Question au Gouvernement n° 1688 :
Credit foncier de France

10e Législature

Question de : M. Guillet Jean-Jacques
- RPR

Question posée en séance, et publiée le 5 juin 1996

M. le president. La parole est a M. Jean-Jacques Guillet.
M. Jean-Jacques Guillet. Monsieur le president, mes chers collegues, ma question s'adresse a M. le ministre de l'economie et des finances, et concerne la situation du Credit foncier de France.
Monsieur le ministre, le 30 avril dernier, en reponse a une question de M. Raymond Lamontagne sur la situation de cette institution, vous aviez declare que, le Credit foncier s'etant lance dans des investissements aventureux a la fin des annees quatre-vingt et au debut des annees quatre-vingt-dix, l'Etat s'engagerait a faire en sorte que les metiers soient preserves et qu'aussi bien la dette obligataire que la situation sociale soient securisees.
Mais qu'en est-il des actionnaires, parmi lesquels 60 000 actionnaires individuels, qui avaient foi en cette institution prestigieuse, dont le gouverneur et les sous-gouverneurs sont, je le rappelle, nommes par l'Etat, au sein d'un de ses plus grands corps, par decret en Conseil des ministres ? Ces actionnaires, souvent de condition modeste, attires par un investissement presente comme un placement de «pere de famille», semblent avoir ete deliberement trompes et sont aujourd'hui spolies ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Le 28 juin prochain, lors d'une assemblee generale extraordinaire, ils se verront en effet proposer une reduction du nominal de leurs titres de 100 a 25 francs. Rappelons que celui-ci etait cote a 451 francs en fevrier 1994 et qu'en novembre 1995, un mois avant la cloture des comptes annuels, une expertise faite par la banque Indosuez, qui s'appelait «attestation d'equite», certifiee par des commissaires aux comptes, enregistree par la COB, adoptee a l'unanimite des membres du conseil d'administration, fixait entre 305 et 332 francs par action l'actif net reevalue de l'entreprise.
Il est vrai qu'il s'agissait de preparer une operation de fusion avec la societe Les Immeubles de France, dont le dirigeant etait encore, jusqu'a la semaine derniere, l'ancien gouverneur du Credit foncier de 1982 a 1994.
M. Christian Bataille. A bas le capitalisme !
M. Jean-Jacques Guillet. Le credit de l'Etat, l'image de la haute fonction publique, le renom et la credibilite de la place financiere de Paris etant en cause, j'aimerais savoir, monsieur le ministre, premierement, si le Gouvernement, qui ne saurait etre rendu responsable des faits de gestion passees (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre), compte prendre des mesures pour sauvegarder les interets des actionnaires et, deuxiemement, comment il envisage l'avenir du Credit foncier, qui dispose aujourd'hui d'un outil d'une reelle competence et d'un actif immobilier prestigieux de 550 000 metres carres ? Quelle est la situation reelle de l'entreprise ? Troisiemement, vous nous avez dit le 30 avril dernier que le parquet etait saisi. Une information judiciaire est-elle ouverte pour determiner si de faux bilans ont ete etablis et certifies et faire toute la lumiere sur ce sinistre financier, que l'on peut, au bas mot, evaluer aujourd'hui a 13 milliards de francs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'economie et des finances.
M. Jean Arthuis, ministre de l'economie et des finances. Monsieur le depute, les difficultes du Credit foncier de France proviennent, comme le montrent les informations publiees a l'issue du conseil d'administration qui s'est tenu le 28 avril, d'investissements immobiliers aventureux intervenus a la fin des annees quatre-vingt et au debut des annees quatre-vingt-dix -...
Mme Suzanne Sauvaigo et M. Jean de Lipkowski. Eh oui !
M. le ministre de l'economie et des finances. ... disons pour le moins imprudents.
M. Pierre Lellouche. C'est vrai !
M. le ministre de l'economie et des finances. Le plan annonce par le Gouvernement le 29 avril prend en compte la specificite de l'institution et rend possible la recherche d'une solution d'adossement tout en preservant le passif obligataire et les droits qui y sont lies.
L'Etat a assume toutes ses responsabilites en la circonstance. Comme vous l'avez-vous meme souligne, le Gouvernement ne saurait etre tenu pour responsable de ces difficultes.
M. Jean-Michel Fourgous. Les contribuables non plus !
M. le ministre de l'economie et des finances. Le Gouvernement a, au debut de cette annee, procede a la nomination de M. Jerome Meyssonnier.
Specialiste en droit immobilier, M. Meyssonnier a toute la confiance du Gouvernement. Il mene une tache difficile. Il convient de le soutenir dans son action.
Le conseil d'administration a prevu de tenir une assemblee generale le 28 juin prochain. C'est le conseil d'administration qui, assumant sa responsabilite, presentera aux actionnaires les etats financiers, les comptes de resultats et le bilan dans la forme qu'il croira devoir soumettre a la ratification de l'assemblee generale. C'est une responsabilite du conseil d'administration et c'est une responsabilite de l'assemblee generale.
Pour notre part, nous avons accepte, a la demande du gouverneur, cette issue par adossement, et nous avons accepte l'echeance du 31 juillet prochain.
S'agissant des actionnaires, il est bien clair que tout ce qui est fait actuellement par le Gouvernement est de nature a preserver la specificite de l'institution et les interets des actionnaires.
Il ne vous echappe pas, monsieur le depute, que, en la circonstance, l'Etat lui-meme n'est pas actionnaire et que tous les epargnants qui investissent, avec sagesse, sur les conseils dont ils croient devoir s'entourer, prennent, bien sur, un risque. Il y a des autorites de controle, il y a la Commission des operations de bourse.
M. Philippe Legras. Tout a fait !
M. le ministre de l'economie et des finances. En tout cas, l'Etat assume les responsabilites qui lui reviennent.
S'agissant du plan judiciaire, je vous confirme, monsieur Guillet, que le gouverneur a effectivement saisi l'autorite judiciaire. Il n'appartient pas au Gouvernement d'interferer en cette matiere. La justice dira le droit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)

Données clés

Auteur : M. Guillet Jean-Jacques

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Banques et etablissements financiers

Ministère interrogé : économie et finances

Ministère répondant : économie et finances

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 5 juin 1996

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