Thomson
Question de :
M. Brunhes Jacques
- COM
Question posée en séance, et publiée le 24 octobre 1996
M. le president. La parole est a M. Jacques Brunhes.
M. Jacques Brunhes. Monsieur le ministre de l'economie et des finances, vous avez ete interroge plusieurs fois lors des questions d'actualite sur la privatisation du groupe Thomson. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.) Vos reponses ont ete l'illustration quasi caricaturale de ce qu'ecrivait Michel Crozier: «Les elites, formees a tout savoir, ne savent pas ecouter.»
Monsieur le ministre, je vous le confirme: la solution Matra-Daewoo ne passe pas.
Elle a ete prise dans la plus extreme opacite par le President de la Republique et le Premier ministre. D'ailleurs nous demandons, monsieur le president, une commission d'enquete parlementaire sur la procedure.
La solution Matra-Daewoo fait des vagues. Elle suscite inquietude et indignation. Syndicats, employes, cadres protestent et se mobilisent. Les milieux economiques eux-memes s'emeuvent, au point que l'hypothese d'un «chevalier blanc» a ete evoquee.
Monsieur le ministre, le «franc symbolique» ne passe pas. Thomson-Multimedia est l'un des grands atouts de notre industrie nationale: no 1 mondial du multimedia, et no 4 mondial de l'electronique grand public. Elle est particulierement bien placee dans des secteurs de pointe.
C'est ce patrimoine, ces technologies, ces savoirs et savoir-faire que vous bradez a l'etranger, en y ajoutant 11 milliards de francs au titre d'une recapitalisation que vous n'avez pas faite depuis quatre ans que vous etes au pouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.) Onze milliards, cadeau monstrueux au seul benefice des Coreens !
Votre decision tourne le dos a la maitrise, par la nation, d'un secteur aussi important pour l'emploi et l'independance nationale qu'est l'electronique. Vous donnez, dans ce domaine, la priorite au tout militaire en sacrifiant l'electronique grand public. C'est suicidaire dans le contexte economique actuel.
Monsieur le ministre, je vous repete l'hostilite du groupe communiste a cette privatisation. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. Daniel Picotin. On le savait !
M. Jacques Brunhes. Devant le tolle general qu'elle suscite, je vous demande si vous n'envisagez pas de surseoir a toute decision, de proposer un moratoire et d'ouvrir un grand debat national sur l'avenir de ce secteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Monsieur Brunhes, je crois qu'a force de raconter des histoires, vous finissez par y croire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. Michel Berson. C'est un peu facile ! Ce n'est pas serieux !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Pour que vous connaissiez clairement les conditions de la decision qu'a prise le Gouvernement et que vous arretiez de dire des contreverites, je vous rappelle que la loi votee par le Parlement a arrete la liste des entreprises privatisables. Thomson est de celles-la.
Le 22 fevrier, l'operation a ete engagee par une decision de cession de gre a gre. Puis un appel d'offres a ete fait aupres des eventuels repreneurs, avec une date butoir - le 16 septembre - pour le depot des offres.
M. Michel Berson. Sans transparence !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Deux offres ont ete deposees sur le bureau du Premier ministre.
M. Ducamin, expert independant (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste), a ete nomme pour determiner les conditions de legalite de l'ensemble de la procedure. La decision sera prise par une commission de privatisation apres transmission des deux offres et de la preference exprimee par le Gouvernement.
Contrairement a ce que vous racontez, ces dossiers ont fait l'objet d'etudes tres attentives de la part du ministre de l'economie et des finances, de la part du ministre de la defense et de la part du ministre de l'industrie. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)
M. Jacques Brunhes. Et le Parlement ?
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Pendant deux mois, presque quotidiennement, nous avons analyse les conditions des deux offres.
M. Henri Emmanuelli. Vous etiez contre !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Nous avons, par un questionnaire ecrit, demande des precisions complementaires aux deux entreprises qui ont depose leur offre, de telle maniere qu'on puisse en determiner clairement les consequences dans les domaines militaire, industriel et financier. Ensuite, il y a eu des auditions.
M. Henri Emmanuelli. Auditions devant qui ?
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. L'ensemble de ces elements ont ete transmis, avec la preference du Gouvernement, a la commission de privatisation.
J'ajoute que, contrairement a ce que vous racontez, ce n'est pas la decision d'Untel ou d'Untel; il faut arreter de dire cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.) C'est une decision qui engage le Gouvernement a la suite d'un debat qui a eu lieu entre le ministre de l'economie et des finances, le ministre de la defense, le ministre de l'industrie, sous l'autorite du Premier ministre. (Exclamations sur les memes bancs.)
C'est la realite d'une procedure democratique qui s'inscrit dans la loi et qui a ete menee a son terme ! (Protestations sur les memes bancs.)
La commission de privatisation se prononcera et prendra la decision definitive, le Gouvernement en tirera les consequences a la suite de l'avis conforme de cette commission.
Quant au fait de savoir si d'autres offres peuvent etre deposees, la reponse est non puisque le 16 septembre etait la date butoir pour deposer des offres sur la reprise de Thomson.
Voila la realite et voila la verite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)
Auteur : M. Brunhes Jacques
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Materiels electriques et electroniques
Ministère interrogé : industrie, poste et télécommunications
Ministère répondant : industrie, poste et télécommunications
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 octobre 1996