Question de : M. Bataille Christian
- SOC
Question posée en séance, et publiée le 3 octobre 1996

M. le president. La parole est a M. Christian Bataille.
M. Christian Bataille. Monsieur le Premier ministre, dans des circonstances discretes, a la fin du mois d'aout, un communique du Gouvernement faisait connaitre l'accord de l'Etat pour un rapprochement entre Framatome et le groupe franco-britannique GEC-Alsthom.
Cette operation industrielle, soutenue par votre gouvernement, aura - on peut d'ores et deja le dire - des consequences graves sur l'emploi et sur la filiere energetique francaise.
En premier lieu, elle va entrainer une reduction de l'activite industrielle dans le pays et provoquer une perte d'emplois pour nos usines.
M. Herve Mariton. Qu'est-ce qu'il en sait ?
M. Christian Bataille. Par ailleurs, les dogmatiques du liberalisme et de la privatisation, au sein de votre gouvernement meme, encouragent des decisions dangereuses qui soumettront aux capitaux anglais un maillon decisif de notre politique et donc de toute la politique energetique francaise.
Enfin, vous illustrez, s'il en etait encore besoin, a travers Framatome, une politique qui privilegie l'argent prive et les benefices immediats au detriment de l'interet general et d'une politique d'avenir.
M. Jean-Michel Fourgous. Comme vous pour le Credit lyonnais, par exemple !
M. Christian Bataille. On ne peut se resigner a cette remise en cause gravissime de choix qui, depuis des decennies, ont mobilise les forces, la matiere grise et les ressources de ce pays. Puisqu'il s'agit d'une entreprise publique et de l'interet national, notre assemblee doit jouer - et elle ne l'a pas fait en la matiere - son role de controle et de transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le president de l'Assemblee nationale, monsieur le Premier ministre, afin que notre assemblee soit eclairee, je demande, au nom de mon groupe, que l'on fasse proceder devant la representation nationale a l'audition des dirigeants de Framatome. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Framatome est une grande entreprise qui fait 18 milliards de chiffre d'affaires, qui emploie 14 000 salaries et qui a joue et joue encore un role important dans la filiere nucleaire francaise. L'activite de cette entreprise releve a 70 % du nucleaire, a 20 % de la connectique et pour 10 % de la mecanique generale.
Il faut que les deputes sachent que cette entreprise devra faire face jusqu'aux annees 2010 a une diminution et un tassement importants de son plan de charge, tout simplement parce que le programme nucleaire francais ne recommencera pas avant les annees 2005 ou 2010.
M. Jean Tardito. Ca, c'est une nouvelle !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Donc («Audition !» sur les bancs du groupe socialiste) elle se trouve bien en face d'un choix de strategie industrielle.
Trois possibilites s'offrent a elle:
Ou bien l'entreprise s'engage dans la voie de la diversification, difficile a reussir - on le voit avec la connectique et on le voit avec la mecanique generale - et qui, en outre, n'utilise pas son savoir-faire ni son personnel;
Ou bien, deuxieme voie, elle s'associe avec un partenaire qui exerce le meme metier qu'elle, ce qui presente l'avantage qu'on peut avoir une masse critique en termes de chiffre d'affaires, mais ne remplit pas le plan de charge.
Ou encore, troisieme strategie industrielle, elle cherche un partenaire qui permette, s'agissant de production d'energie, d'elargir l'offre au-dela du nucleaire, en particulier en direction du conventionnel. C'est du reste ce que font tous les grands groupes, que ce soit Hitachi, Siemens, General Electric ou Westinghouse, qui se sont tous engages dans cette voie.
Il est vrai que la societe GEC-Alsthom realise 58 milliards de chiffre d'affaires et qu'elle est remarquablement presente tant dans le domaine de la production conventionnelle d'energie - 48 % de son activite - que du transport et de la distribution de l'energie.
Tout naturellement, une synergie industrielle entre ces deux entreprises fournirait une solution en termes d'offre globale. C'est la raison pour laquelle les actionnaires publics ont accepte d'ouvrir des discussions avec GEC-Alsthom pour definir les conditions d'un eventuel partenariat entre les deux entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - «Audition !» sur les bancs du groupe socialiste.)