Question au Gouvernement n° 1695 :
Services publics

10e Législature

Question de : M. Michel Jean-Pierre
- RL

Question posée en séance, et publiée le 5 juin 1996

M. le president. La parole est a M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications, contrairement a ce que pretendent certains, l'Europe telle qu'elle se fabrique a Bruxelles ou a Luxembourg a partir de la seule logique de la concurrence - pas de la concurrence maitrisee, comme vous le dites - et en dehors des controles des citoyens, n'est pas un rempart qui protegerait notre pays des effets negatifs de la mondialisation liberale mais au contraire une espece de cheval de Troie qui permet la concurrence des salaries entre eux, des territoires entre eux, et qui, nous le voyons bien, detruit peu a peu la cohesion sociale.
Un nouvel exemple concret de ce type de construction - d'autres deputes l'ont releve avant moi - nous est fourni par les attaques portees actuellement contre le service public de l'electricite. Le Conseil europeen du 20 juin prochain va examiner a nouveau la proposition de directive qui ouvre ce secteur a la concurrence. Cette proposition de directive et les consequences de son eventuelle application constituent un risque majeur pour le service public a la francaise. C'en sera fini de l'egalite; il y aura des clients privilegies usant de leur volume d'achats au detriment des petits consommateurs et de la perequation tarifaire; les investissements a long terme seront remis en cause et, avec eux, l'independance energetique de la France au profit du court terme et de la rentabilite immediate.
Monsieur le ministre, ma double question est simple et directe. Vous y avez deja repondu en partie. Avez-vous la determination necessaire pour preserver le service public a la francaise ? Mais surtout, au cas ou nos partenaires allemands maintiendraient leur position actuelle, le gouvernement francais est-il pret a user de son droit de veto ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe Republique et Liberte et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications, que je remercie d'avance de sa brievete.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Monsieur le depute, j'ai deja donne des elements de reponse a votre question, sauf sur un point. Si le Gouvernement defend le service public, donc des organisations qui ne sont pas completement ouvertes a la concurrence, c'est parce qu'il est convaincu que le marche n'est pas en etat de satisfaire a lui seul les attentes de nos concitoyens. Le service public, ce n'est pas le statut de l'entreprise. Ce n'est meme pas le statut des salaries, meme si le Premier ministre a pris l'engagement de le preserver. Le service public, c'est un certain nombre de missions, dont il faut eviter que, par une ouverture a la concurrence generalisee, les plus rentables soient abandonnees au secteur prive, les autres etat reservees aux entreprises publiques. C'est pourquoi nous defendons la notion de service public.
Le service public, c'est l'ensemble des services que le Gouvernement rend quotidiennement a nos concitoyens, en assurant la perennite et en garantissant la perequation tarifaire. Cette perequation tarifaire, monsieur le depute, ne peut pas se faire au profit de ceux que vous avez appeles les consommateurs privilegies et au detriment des consommateurs domestiques. Il est du devoir d'EDF de preserver les interets des consommateurs domestiques, donc d'inscrire sa politique tarifaire dans le cadre d'une politique globale de baisse des tarifs, y compris pour les consommateurs domestiques.
Donc je vous reponds clairement: oui, nous defendrons cette conception moderne du service public autour d'une entreprise publique a 100 p. 100 maitrisee et pouvant s'appuyer sur l'engagement de l'Etat. Nous utiliserons la procedure qui consiste a soumettre la decision concernant la mise en place d'une directive au vote qualifie du conseil des ministres. Mais c'est l'interet d'EDF et du pays qu'il y ait une directive, car s'il n'y en avait pas, un jugement de la Cour de justice risquerait de remettre en cause la securite juridique de cette entreprise, qui a besoin d'etre assuree de l'avenir pour continuer sa mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)

Données clés

Auteur : M. Michel Jean-Pierre

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politiques communautaires

Ministère interrogé : industrie, poste et télécommunications

Ministère répondant : industrie, poste et télécommunications

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 5 juin 1996

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