Question au Gouvernement n° 1982 :
Importations

10e Législature

Question de : M. Carassus Pierre
- RL

Question posée en séance, et publiée le 20 novembre 1996

M. le president. La parole est a M. Pierre Carassus.
M. Pierre Carassus. Demain sera la journee nationale des enfants. Or, en 1996, selon le Bureau international du travail, 50 millions d'enfants de plus qu'en 1995 vivent de cruelles conditions d'emploi, voire de quasi-esclavage. 250 millions d'enfants, ages de cinq a quatorze ans, travaillent jusqu'a quatorze heures par jour dans les mines et les usines.
Les marchandises qu'ils produisent au profit de multinationales ou d'entreprises locales sont ecoulees et commercialisees impunement en France et en Europe.
J'avais propose, dans une question ecrite au Gouvernement, la mise en place d'un label de conformite sociale destinee a prohiber les importations de produits ayant fait intervenir une main-d'oeuvre enfantine. On m'a renvoye au niveau europeen, en precisant: «La creation d'un label de conformite exige que ce label soit europeen».
De nombreux Etats membres s'y refusent jusqu'a ce jour. Mais rien ne nous interdit d'agir en France, ne serait-ce que pour accelerer le mouvement au niveau de l'Europe. J'ai donc depose, avec mes collegues du Mouvement des citoyens, une proposition de loi visant a mettre en place ce dispositif.
Cela etant, il me parait edifiant de constater que les gouvernements europeens mettent plus de zele a rapprocher leur monnaie au profit de la finance qu'a proposer un minimum d'ethique sociale dans les echanges commerciaux internationaux.
Je suppose qu'il vous est arrive d'eprouver quelque emotion en ecoutant la chanson d'Yves Duteil: «Prendre un enfant par la main». Mais, vous en conviendrez, prendre les mains d'un enfant pour exploiter leur habilete jusqu'a quatorze heures par jour, c'est criminel ! Il ne serait pas acceptabble que, par demission devant les exigences de puissances financieres, des dirigeants politiques europeens restent sans reaction devant ces crimes.
C'est pourquoi je souhaite poser trois questions qui, a mon sens, meritent un engagement du Gouvernement.
L'Europe va-t-elle enfin mettre en place un label de conformite sociale visant a prohiber l'importation de marchandises fabriquees par les enfants ?
En decembre 1996 se tiendra a Singapour la conference interministerielle de l'OMC. Quelles propositions fera la France pour favoriser au niveau mondial l'abolition du travail des enfants ?
Enfin, quels moyens financiers la France et l'Europe vont-elles consacrer au financement de projets permettant a ces enfants de frequenter les ecoles, plutot que les mines ou les ateliers ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe Republique et Liberte et du groupe socialiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre delegue a la cooperation.
M. Jacques Godfrain, ministre delegue a la cooperation. Monsieur le depute, l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine demeure, helas, un phenomene courant, en depit de l'ediction de normes protectrices.
Les pays en developpement sont les plus touches par ce fleau. On estime a 100 millions le nombre d'enfants contraints de travailler, parfois dans des conditions tres penibles, ou reduits a la servitude en tant que domestiques.
Notre pays n'a pas attendu les questions ecrites ou orales pour agir. Il a pris une part tres active a l'elaboration de la convention internationale des droits de l'enfant des Nations unies, qui a ete ratifiee par 170 Etats.
La France mene donc une politique de lutte contre le travail des enfants.
Elle a adhere aux conventions de l'Organisation internationale du travail, concernant le travail force et l'abolition du travail des enfants. Elle s'efforce, en liaison etroite avec l'Union europeenne, de sensibiliser les autres Etats a la lutte contre le travail des enfants. Nous avons deja obtenu l'introduction de ces criteres dans le systeme de preference generalisee de la Communaute europeenne. C'est un premier succes.
Mais notre pays ne se contente pas de poser des petitions de principe. Il intervient financierement pour lutter contre le travail des enfants. Il participe en particulier au programme international pour l'elimination du travail des enfants, qui concentre son action sur les abus les plus graves concernant du travail des enfants: les travaux dangereux, le travail force, l'emploi des enfants au-dessous de douze ans, le travail dans la rue. Au total, trente-cinq programmes d'action - pour un montant de 7 millions de dollars -, sont en cours dans plusieurs pays: en Inde, au Senegal, en Indonesie, au Kenya, en Thailande, au Bresil et en Turquie.
Les beneficiaires de ce programme sont les enfants travaillant dans les secteurs structures et non structures de l'industrie, de l'agriculture et du commerce, la priorite etant accordee aux enfants travaillant dans des conditions dangereuses ou soumis au travail force dans ces differents secteurs.
Cette priorite du ministere des affaires etrangeres francais sera rappelee, demain, au Senat, devant les organisations membres du Conseil francais des associations pour les droits de l'enfant. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)

Données clés

Auteur : M. Carassus Pierre

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Commerce exterieur

Ministère interrogé : coopération

Ministère répondant : coopération

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 novembre 1996

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