Question au Gouvernement n° 1879 :
Lutte et prevention

10e Législature

Question de : M. Porcher Marcel
- RPR

Question posée en séance, et publiée le 24 octobre 1996

M. le president. La parole est a M. Marcel Porcher.
M. Marcel Porcher. Monsieur le garde des sceaux, nous sommes un certain nombre a avoir ete etonnes par une decision rendue il y a quelques jours par le tribunal correctionnel de Thonon. Ce dernier a en effet prononce la relaxe au benefice de detenteurs de cannabis, au motif qu'ils avaient, prealablement a leur comparution, acquitte une amende douaniere.
Or la jurisprudence semble etre fixee par la Cour de cassation pour considerer que l'amende douaniere est en realite une indemnisation due a l'Etat. Apres tout, l'Etat ne la merite-t-il pas, a raison des fortes sommes qu'il depense pour lutter contre la drogue ?
Je ne vous demande evidemment pas votre avis sur cette decision de justice. Vous refuseriez de le donner et vous auriez raison. Du reste, une decision de justice, du moins a l'instant ou elle devient definitive, est necessairement une bonne decision, puisqu'elle est de justice ! (Sourires.)
M. Pierre Mazeaud. Pas si elle est contraire a la jurisprudence de la Cour de cassation !
M. Marcel Porcher. N'en deplaise a notre ami le president Mazeaud, je souhaiterais neanmoins, monsieur le garde des sceaux, que vous nous fassiez un point precis de la reglementation applicable en la matiere. Il faut parfois savoir manier l'euphemisme, monsieur Mazeaud, et je suis sur que vous m'aurez compris.
M. le president. La parole est a M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le depute, les juridictions penales sont certes souveraines et elles apprecient les faits qui leur sont soumis comme elles l'entendent. Je vous indique neanmoins que le parquet de Thonon a fait appel de la decision du tribunal. La Cour d'appel aura donc a se prononcer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
La question de fond que vous avez evoquee etant juridiquement compliquee, je me bornerai a vous donner quelques lueurs a partir de la doctrine dominante dans ce domaine.
Dans de tels cas, une juridiction peut, pour les memes faits, estimer qu'il s'agit d'infractions douanieres, donc relevant du code des douanes, ou d'infractions de droit commun sanctionnees par le code penal.
Elle peut donc prononcer les deux types de peine, l'une ou l'autre des peines, ou bien les confondre. En l'occurrence, le tribunal de Thonon semble avoir decide que l'amende douaniere deja infligee interdisait que soit prononcee une peine de droit commun.
A cet egard, je tiens a preciser que, contrairement a ce que l'on entend parfois, la Cour europeenne n'a pas decide que les amendes douanieres avaient le caractere de sanction penale. Dans son arret de 1995, elle n'a reconnu cette qualite, en matiere douaniere, qu'a la contrainte par corps, mais non aux amendes.
En revanche, je confirme que la Cour de cassation francaise reconnait aux amendes douanieres le caractere mixte de sanction civile et de sanction penale.
Attendons de savoir comment se prononce la jurisprudence, au regard de la situation juridique actuelle et de la decision du tribunal de Thonon. En tout cas, monsieur le depute, il est indeniable que cette question revet un grand interet pour qui veut lutter efficacement contre le trafic de drogue. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)

Données clés

Auteur : M. Porcher Marcel

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Delinquance et criminalite

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 octobre 1996

partager