Procedure
Question de :
M. Carassus Pierre
- RL
Question posée en séance, et publiée le 9 octobre 1996
M. le president. La parole est a M. Pierre Carassus.
M. Pierre Carassus. Monsieur le president, mes chers collegues, ma question s'adresse a M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications.
Monsieur le ministre, une entreprise de 150 salaries qui decide de licencier 17 % de son personnel, c'est aujourd'hui tres banal.
Cependant l'histoire de l'entreprise Compair-Luchard, qui fabrique des compresseurs a Vaux-le-Penil, en Seine-et-Marne, me parait fort eloquente. Eloquente, la strategie de ces groupes financiers, anglais en l'occurrence, qui delocalisent pour privilegier des rendements demesures du capital et detruisent l'emploi.
Eloquente, la demarche de ces patrons qui, le lundi, denoncent violemment l'interventionnisme de l'Etat, pour presenter le vendredi des plans dits «sociaux» qu'ils demandent au meme Etat de financer a travers diverses aides sociales qui accompagnent ces plans de licenciement.
Tout aussi eloquente, mais encourageante, la decision du tribunal de grande instance de Melun qui a suspendu la procedure de licenciement de Compair-Luchard en exigeant un dispositif de reclassement au sein du groupe et un projet plus pertinent sur les plans technique, economique mais aussi financier. Les conclusions de ce tribunal meritent a mon sens d'etre relayees.
Ne serait-il pas judicieux, monsieur le ministre, que l'Etat refuse tout financement de plans dits «sociaux» qui ne servent qu'a favoriser des remunerations exorbitantes du capital des actionnaires ? De ce point de vue, comment faut-il interpreter votre approbation, dans un journal du soir, des decisions de licenciement du groupe Moulinex, quand on sait que la valeur des actions de cette entreprise a progresse de 30 % des l'annonce du plan de licenciement ?
Lorsque vous relevez, monsieur le ministre, que ces plans dits «sociaux» ne sont que des constats d'echec, vous avez a l'evidence raison, surtout si l'on se place du cote des salaries. Mais ils sont a l'inverse une aubaine formidable pour le capital financier. Il est grand temps de tout faire pour tenter de briser la vague de plans de licenciement qui deferle sur notre pays.
Ne serait-il pas opportun, monsieur le ministre, de retablir enfin l'autorisation administrative de licenciement qui legitimerait la negociation tripartite - syndicats, employeur, Etat - que vous semblez preconiser ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Republique et Liberte et du groupe socialiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre du travail et des affaires sociales.
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Monsieur Carassus, l'autorisation administrative de licenciement n'a jamais empeche les licenciements. Avant la decision de sa suppression, en 1986, on comptait 600 000 licenciements par an, c'est-a-dire deux fois plus qu'apres. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Bahu. C'est vrai !
M. Christian Bataille. Il est hypocrite de dire des choses pareilles !
M. le ministre du travail et des affaires sociales. Je tiens les chiffres a votre disposition. En revanche, comme vous l'avez remarque vous-meme, monsieur Carassus, le juge est desormais charge d'evaluer le bien-fonde et le contenu des plans sociaux. Vous avez du reste reconnu que, en l'occurrence, il a fait son travail en jugeant inacceptable le plan social de Compair-Luchard. Il est clair que l'administration du travail sera d'une grande fermete.
M. Christian Bataille. On voudrait bien vous croire, mais on est toujours decu !
M. le ministre du travail et des affaires sociales. Il n'est pas question d'accompagner un plan social des lors que l'entreprise n'a pas demontre qu'elle a tout fait pour eviter les licenciements. Je reste tres ferme sur ce point, car c'est au jour le jour que mes services s'efforcent d'examiner les plans sociaux.
M. Christian Bataille. Mais vous nous decevez toujours !
M. le ministre du travail et des affaires sociales. Enfin, ce qui compte pour nous aujourd'hui, c'est de trouver toutes les alternatives aux licenciements: amenagement du temps de travail, preretraite dans certains cas.
M. Christian Bataille. Discours mille fois repete !
M. le ministre du travail et des affaires sociales. En tout etat de cause, ce n'est pas en ressuscitant de fausses lignes Maginot - ou de vraies, qui n'ont rien empeche - mais en reglant les problemes cas par cas que l'on servira au mieux et les personnes et les entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Auteur : M. Carassus Pierre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Licenciement
Ministère interrogé : travail et affaires sociales
Ministère répondant : travail et affaires sociales
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 octobre 1996