Libre circulation des personnes
Question de :
M. Béteille Raoul
- RPR
Question posée en séance, et publiée le 7 novembre 1996
M. le president. La parole est a M. Raoul Beteille.
M. Raoul Beteille. Monsieur le president, mesdames, messieurs, le 2 octobre, Pierre Mazeaud signalait une deliberation du Parlement europeen en date du 19 septembre precedent disant en substance que les questions d'immigration etait un des problemes europeens qui ne regardaient absolument pas les assemblees nationales, francaise et autres.
M. Michel Barnier lui avait repondu tres nettement et d'une facon assez severe pour le Parlement europeen, puisque j'ai note dans ses propos les adjectifs «absurde» et «demagogique». Il avait ajoute que ce Parlement n'avait en ce domaine aucune competence, ce qui est facile a verifier, puisque ces competences sont clairement encadrees par le traite.
Il n'a peut-etre aucune competence, mais il a de la suite dans les idees ! C'est ainsi que, le 23 octobre dernier, le Conseil a adopte trois propositions de directive visant a abolir tous les controles de personnes aux frontieres internes de l'Union.
L'un de nos collegues, M. Georges Berthu, qui, pour etre depute europeen, n'en est pas moins egalement francais, comme moi, a tache de faire echec a cette demarche en invoquant la declaration generale des signataires de l'Acte unique, qui reserve le droit des Etats membres de prendre les mesures necessaires en matiere de lutte contre l'immigration des pays tiers, le terrorisme, la criminalite, le trafic de drogue et le trafic des oeuvres d'art. On se demande ce qu'on pourrait faire dans ce domaine s'il n'y avait pas de controle aux frontieres !
Mais cette demarche n'a pas abouti, car la Commission, parait-il, ecarte d'un revers de main cette disposition essentielle de l'Acte unique.
Alors, moi, je pose deux questions.
La premiere, je me la pose a moi-meme. Que devient, dans ces conditions, la souverainete du peuple de France ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.) Et je me reponds a moi-meme comme vous le devinez, parce que si je n'ai pas vote pour Maastricht, c'est que je prevoyais ce qui nous arrive. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Mme Soleil !
M. Raoul Beteille. J'en viens a la question que je pose au Gouvernement, maintenant.
Hier, porte Maillot, j'ai entendu avec satisfaction M. le Premier ministre annoncer que nous allions bientot discuter ici d'un projet de loi visant a renforcer nos moyens de lutte contre l'immigration, que vous avez appelee, monsieur le Premier ministre, «illegale», et vous avez eu raison, car ce terme est plus large que celui de «clandestine». Je vous montre le prospectus que l'on nous a distribue a cette occasion. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mais un tel projet ne va pas plaire aux fonctionnaires irresponsables et sans legitimite qui pretendent gouverner la France depuis la-bas.
M. Christian Bataille. La question !
M. Raoul Beteille. Quelle va donc etre votre attitude ?
Je puis vous affirmer, parce que je parcours ma circonscription, que le peuple de ce pays est pret a refaire la Revolution (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
M. Claude Bartolone. Avec Pasqua !
M. Raoul Beteille. ... si sa souverainete dans ce domaine ne se traduit pas par des mesures qui seront prises ici en son nom, et dans le bon sens, c'est-a-dire avec intelligence et dans la bonne direction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre delegue aux affaires europeennes.
M. Christian Bataille. Difficile de repondre a Robespierre !
M. Michel Barnier, ministre delegue aux affaires europeennes. Monsieur Beteille, je ne retire pas un seul mot de ce que j'ai dit ici meme en repondant a Pierre Mazeaud.
Votre intervention porte, en realite, sur deux questions qui ne sont pas tout a fait les memes. La premiere est celle de l'immigration, souvent illegale, provenant d'Etats exterieurs a l'Union europeenne; la seconde, celle de la libre circulation a l'interieur de l'Union.
Sur le premier point, il n'est pas question pour la France - ni pour beaucoup de nos partenaires - de renoncer de quelque facon que ce soit aux actes et aux mesures que nous pouvons prendre seuls et, le cas echeant, avec les autres, pour lutter contre l'immigration clandestine ou illegale en provenance des pays tiers.
Sur le second point, qui fait l'objet des trois projets de directives proposes par la Commission dans le cadre de l'application du traite, il n'est pas question que nous renoncions a cet objectif de liberte de circulation. Mais nous n'accroitrons en aucun cas cette liberte si, en meme temps, nous n'assurons pas une meilleure securite contre certains fleaux qui nous menacent. Je veux parler de la drogue - et nous savons bien d'ou elle vient, en grande partie - je veux parler du terrorisme, du blanchiment de l'argent ou du grand banditisme.
Voila dans quel esprit nous travaillons pour que les accords de Schengen fonctionnent, ce qui commence a etre le cas. Voila exactement aussi ce que nous disons, monsieur Beteille, au sein de la conference intergouvernementale qui vise a reformer les institutions europeennes: pas de plus grande liberte de circulation s'il n'y a pas une plus grande securite pour les citoyens.
Mais il est une question, mesdames et messieurs les deputes, que vous allez devoir vous poser: au-dela des mesures que nous prenons pour nous-memes et par nous-memes contre toutes ces menaces, y compris l'immigration illegale, est-ce que nous ne pouvons pas en meme temps agir plus efficacement avec les autres, avec tous ceux qui nous entourent, parce que ces menaces ou ces defis sont largement continentaux ou internationaux ?
C'est a cette question que nous allons devoir repondre ensemble dans les prochains mois. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Auteur : M. Béteille Raoul
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politiques communautaires
Ministère interrogé : affaires européennes
Ministère répondant : affaires européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 novembre 1996