Question au Gouvernement n° 1961 :
Guyane : enseignement

10e Législature

Question de : Mme Taubira-Delannon Christiane
- RL

Question posée en séance, et publiée le 14 novembre 1996

M. le president. La parole est a Mme Christiane Taubira-Delannon.
Mme Christiane Taubira-Delannon. Monsieur le ministre de l'education nationale, les derniers evenements de Guyane sont porteurs de messages forts qui ne vous concernent pas tous, mais qui vous eclaireront.
Le premier s'adresse a M. le President de la Republique pour lui demander s'il consent a ce que l'egalite republicaine fasse place outre-mer a l'inegalite des chances devant l'avenir.
Le second concerne plus particulierement M. le Premier ministre. La politique gouvernementale outre-mer ne saurait se reduire a quelques agrements de defiscalisation, sans cahier des charges, en faveur de l'emploi local dans ces pays ou les richesses communes servent a batir des fortunes personnelles.
Le troisieme, plus bruyant, s'adresse au ministre de l'interieur. Quoique peripherique au mouvement, des bandes organisees pillent la ville de Cayenne et lancent un veritable defi aux responsables de l'ordre public.
Pour votre part, monsieur le ministre, sachez que la jeunesse de Guyane est dans les rues pour des raisons profondes. Je vous adjure de ne pas confondre l'apparence de ce mouvement avec sa nature essentielle. Il parait eruptif, desordonne, mais, dans le fond, il traduit un desarroi profond, un malaise, une angoisse et, surtout, un formidable defi: celui d'une jeunesse qui refuse de renoncer a l'espoir, a l'audace, aux ambitions nobles et meme a l'utopie et qui affronte une societe conformiste, notabilisee, emmuree dans ses certitudes.
C'est le mouvement d'une jeunesse qui refuse d'entendre des reponses faites de chiffres obscenes, de details techniques insignifiants et de discours d'autojustification. C'est le mouvement d'une jeunesse qui veut proclamer son droit a une education de qualite et qui attend une profession de foi reconnaissant son droit a construire son futur, plutot que de le subir.
Cette jeunesse nous rappelle avec fracas qu'elle est l'acteur principal du systeme educatif, qu'elle a, a ses cotes, les enseignants et les parents d'eleves, qu'elle a, en face, les partenaires que sont l'Etat et les collectivites. Il s'agit de ne se tromper ni d'interlocuteurs ni de reponses.
Nous ne sommes plus au temps des grands forums dilatoires qui ne servent qu'a noyer les priorites ! Le temps est venu d'un plan d'urgence pour mettre a niveau l'education en Guyane.
La question est celle du niveau de reference. La reponse se trouve au moins en partie dans la mobilisation de la ressource extraordinaire qui se trouve en Guyane: le savoir technologique accumule par EDF et par le centre spatial et la diversite de leurs plateaux techniques, le savoir scientifique accumule par les organismes de recherche et le potentiel linguistique et culturel dont nous disposons grace a notre situation en Amerique du Sud.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avance de me faire savoir quelle est votre receptivite a un plan d'urgence de remise a niveau de l'education en Guyane. Je vous assure qu'il est necessaire de nous donner des engagements formels pour etancher la legitime exasperation de la jeunesse guyanaise ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe Republique et Liberte et du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. La parole est a M. le ministre delegue a l'outre-mer.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre delegue a l'outre-mer. Madame le depute, tres sincerement et du fond du coeur, je ressens les attentes et les espoirs de la jeunesse guyanaise. On a dit bien souvent qu'elle etait un probleme pour la Guyane: c'est en fait son meilleur atout !
M. Louis Mexandeau. Il faut y aller !
M. le ministre delegue a l'outre-mer. Voila pourquoi je souhaite que l'on distingue ses revendications legitimes. Le President de la Republique, ce matin, en conseil des ministres, nous a dit que nous devions y repondre, repondre a ses besoins legitimes.
M. Louis Mexandeau. Que fait M. Bayrou ?
M. le ministre delegue a l'outre-mer. Sans citer de chiffres technocratiques ou cabalistiques, je rappelle tout simplement: en 1993, 80 000 habitants, aujourd'hui 140 000. Si chaque annee depuis 1983 avait ete fait en Guyane (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ce que nous y faisons depuis 1993 (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.), nous ne serions pas aujourd'hui en situation de perpetuel rattrapage !
M. Christian Bataille. Pauvre argument !
M. le ministre delegue a l'outre-mer. Je prends aujourd'hui, au nom du Gouvernement, sous le controle du Premier ministre et de mon collegue Francois Bayrou, l'engagement de repondre, point par point, aux besoins et aux attentes de la jeunesse guyanaise.
Je souhaite vivement que le calme revienne afin que nous puissions tous ensemble nous mettre au travail et determiner ce qu'il faut faire de plus que ce que nous avons deja fait cette annee et que les mesures exceptionnelles prises pour la rentree de Toussaint.
Je me rendrai dans les tout prochains jours avec Francois Bayrou sur place et nous reprendrons le dossier de l'education. Je vous rappelle qu'un eleve sur deux, lorsqu'il entre a l'ecole, en Guyane, n'est pas francophone. C'est dire la tache immense qui nous attend, dans l'interet bien compris de la Guyane et de son developpement economique. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : Mme Taubira-Delannon Christiane

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Dom

Ministère interrogé : outre-mer

Ministère répondant : outre-mer

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 novembre 1996

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