Question au Gouvernement n° 1914 :
Corona

10e Législature

Question de : M. Borloo Jean-Louis
- RL

Question posée en séance, et publiée le 31 octobre 1996

M. le president. La parole est a M. Jean-Louis Borloo.
M. Jean-Louis Borloo. Monsieur le ministre des affaires sociales et du travail, je crois que nous avons franchi un degre de plus dans le cynisme industriel. Nous connaissions malheureusement les grandes restructurations industrielles; nous ne connaissions pas encore les acquisitions pour fermeture ! Qu'on y prenne garde, c'est une nouvelle methode: on achete des concurrents pour les fermer !
M. Jean-Yves Chamard et M. Andre Fanton. Tapie !
M. Jean-Louis Borloo. Le groupe britannique ICI, leader europeen de la peinture, est venu acquerir son concurrent, Corona SA, qui possede une usine industrielle de 250 personnes parfaitement rentable.
Des l'acquisition, le groupe ICI, conformement aux suggestions d'un rapport d'expertise, avait decide de transferer le chiffre d'affaires de cette usine concurrente vers ses autres sites de production, anglais et francais. Il a donc organise d'emblee le transfert d'activite en sachant pertinemment que cet outil industriel serait abandonne, contrairement aux engagements qui avaient ete pris a l'egard du personnel.
Cela pose plusieurs problemes.
Premierement, la mondialisation des affaires empeche-t-elle l'application de tout droit national, qu'il soit social, commercial ou penal ?
Deuxiemement, si cette usine ferme, les ASSEDIC devront intervenir, alors que la fermeture a pour seul objet de transferer 350 millions de chiffre d'affaires, notamment en Grande-Bretagne. Est-ce la vocation des ASSEDIC de financer des transferts d'activite et d'augmenter le profit des compagnies qui les realisent ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Troisiemement, alors que ces gens-la ont acquis Corona pour 260 millions de nouveaux francs - usine, personnel, marque - comment peuvent-ils pretendre, trois mois apres, que Corona ne vaut rien ?
Nous reclamons, monsieur le ministre, la recuperation de l'usine et de la marque. Nous avons d'autres repreneurs industriels, allemands et francais. Je demande l'appui des pouvoirs publics pour eviter ce gachis et ce massacre ! (Applaudissements sur divers bancs.)
M. le president. La parole est a M. le ministre du travail et des affaires sociales.
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Monsieur Borloo, vous avez raison: ICI se comporte tres mal.
M. Jean-Pierre Brard. Et que faites-vous ?
M. le ministre du travail et des affaires sociales. Apres avoir achete Corona-Peintures en s'engageant a maintenir ses activites en France, voila que ce groupe pretend qu'il ne peut plus maintenir l'unite de Valenciennes, mais seulement l'usine de Normandie.
Premiere reponse: il est bien evident que l'entreprise devra se soumettre aux regles que pose la loi francaise. Il n'est pas question que le sort des salaries ne soit pas pris en compte dans le cadre du plan qu'elle sera tenue de nous presenter. Je vous confirme a ce sujet que j'interviendrai aupres de l'UNEDIC, car ce probleme ne doit pas etre escamote.
Deuxiemement, nous avons, Dieu merci...
M. Jean-Pierre Michel. Et la Republique alors !
M. Jean-Pierre Brard. Et la laicite ?
M. le ministre du travail et des affaires sociales. ... transcrit, il y a quelques jours, dans notre legislation, une directive europeenne...
M. Jean-Pierre Michel. Vous vous croyez au Vatican ? Retournez au seminaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
M. le president. Monsieur Michel, je vous en prie !
M. le ministre du travail et des affaires sociales. ... directive qui impose desormais aux entreprises implantees dans plusieurs Etats de l'Union l'obligation de creer un comite de groupe.
M. Maxime Gremetz. Avec quels pouvoirs ?
M. le ministre du travail et des affaires sociales. Ces comites de groupe representent deja un debut de solution, monsieur Borloo.
Ma reponse ne vous interesse pas, messieurs de l'opposition ? Je pense pourtant qu'il s'agit d'un vrai probleme.
Desormais, il y aura obligation pour ICI, comme pour toutes les entreprises multinationales en Europe, de creer un comite de groupe, a l'interieur duquel les syndicalistes - et je croyais que vous etiez plutot attentifs a cette approche - pourront dire ce qu'ils auront a dire.
Enfin, je confirme a M. Borloo que tout sera mis en oeuvre par les pouvoirs publics, en liaison avec M. Gaudin et avec M. Borotra, pour essayer de relever le defi de l'industrialisation de la region de Valenciennes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)

Données clés

Auteur : M. Borloo Jean-Louis

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Materiaux de construction

Ministère interrogé : travail et affaires sociales

Ministère répondant : travail et affaires sociales

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 octobre 1996

partager