Emploi et activite
Question de :
M. Sarre Georges
- RL
Question posée en séance, et publiée le 13 juin 1996
M. le president. La parole est a M. Georges Sarre.
M. Georges Sarre. Monsieur le ministre de l'industrie, de nombreux Francais sont legitimement inquiets. Des fleurons, des pans entiers de notre industrie sont en danger. Le rachat des equipementiers de l'automobile, Valeo, Bertrand Faure, par des firmes nord-americaines semble imminent. Est-il exact que vous auriez repousse une solution francaise, celle de Framatome ? Pourquoi ce choix americain ?
Le president de la SNECMA, M. Dufour, a ete remercie sous la pression d'une firme nord-americaine parce qu'il etait oppose a une prise de participation etrangere dans ce joyau industriel francais.
L'industrie de la defense est egalement gravement touchee. Le report de l'avion de transport futur menace l'activite de l'Aerospatiale. Les emplois chez Dassault sont compromis par le report du Rafale air. L'abandon de l'helicoptere NH 90 jette l'inquietude sur l'avenir d'Eurocopter. L'aeronautique civile est egalement menacee. Selon la presse, l'offensive contre les avions francais est orchestree a partir de l'ambassade des Etats-Unis a Paris.
Par ailleurs, le dumping monetaire des Etats-Unis penalise gravement la competitivite de nos industries.
Monsieur le ministre, c'est une mise a l'encan des plus solides atouts de l'industrie francaise. Elle est livree pieds et poings lies a ses plus tenances concurrents. Alles-vous reagir ?
Des dizaines de milliers d'emplois, des savoirs et des competences cherement acquis depuis des decennies, des technologies conquises de haute lutte seraient abandonnes. Pouvez-vous nous exposer clairement les lignes directrices de votre politique en matiere d'industrie aeronautique ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Republique et Liberte et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Monsieur le depute, vous verreza jeter un regard lucide sur la politique industrielle des quinze dernieres annees. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Dans les quinze ans qui viennent de s'ecouler, un million d'emplois industriels ont ete supprimes dans notre pays.
M. Jean-Claude Bateux. Mais il y a trois ans que vous etes la !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. La part de l'industrie dans le produit interieur brut a diminue de quatre points alors qu'elle augmentait en Allemagne et au Japon.
La production industrielle pendant cette periode n'a augmente que de 12 p. 100 en France mais de 16 p. 100 en Allemagne et de 57 p. 100 aux Etats-Unis.
M. Julien Dray. C'est la faute a Soisson !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. En 1980, 3 500 entreprises industrielles disparaissaient par an; aujourd'hui, c'est 9 500. Pourquoi ? Parce que nous avons pris quinze ans de retard.
Plusieurs deputes du groupe du Rassemblement pour la Republique. Tout a fait !
M. Henri Emmanuelli. C'est grotesque !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Au nom de nationalisations privilegiant des solutions franco-francaises, au nom de cette curiosite qui restera sans aucun doute l'antiquite industrielle du siecle, l'inenarrable «ni-ni»...
M. Henri Emmanuelli. C'est grotesque !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. ... on a bloque l'adaptation des structures industrielles de nos grandes entreprises a la nouvelle donne europeenne. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Le Gouvernement a decide d'engager une necessaire politique de restructuration industrielle pour permettre a ces secteurs industriels d'etre competitifs, en particulier dans l'espace europeen.
A ete engagee la restructuration des industries de l'armement. Depuis 1980 deja, les Americains ont engage la restructuration de leur industrie et, en 1990, au moment de la chute du mur de Berlin, ils etaient prets a l'acceleration. Nous, nous n'avions rien fait !
Ont ete engagees la privatisation de Thomson, la restructuration de l'industrie aeronautique, l'ouverture du marche des telecoms: nous allons ainsi faire bouger le secteur industriel public pour l'adapter aux conditions de la concurrence.
M. Jean-Claude Lefort. Et privatiser !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Quant a Valeo, cette entreprise appartient pour 61 p. 100 a des actionnaires qui sont sur le marche. Il y a un actionnaire stable, le groupe Cerus, effectivement domine par des interets italiens, qui veut vendre ses 28 p. 100 d'actions, representant 42 p. 100 de droits de vote.
La premiere chose qui s'impose au Gouvernement, c'est le respect du droit de la propriete et par consequent du droit de l'actionnaire a faire ce qu'il veut de la propriete industrielle.
M. Jean-Louis Idiart. C'est sur !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Sinon, plus aucun investisseur ne viendra dans notre pays ! La France est le troisieme pays au monde pour les investissements qui viennent de l'etranger, en particulier dans le domaine industriel.
M. Jean-Claude Lefort. Voila le liberalisme flamboyant !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Alors, que faut-il faire ?
Il est vrai que c'est l'actionnaire qui detient la solution pour Valeo. Mais doit-on pour autant rester inerte ? La reponse est non ! Pourquoi ? Parce qu'il s'agit effectivement d'un probleme de strategie industrielle, en particulier pour les constructeurs automobiles.
M. le president. Bien, monsieur le ministre !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Eh bien, nous utilisons l'influence qui est la notre, en liaison avec les constructeurs automobiles, pour que la solution retenue respecte les interets strategiques des constructeurs automobiles francais.
Fallait-il que ce soit Framatome qui rachete ?
M. le president. Le saura-t-on jamais ! (Sourires.)
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Ce n'est pas une diversification de ce type qui permettra a cette grande entreprise de resoudre le probleme qui est le sien aujourd'hui, c'est-a-dire passer les dix ans qui viennent...
M. le president. Monsieur le ministre, s'il vous plait !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. ... avec une diminution considerable de son plan de charges,...
M. le president. Monsieur le ministre, il faudrait conclure.
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. ... en particulier dans le secteur de la construction des centrales nucleaires.
M. le president. Merci, monsieur le ministre.
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Par consequent, il faut chercher une autre solution, et c'est ce vers quoi nous essayons d'aller. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Auteur : M. Sarre Georges
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique industrielle
Ministère interrogé : industrie, poste et télécommunications
Ministère répondant : industrie, poste et télécommunications
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 juin 1996