Infractions contre les personnes
Question de :
M. Bernard Pierre
- RL
Question posée en séance, et publiée le 17 octobre 1996
M. le president. La parole est a M. Pierre Bernard.
M. Pierre Bernard. Ma question s'adresse a M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le ministre, l'affaire Dutroux a deja suscite de mes collegues de nombreuses questions qui ont trait pour la plupart aux consequences. Si l'on veut eradiquer ou, pour le moins, limiter ces comportements abominables, il faut aussi remonter aux causes qui les facilitent et incitent parfois veritablement a les commettre.
Vous avez mentionne hier, en reponse a M. Abelin, le projet consistant a sanctionner la detention de materiel et d'images pornographiques mettant en scene des enfants et des adolescents, et je vous en remercie, mais je crains que cela ne suffise pas.
L'etalage d'images et de messages a caractere pornographique sur les murs de nos villes, a la television, a la radio, sur nos CD-ROM, en bref dans tous les medias, peut etre de nature a transformer en monstres des etres sexuellement fragiles et parfois psychologiquement desequilibres.
Les travaux que vous nous avez assure hier avoir engages pour une meilleure repression sont sans doute necessaires, mais il existe deja aujourd'hui, pour lutter contre ces delits, tout un arsenal dans le nouveau code penal et ailleurs, en particulier dans la loi portant creation du CSA. Ces moyens de droit sont suffisants mais pas assez utilises.
En consequence, je vous demande si vous etes pret a donner a vos parquets les instructions et les motivations necessaires pour que soient systematiquement recherchees et poursuivies les infractions commises en la matiere. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Republique et Liberte et du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. La parole est a M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le depute, il est exact que nous constatons un developpement des infractions, delits et crimes a caractere sexuel, les victimes etant souvent, malheureusement, des enfants. Cette evolution trouve son origine dans le developpement des moyens de communication et de transport, qui favorise le tourisme sexuel et la diffusion de la pornographie.
Mais il faut aussi tenir compte du fait qu'un certain nombre d'individus sont atteints de troubles de la personnalite; tout n'est donc pas la consequence de l'evolution de notre societe.
Depuis longtemps, la France est a la pointe du combat dans ce domaine, d'abord parce qu'elle dispose de la loi de 1994, qu'a fait voter mon predecesseur, Pierre Mehaignerie, sous le gouvernement d'Edouard Balladur. Cette loi permet de poursuivre en France les individus qui ont commis ces delits, meme lorsque ceux-ci ont ete commis hors de France. Seuls quinze autres pays dans le monde ont des legislations equivalentes.
Mais il est vrai que cette loi n'est pas suffisamment appliquee. J'ai donc, il y a quelques semaines, donne des instructions aux parquets generaux pour que la loi de 1994 soit mieux connue et plus largement appliquee.
Au-dela de la legislation existante, le Gouvernement a confie a Xavier Emmanuelli le soin de mettre en place un plan interministeriel d'education et d'information afin de prevenir ce type d'infraction. Je confirme par ailleurs que, a la demande du Premier ministre, je prepare un projet de loi qui permettra de sanctionner plus fortement et plus largement ce type d'infraction, et qui creera surtout une nouvelle peine de suivi medical obligatoire pour ceux qui ont ete condamnes pour crime sexuel.
Cette politique d'ensemble doit nous permettre de traiter le fond du probleme et, en meme temps, de reprimer severement ceux qui se rendent coupables de ces crimes et delits. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Auteur : M. Bernard Pierre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Delinquance et criminalite
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 octobre 1996