Crazy George's
Question de :
M. Gayssot Jean-Claude
- COM
Question posée en séance, et publiée le 13 novembre 1996
M. le president. La parole est a M. Jean-Claude Gayssot.
M. Jean-Claude Gayssot. Apres l'emotion suscitee par l'installation du premier magasin Crazy George's, la direction generale de la consommation et de la concurrence a ete chargee d'une enquete. L'ouverture du magasin est suspendue, mais ne va-t-on pas prendre pretexte d'une simple amelioration de l'information pour autoriser cette exploitation ehontee de la misere ? «On va vous voler, mais on vous le dira !» Comme si, quand on manque de tout, on avait veritablement le choix.
Quand on fait payer aux familles les plus en difficulte deux fois plus cher que le prix courant, c'est la misere qu'on exploite, c'est le profit sur le malheur que l'on encourage, c'est le sens meme de la societe qui est remis en cause.
Monsieur le ministre de l'economie et des finances, vous n'avez pas le droit de cautionner, d'une maniere ou d'une autre, ce scandaleux systeme. Il faut interdire de telles pratiques, et, si la legislation n'est pas suffisante, il convient de la changer, afin que les foyers les plus modestes, les jeunes qui s'installent, puissent acceder aux biens les plus elementaires.
Monsieur le ministre, etes-vous d'accord pour multiplier par quatre l'impot sur les grandes fortunes («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre)...
M. le president. Ce n'est pas a vous que la question s'adresse, mes chers collegues, mais au ministre.
Poursuivez, monsieur Gayssot !
M. Jean-Claude Gayssot. ... afin de financer un plan efficace de lutte contre la grande pauvrete, pour ramener la TVA au taux zero pour les produits de premiere necessite, pour reduire sensiblement les taux d'interet lors de l'achat des biens d'equipement indispensables, avec allongement des annuites de remboursement, pour favoriser la constitution d'un livret specifique d'epargne equipement de courte duree ouvrant l'acces a ce credit a taux reduit, enfin pour prelever sur les immenses profits realises par les grandes surfaces, leurs societes de credit et les banques, de maniere a faciliter le credit aux acheteurs et au petit commerce, et a aboutir a une mutualisation des risques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'economie et des finances.
M. Jean Arthuis, ministre de l'economie et des finances. Monsieur le depute, l'ouverture, samedi matin, du magasin Crazy George's, a Bobigny, a suscite des commentaires, des interrogations et une suspicion. J'ai moi-meme demande aux services de la direction de la consommation, de la concurrence et de la repression des fraudes de diligenter immediatement une enquete pour prendre connaissance de ces pratiques dites novatrices. Il est apparu au terme de quelques heures d'enquete que la publicite avait le caractere d'une publicite trompeuse et mensongere.
Je suis intervenu aupres des dirigeants pour leur rappeler leurs obligations, car c'est le role du Gouvernement et des pouvoirs publics que de veiller a ce que la concurrence s'accomplisse sur la base de la loyaute. Nous avons le devoir de mettre les consommateurs en possession d'une information claire qui leur permette d'assumer pleinement leurs responsabilites,...
M. Jean-Paul Charie. Tres bien !
M. le ministre de l'economie et des finances. ... et c'est bien de cela qu'il s'agit.
J'ai demande que tous les documents publicitaires, les prospectus, les affiches soient retires...
M. Jean-Claude Gayssot. Ce n'est pas suffisant !
M. le ministre de l'economie et des finances. ... et que, dans l'attente d'une information claire, transparente et sincere, le magasin suspende ses activites.
M. Christian Bataille. C'est insuffisant !
M. le ministre de l'economie et des finances. C'est ce qu'ont decide ses dirigeants.
Ainsi, le consommateur aura pleinement connaissance du contrat qui lui est propose.
M. Jacques Brunhes. Cela ne suffit pas !
M. le ministre de l'economie et des finances. S'il paie comptant, il connaitra le prix, naturellement. Mais s'il s'engage sur trois ans - c'est une formule proposee -, il saura ce qu'il lui en aura coute au terme de la periode, c'est-a-dire plus du double du prix paye au comptant.
M. Maxime Gremetz. C'est du vol !
M. Christian Bataille. Vous etes complice !
M. le ministre de l'economie et des finances. Il s'agit en l'occurrence de contrats de location avec option d'achat. Nous veillons a ce que le consommateur soit pleinement informe, monsieur le depute. C'est le role des pouvoirs publics.
M. Jean-Pierre Brard. C'est du vol legalise !
M. le ministre de l'economie et des finances. Ainsi, les plus vulnerables de nos compatriotes seront en mesure de resister a une impulsion, a une tentation d'achat. (Protestations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)
M. le president. Un peu de calme !
M. le ministre de l'economie et des finances. Monsieur le depute, l'exploitation de la misere sous toutes ses formes est un scandale. Ce qui est aussi scandaleux, c'est la misere, et toute l'action du Gouvernement consiste a lutter contre la marginalisation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Auteur : M. Gayssot Jean-Claude
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Grande distribution
Ministère interrogé : économie et finances
Ministère répondant : économie et finances
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 novembre 1996