Question au Gouvernement n° 1956 :
Zaire

10e Législature

Question de : M. Fabius Laurent
- SOC

Question posée en séance, et publiée le 13 novembre 1996

M. le president. La parole est a M. Laurent Fabius.
M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, je voudrais a mon tour faire echo a l'emotion profonde et generale qui saisit le peuple francais et tous les autres peuples devant ce qui se passe au Zaire. Nul ne peut etre insensible a ce desastre, meme en l'absence d'images. Tous, nous nous trouvons renvoyes a cette question qui nous est souvent formulee: a quoi servent les responsables politiques s'ils ne sont pas capables d'arreter de tels desastres ?
M. Bernard Accoyer. Et vous, qu'avez-vous fait en 1991 ?
M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, le gouvernement francais a pris une serie d'initiatives; nous les approuvons. Force est toutefois de constater que, face a une situation epouvantablement difficile, sur le terrain, rien, ou presque, n'a bouge. Il faut donc aller plus loin encore.
On nous parle des Nations unies. Mais comment admettre que la decision qui concerne la vie ou la mort de centaines de milliers de personnes depende, en definitive, de la volonte bonne ou mauvaise d'une nation, fut-elle la plus puissante du monde ?
On nous parle de l'Europe. Nous sommes parmi les premiers a souhaiter qu'elle puisse intervenir. Des propositions ont ete faites, des initiatives ont ete prises en ce sens mais, jusqu'a present, rien n'a bouge.
C'est pourquoi, si aucune de ces deux solutions ne devait prevaloir, nous allons jusqu'a envisager, quelles qu'en soient les difficultes, l'eventualite d'une intervention de notre pays. Les objections sont multiples, mais que valent-elles au regard du devoir d'agir lorsque quelques dizaines de milliers de personnes sont en train de mourir ?
Monsieur le Premier ministre, je m'adresse a vous et, bien sur, au President de la Republique dont c'est la responsabilite premiere: nous vous demandons d'agir concretement en faisant un pas de plus. Vous aurez a faire face a beaucoup d'objections mais vous aurez pour vous soutenir la conscience universelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour le Republique.)
M. Jean Ueberschlag. M. Fabius se prend pour la conscience universelle !
M. le president. La parole est a M. le ministre des affaires etrangeres.
M. Herve de Charette, ministre des affaires etrangeres. Monsieur le depute, bien sur, vous avez raison, et chacun ici comprend que la gravite de la situation appelle l'urgence de la reaction. La vie diplomatique consiste souvent a defendre les interets de la nation. Mais il faut aussi defendre, au-dessus d'eux, les valeurs sur lesquelles notre societe est fondee et pour lesquelles nous avons si durement combattu dans le passe.
La France, la premiere, et jusqu'a present, vous en conviendrez, avec la plus forte determination...
M. Pierre Mazeaud. C'est vrai !
M. le ministre des affaires etrangeres. ... a marque qu'une intervention urgente de la communaute internationale etait necessaire. Je redis devant vous avec nettete qu'il faut une intervention de la communaute internationale tout entiere, sans quoi ce ne sera ni possible ni efficace. Nous ne sommes plus a l'epoque coloniale. L'Afrique est directement engagee. Les Africains, reunis au sein de l'Organisation de l'unite africaine, hier, a Addis-Abeba, ont demande l'intervention de la communaute internationale. Nous sommes maintenant devant le Conseil de securite.
Je le repete, il appartient a la communaute internationale tout entiere d'assumer la plenitude de ses responsabilites: l'Afrique qui s'est deja prononcee, l'Europe qui a marque sa determination grace a l'initiative francaise...
M. Pierre Mazeaud. Mais l'Europe est incapable !
M. le ministre des affaires etrangeres. ... mais aussi les Etats-Unis et le Canada.
M. Pierre Mazeaud. L'Europe n'est pas capable !
M. le ministre des affaires etrangeres. Ne laissez pas penser, monsieur Fabius, que la France presse la communaute internationale au nom d'autre chose que le sens eleve qu'elle a du role des plus grandes nations de ce monde. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union de la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)

Données clés

Auteur : M. Fabius Laurent

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique exterieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 novembre 1996

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