Question au Gouvernement n° 1687 :
Politique fiscale

10e Législature

Question de : M. Auberger Philippe
- RPR

Question posée en séance, et publiée le 5 juin 1996

M. le president. La parole est a M. Philippe Auberger.
M. Philippe Auberger. Monsieur le president, mes chers collegues, ma question s'adresse a M. le Premier ministre. Elle concerne le niveau actuel de nos prelevements obligatoires.
Monsieur le Premier ministre, ce niveau a atteint malheureusement, chacun le sait, un taux record dans notre pays...
M. Didier Boulaud. A qui la faute ?
M. Philippe Auberger. ... par rapport a ceux de nos principaux partenaires, notamment sur le plan europeen.
Ainsi, une etude de l'OCDE de 1993 precise que le taux de prelevement dans notre pays, etait alors de 44 p. 100, contre 38,4 p. 100 pour l'ensemble des pays de la Communaute economique europeenne.
La difference de niveau entre notre pays et l'Allemagne est actuellement de cinq points.
Les ecarts constates tiennent pour une large part - il n'est pas inutile de le rappeler - au laxisme de la gestion de la depense publique au cours de ces dix dernieres annees. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du centre.)
Celle-ci a ete trop laxiste pour permettre une reduction significative et une veritable politique de maitrise des deficits publics.
Cependant, il faut constater aujourd'hui que nos prelevements obligatoires penalisent gravement l'emploi, dont la defense est cependant l'une des principales preoccupations de nos concitoyens et l'axe majeur de la politique de redressement economique que vous menez, monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs mois.
Aussi, parallelement a votre volonte de reduire les deficits publics, vous avez annonce hier, avec courage, une grande reforme fiscale.
Pouvez-vous nous indiquer quelles mesures vous entendez prendre afin d'alleger le poids de ces prelevements obligatoires dans notre pays et de parvenir ainsi a relancer et l'emploi et la consommation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. La parole est a M. le Premier ministre.
M. Alain Juppe, Premier ministre. Monsieur le president, mesdames, messieurs les deputes, je tiens tout d'abord a remercier le rapporteur general de la commission des finances de me donner l'occasion de preciser les intentions du Gouvernement en matiere de reforme des impots.
Monsieur Auberger, je vous affirme avec force - et vous avez apporte un grand nombre d'arguments qui vont en ce sens - que la baisse des impots est aujourd'hui, en France, une necessite.
La pression fiscale dans notre pays a, en effet, atteint des niveaux tels qu'elle dissuade de travailler et d'entreprendre, non seulement les riches, comme on dit parfois ici ou la, mais meme les plus modestes.
On se rend compte en particulier que les personnes qui ne travaillent pas et qui retrouvent un emploi sont souvent dissuadees de le faire parce qu'elles deviennent brutalement imposables, surtout lorsqu'elles sont celibataires. Il y a la une injustice a laquelle il faut porter remede.
La baisse des impots est necessaire. Elle est egalement possible.
Elle est possible, bien entendu, a une condition: que la progression des depenses publiques, qui a ete incessante depuis dix a quinze ans, soit contenue.
C'est la raison pour laquelle je n'ai pas voulu hier, en tracant les grandes orientations de la reforme des impots, donner de chiffres. Il faut effectivement faire preuve de coherence et de serieux.
M. Alain Le Vern. Vous etes le champion olympique de la progression des impots !
M. le Premier ministre. Nous pourrons, mesdames, messieurs les deputes, preciser ces chiffres lorsque nous aurons a la fois la colonne des depenses et celle des recettes, c'est-a-dire au mois de septembre prochain, quand nous serons en mesure de vous presenter le projet de loi de finances pour 1997.
La baisse des impots est necessaire; elle est possible. Elle doit aussi etre juste. Et c'est le souci majeur qui inspire le Gouvernement.
M. Christian Bataille. Vous etes de mauvaise foi !
M. le Premier ministre. Nous voulons rompre, pour assurer la justice du prelevement fiscal, avec l'evolution que notre pays a connue depuis quinze ans et qui a consiste a taxer toujours plus les revenus du travail au profit des revenus du capital. C'est avec cette ligne-la qu'il faut aujourd'hui rompre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
C'est sur la base de ces principes que j'ai ete amene a tracer quatre grandes orientations, que je rappellerai tres brievement.
Premiere orientation: une baisse du bareme de l'impot sur le revenu sur toutes les tranches du bareme. A cette occasion, nous devrons, bien sur, nous poser la question de savoir ce qu'il faut faire des multiples regimes d'exonerations, de reduction ou de deductions fiscales, qu'on appelle parfois les «niches fiscales»
Deuxieme orientation, qui est tres importante et qui participe pleinement au plan de redressement de la securite sociale que vous avez approuve le 15 novembre dernier et qui se met petit a petit en place: il s'agit de baisser les cotisations salariales maladie pour les remplacer par une cotisation maladie universelle, a base plus large, a taux plus faible, et deductible. Cette reforme allegera les prelevements obligatoires sur les salaries, c'est-a-dire sur les Francaises et les Francais qui travaillent. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Troisieme orientation: une reforme de la taxe professionnelle, pour que les nouveaux investissements soient moins taxes et que les differences de taux dans une meme agglomeration soient moins grandes aujourd'hui.
Enfin, nous programmerons a cinq ans, en fonction de la croissance de l'economie, la suppression progressive des prelevements exceptionnels que nous avons instaures en 1995 pour arreter la derive de nos deficits.
Voila les orientations ! Le rapport La Martiniere les precise.
Je voudrais dire, a ce stade, qu'il n'engage pas le Gouvernement, et que, en particulier, les chiffres qu'il contient n'engagent que les membres du groupe de travail.
J'ai souhaite que les commissions des finances, notamment celle de l'Assemblee nationale, puissent immediatement se saisir de ce rapport pour l'etudier et faire des propositions au Gouvernement.
Je recevrai, dans le courant des mois de juin et juillet, les partenaires sociaux. L'opinion publique participera a ce debat.
Et, en septembre, avec le projet de loi de finances, je vous proposerai un projet de loi quinquennale d'evolution des depenses publiques et de baisse des impots, qui sera marquee au sceau du serieux, de la coherence et de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)

Données clés

Auteur : M. Auberger Philippe

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impots et taxes

Ministère interrogé : Service du Premier Ministre

Ministère répondant : Service du Premier Ministre

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 5 juin 1996

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