Fonctionnement
Question de :
M. Berson Michel
- SOC
Question posée en séance, et publiée le 20 juin 1996
M. le president. La parole est a M. Michel Berson.
M. Michel Berson. Depuis plusieurs semaines, des faits nouveaux, confirmes par des temoins, rendent de moins en moins opaque la gestion des HLM de la ville de Paris. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
A ce niveau de la procedure, monsieur le garde des sceaux, l'opinion publique ne comprendrait pas que cette affaire subisse le meme sort que toutes les autres, c'est-a-dire la transmission du dossier a votre procureur de Paris pour un classement sans suite.
Rappelez-vous: appartement HLM de M. Chirac, classement sans suite ! appartement HLM de M. Juppe, classement sans suite ! appartement HLM de M. Tiberi, classement sans suite ! («Eh oui !» sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
M. le president. Un peu de calme !
M. Michel Berson. Sans parler de l'affaire, elle aussi classee sans suite, des employes de mairie transformes en employes de maison de M. Pandraud et de M. Cabana. («Eh oui !» sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Plusieurs deputes du groupe du Rassemblement pour la Republique. Mazarine !
M. Michel Berson. Monsieur le garde des sceaux, quand accepterez-vous que les procedures judiciaires se deroulent en toute liberte ?
Quand laisserez-vous passer la justice ?
Quand vous comporterez-vous en homme de droit, et non en homme de parti ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. La parole est a M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le depute, je vous repondrai en faisant quatre observations.
La premiere, c'est que, dans les affaires judiciaires, celui qui a la charge du ministere de la justice - moi, en l'occurrence - est tres desavantage.
M. Christian Bataille. On vous plaint !
M. le garde des sceaux. Tous les autres peuvent dire n'importe quoi mais le garde des sceaux ne peut rien dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean Glavany. Quel aveu !
M. Charles Ehrmann. Les socialistes ont la memoire courte !
M. le garde des sceaux. Evidemment, dans le monde mediatique qui est le notre, c'est une faiblesse, mais cette faiblesse fait aussi ma force car, de cette facon, les juges peuvent travailler tranquilles, en tout cas vis-a-vis de moi. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Yves Le Deaut. C'est du grand Guignol !
M. le garde des sceaux. J'en viens a la deuxieme observation. Dans l'affaire que vous avez evoquee.
M. Christian Bataille. Nous en avons evoque cinq !
M. le garde des sceaux. Le juge d'instruction a transmis le lundi 17 juin au procureur de la Republique de Creteil une ordonnance de soit-communique demandant un requisitoire suppletif.
M. Daniel Picotin. Ils ne savent meme pas ce que c'est !
M. le garde des sceaux. Le procureur de la Republique de Creteil a saisi immediatement le procureur general de Paris, qui est competent en la matiere et qui est son superieur hierarchique; nous en sommes la. Les decisions seront prises par le Parquet, en particulier en application des regles legales de competence territoriale.
M. Jean-Yves Le Deaut. Apres avoir telephone !
M. le garde des sceaux. J'en viens a ma troisieme observation. Tout le monde dit, et je le vois ecrit partout, que le juge dont vous parlez a ete, ou va etre, dessaisi, qu'il va etre prive du dossier.
Je tiens a bien preciser qu'il ne peut pas etre dessaisi car il n'est saisi de rien («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste),...
M. Jean Glavany et M. Didier Boulaud. Quel aveu !
M. le president. Laissez le garde des sceaux terminer !
M. le garde des sceaux. ... tout simplement parce que, en application des regles de la procedure penale, il n'y a pas de procedure judiciaire concernant les faits dont vous parlez.
J'en arrive a ma derniere observation, car j'ai lu beaucoup de choses a ce sujet. Ce meme juge ferait, parait-il, l'objet d'une promotion. Je voudrais dire a ce propos a la representation nationale, qui n'est peut-etre pas au fait de tous les details du statut de la magistrature,...
M. Yves Nicolin. Ils decouvrent la justice !
M. le garde des sceaux. ... comment les choses se passent.
Ce juge, dont la carriere a debute en 1983, et qui a donc aujourd'hui quatorze ans dans la profession...
M. Jean-Claude Lefort. Vous le suivez de pres !
M. le garde des sceaux. ... vient d'etre inscrit au tableau d'avancement.
Mme Veronique Neiertz. Tout a fait par hasard !
M. Christian Bataille. C'est quelqu'un d'interessant !
M. le president. Je vous en prie !
M. le garde des sceaux. Il a ete inscrit a ce tableau par une commission d'avancement, qui n'est composee que de magistrats, dont la majorite sont elus par leurs pairs.
M. Didier Boulaud. C'est le grand tableau en comblanchien !
M. le garde des sceaux. Ce tableau permet a un magistrat d'acceder aux fonctions du second groupe du premier grade...
M. Alain Le Vern. C'est la promotion au merite !
M. le garde des sceaux. ... comme les fonctions de vice-president ou de juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris, de Versailles, de Nanterre, de Bobigny ou de Creteil.
M. Didier Boulaud. De Hazebrouck !
M. le garde des sceaux. Lorsqu'on est inscrit, il faut ensuite - c'est le terme employe dans la magistrature - «realiser» le tableau, c'est-a-dire etre effectivement promu sur l'un des postes autorises par ce tableau d'avancement.
M. Jean-Yves Le Deaut. Et si vous repondiez a la question ?
M. le garde des sceaux. En general, cette promotion, cette realisation, intervient a peu pres deux ans apres l'inscription au tableau d'avancement.
M. Claude Bartolone. Cette reponse nous laisse de marbre !
M. le garde des sceaux. Voila, mesdames, messieurs les deputes, ce que je voulais dire. Je suis heureux de pouvoir, semaine apres semaine, par l'intermediaire de l'Assemblee nationale et de la television, informer un peu mieux les Francais sur le fonctionnement de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Berson Michel
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 juin 1996