Question au Gouvernement n° 1981 :
Droit d'asile

10e Législature

Question de : M. Saumade Gérard
- RL

Question posée en séance, et publiée le 20 novembre 1996

M. le president. La parole est a M. Gerard Saumade.
M. Gerard Saumade. Ma question s'adresse a M. le ministre de l'interieur mais elle concerne aussi M. le ministre du travail et des affaires sociales et, le cas echeant, M. le ministre de l'education nationale.
Je rencontre dans mon departement un probleme qui se pose partout en France. Certains etrangers, fuyant de graves situations d'insecurite dans leur pays, demandent le droit d'asile en France. En attendant l'instruction de leur dossier, ils sont souvent abrites dans des centres de transit, quel que soit le nom qu'on leur donne.
La jurisprudence du droit d'asile, interpretant le preambule de la Constitution et peut-etre la Convention de Geneve, estime qu'il n'y a de persecution qu'«officielle». Il faut etre persecute par le gouvernement de son pays. Ceux qui sont pourchasses par des forces terroristes ou victimes de la guerre civile n'ont pas le droit d'asile. Ils n'en sont pas moins en danger mortel.
On se trouve alors devant une situation absurde. L'asile est refuse. On prend un arrete d'expulsion. Mais, pour des raisons humanitaires, devant la probabilite d'assassinat en cas de retour au pays, on ne l'execute pas.
Les personnes se retrouvent hors de l'abri, dans la rue, sans rien: sans droits, sans papiers, sans revenus, sans aucune aide, sans possibilite ni de travailler ni de se loger, ni de scolariser les enfants, pas meme d'obtenir le RMI. Beaucoup ont des enfants, dont certains sont nes en France, et la situation est inextricable.
On se tourne alors vers le departement, au titre de sa competence pour la protection de l'enfance, et on lui demande d'imaginer des montages, eventuellement illegaux, pour gerer une situation tout aussi illegale, mais qui concerne des etres humains, des enfants, qui n'ont d'autre issue que de mourir de faim.
Cette situation concerne, dans le seul departement de l'Herault, plusieurs dizaines de familles par an, en particulier a Beziers, ou se trouve un lieu d'attente des decisions de l'OFPRA. J'ai connu cette semaine, dans cette meme ville, le cas dramatique d'une famille d'Angolais pour laquelle, en tant que president du conseil general, je suis intervenu en urgence et probablement illegalement.
Certes, chacun est dans sa logique. Mais n'est-ce pas la definition meme de la tragedie que le choc de logiques incompatibles ? Cette tragedie, qui doit toucher quelques milliers de personnes chaque annee, est insupportable, au point que se constituent des comites de soutien ici et la.
Ma question est alors la suivante. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.) Monsieur le ministre de l'interieur, comment entendez-vous reagir si votre administration, pour des raisons nobles et estimables, n'applique pas les decisions d'une autre administration ? Et surtout, comment entendez-vous resoudre ce probleme concret et urgent, qui met en peril des vies et menace l'avenir d'enfants ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Republique et Liberte et du groupe socialiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'interieur.
M. Jean-Louis Debre, ministre de l'interieur. Monsieur Saumade, votre question m'a rendu perplexe. Vous semblez surpris par le fait que les deboutes du droit d'asile, donc des gens en sejour irregulier en France, ne recoivent aucune aide publique. N'est-ce pas plutot le contraire qui serait etonnant ? («Tres bien !» et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Ces etrangers ont sollicite l'asile en France. Pendant l'instruction de leur dossier, ils ont beneficie du droit au sejour et d'un soutien materiel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Martin Malvy. Vous manquez de coeur !
M. le ministre de l'interieur. Mais au terme de la procedure, avec toutes les garanties...
M. Jean-Claude Lefort. De ceux qui soutiennent le FIS !
M. le ministre de l'interieur. ... que vous connaissez, ils n'ont plus aucun droit, puisqu'ils sont deboutes du droit d'asile.
Monsieur le depute, au lieu de tenir un discours equivoque, vous devriez dire a ces irreguliers que, puisqu'ils n'ont plus aucun droit en France, ils doivent rentrer chez eux ou dans un autre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
La France doit etre fidele a sa tradition. Elle doit rester naturellement une terre d'asile, mais elle doit aussi s'opposer, et je m'y impliquerai personnellement, a tout devoiement de la procedure d'asile, en violation de la loi. Vous ne pouvez pas, monsieur le depute, etre le matin legislateur et l'apres-midi, chez vous, proner la desobeissance a la loi ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Saumade Gérard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Etrangers

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 novembre 1996

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