jacquaint. Et la representation nationale ?
M. le ministre de la defense. Le President a alors demande l'organisation d'un debat national et local. (Protestations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)
M. Michel Berson. C'est du pipeau !
M. le ministre de la defense. Le debat local a eu lieu. Plus de 10 000 mairies ont organise des debats, il y a eu plus de 12 000 reponses a des questionnaires, il y a eu debat dans tout le pays. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)
De plus, et M. le president de l'Assemblee nationale pourra vous le confirmer, l'Assemblee, par une mission d'information commune sur le service national, comme le Senat, par la commission des affaires etrangeres, de la defense et des forces armees, ont ete associes a la reflexion sur le service national.
M. Michel Berson. Chiffons de papier !
M. le ministre de la defense. Enfin, le President, dans son allocution d'hier, a dit: «Je propose» et non: «J'impose, j'edicte et je decide». (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)
Monsieur Mercieca, la semaine prochaine aura lieu la discussion du projet de loi de programmation militaire. Si vous n'etes pas d'accord avec les nouvelles fonctions de nos armees ou avec les fonctions definies dans le Livre blanc de 1994...
M. Julien Dray. Cela n'a rien a voir !
M. le ministre de la defense. ... vous voterez contre le projet de loi de programmation militaire. Le Parlement jouira de tous ses droits.
Puis, au mois d'octobre et au mois de novembre, se derouleront les discussions des projets de loi sur le service national, sur les reserves et sur les mesures d'accompagnement pour le personnel des armees.
Alors, est-ce de la surdite ou de la mauvaise foi ? (Protestations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.) Je crains meme que ce ne soit plus grave...
M. Christian Bataille. C'est injurieux pour l'opposition !
M. le ministre de la defense. ... et que vous n'ayez toujours pas accepte la Constitution de la Ve Republique («Tres bien !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique), qui dispose, dans son article 15, que le President de la Republique est le chef des armees. C'est donc bien a lui qu'il incombe de faire de telles propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Auteur : M. Mercieca Paul
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Defense nationale
Ministère interrogé : défense
Ministère répondant : défense
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 30 mai 1996