Enfance martyre
Question de :
M. Lequiller Pierre
- UDF
Question posée en séance, et publiée le 24 octobre 1996
M. le president. La parole est a M. Pierre Lequiller.
M. Pierre Lequiller. Ma question s'adresse a M. Xavier Emmanuelli.
Monsieur le secretaire d'Etat, plus un jour ne s'ecoule sans que nous apprenions qu'un enfant a ete mortellement victime de sevices sexuels. Ces actes abominables et intolerables relevent de la barbarie.
Encore l'apprend-on, car il y a aussi tous ceux, les anonymes, qui ne font pas la «une» des journaux et qui meurent a petit feu ou souffrent sous le coup de maltraitances physiques ou psychologiques quotidiennes, dans l'ignorance et parfois l'indifference. Enfants violes, enfants sequestres, enfants mal nourris, battus, rejetes.
Peut-on supporter qu'en France un enfant par jour meure des suites de violences ?
Les chiffres sont effrayants. La revue Parents a recense 54 000 cas connus d'enfants en danger. Quant au service national d'accueil telephonique aux enfants maltraites, il a recu 300 000 appels pour la seule annee 1995.
Monsieur le secretaire d'Etat, je souhaite que notre droit accorde une importance plus grande aux enfants victimes de mauvais traitements, sexuels ou non. Quelles mesures entendez-vous prendre pour combler ses insuffisances ? Que comptez-vous faire pour ameliorer le statut des enfants victimes, pour les aider a surmonter le traumatisme qu'ils ont subi ? Que comptez-vous faire egalement pour la formation de tous les personnels amenes a les cotoyer, qu'ils soient policiers, juges, agents de l'aide sociale, enseignants ou autres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassembement pour la Republique.)
M. le president. La parole est a M. le secretaire d'Etat a l'action humanitaire d'urgence.
M. Xavier Emmanuelli, secretaire d'Etat a l'action humanitaire d'urgence. Monsieur le depute, notre pays s'est dote depuis plusieurs annees d'un ensemble de regles et de dispositifs lui permettant de lutter contre les mauvais traitements infliges a des enfants.
Vous savez combien le probleme est complexe car, en dehors des affaires criminelles atroces comme celles sur lesquelles l'actualite recente a tragiquement appele l'attention, un grand nombre de maltraitances mettent en cause ceux-la memes dont c'est le devoir de proteger les enfants. Je pense malheureusement aux defaillances ou aux detournements de l'autorite parentale. Je pense aussi a ceux dont c'est la mission que d'eduquer les enfants. Or, dans un pays comme le notre, l'Etat ne peut pas s'immiscer sans precaution dans la vie d'une famille. Il doit exercer sa vigilance dans un contexte particulierement delicat.
Malgre cela, beaucoup a ete fait. Vous avez cite, en particulier, le service national d'accueil telephonique aux enfants maltraites, qui revele l'ampleur de ces drames et permet de secourir beaucoup de ceux qui en sont victimes.
Pour renforcer encore les mesures existantes, le Gouvernement prepare un programme qui comportera notamment le projet de loi penale auquel vous faites allusion.
Je tiens a vous repondre egalement sur deux aspects plus particuliers que vous avez evoques.
Pour ameliorer la prise en charge des enfants victimes, il faut d'abord leur permettre de s'exprimer et de temoigner en justice dans des conditions qui n'aggravent pas le traumatisme qu'ils ont deja subi; il faut ensuite ameliorer les soins aux victimes.
Quant a la formation que vous souhaitez, elle doit s'adresser a tous ceux qui sont amenes professionnellement a cotoyer les enfants: enseignants, magistrats, medecins, travailleurs sociaux, policiers, gendarmes. La loi du 10 juillet 1989 allait deja dans ce sens. Mais le Premier ministre a demande a chaque ministere concerne de donner corps a une veritable obligation de formation, tant initiale que continue. Chaque ministere elaborera donc un plan qui sera integre au programme gouvernemental.
Monsieur le depute, la France n'etait pas en retard dans la lutte contre ce fleau abominable. Je crois que, desormais, elle pourra montrer la voie aux autres pays, qui, comme elle, souffrent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Auteur : M. Lequiller Pierre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enfants
Ministère interrogé : action humanitaire d'urgence
Ministère répondant : action humanitaire d'urgence
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 octobre 1996