Thomson
Question de :
M. Bataille Christian
- SOC
Question posée en séance, et publiée le 21 novembre 1996
M. le president. La parole est a M. Christian Bataille.
M. Christian Bataille. Aujourd'hui, par milliers, dans le centre de Paris, partout en France, les salaries de Thomson refusent la privatisation de leur entreprise.
On ne le rappelle pas assez, cette entreprise etait en butte a de graves difficultes quand elle a ete nationalisee en 1981. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Les actionnaires ont ete, a l'epoque, tres honnetement indemnises. Thomson a ete sauvee et est devenue depuis une entreprise de taille mondiale. Monsieur le Premier ministre, vous avez declare que Thomson ne valait rien, ou plutot, si, un franc. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. Un peu de calme !
M. Christian Bataille. Ce n'est pas l'avis des salaries, que j'ai rencontres, qui proposent de payer cette entreprise 25 000 fois ce prix. Ils m'ont charge de vous remettre un cheque de 25 204 francs. Un franc par salarie. Ce cheque, le voici, vous pouvez le voir ! Oui, les salaries font 25 000 fois mieux que Daewoo, votre repreneur favori. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Un franc, c'est le prix que nous entendons payer lorsque nous serons en mesure de renationaliser Thomson (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre) si les citoyens de ce pays nous en donnent les moyens.
De plus, la retrocession au coreen Daewoo (... «Raciste !» sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre) suscite de grandes inquietudes quant a la preservation des acquis sociaux, duree du travail menacee, conges remis en cause, etc., car ce groupe - nous le savons bien - a une politique sociale tres dure, il l'a deja prouve en France.
Monsieur le Premier ministre, vous engagez-vous a garantir les acquis sociaux des salaries dans une entreprise, helas ! abandonnee par l'Etat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Michel Hannoun. Vous n'avez pas le monopole de Thomson !
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Monsieur le depute, on ne traite pas sur le ton que vous venez d'utiliser une affaire aussi serieuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Vous etes un demagogue ! Or, quand il s'agit du devenir de Thomson, il n'y a pas de place pour la demagogie. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
La societe Thomson doit etre privatisee.
M. Jean Glavany. Pour un franc, j'achete !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Elle doit l'etre pour trois raisons.
La premiere est que c'est une entreprise qui est en situation de sinistre economique. («C'est faux !», sur les bancs du groupe socialiste.)
La deuxieme est qu'il faut restructurer les industries de l'armement autour de l'electronique de defense.
La troisieme est qu'il faut donner a Thomson Multimedia les moyens qui lui sont necessaires pour valoriser les atouts qui sont les siens.
Ce que l'Etat n'a pas fait jusqu'a aujourd'hui, il ne le fera pas demain. Donc, la seule solution pour assurer la survie de Thomson et la mise en valeur de ses atouts, c'est la privatisation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est engage dans cette voie. Il a lance un appel de gre a gre. Deux offres ont ete deposees. Le Gouvernement a fait connaitre sa preference. Il appartient a la commission de privatisation de donner son avis sur cette preference.
Quant a Thomson Multimedia, cette entreprise vaut ce que valent son personnel (Ah ! sur les bancs du groupe socialiste)...
M. Christian Bataille. Le cheque que j'ai montre le prouve !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. ... ses cadres, ses technologies et ses parts de marche. Mais, en meme temps, c'est une entreprise qui est en situation de sinistre economique.
M. Didier Boulaud. Le premier «sinistre», c'est Juppe !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. C'est une entreprise deficitaire, surendettee et qui ne trouve aujourd'hui son developpement que par l'emprunt. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Si cette situation persistait, l'entreprise serait condamnee a l'avenir. Il faut donc lui trouver un partenaire qui lui apporte les financements dont elle a besoin, c'est-a-dire plusieurs milliards de francs au-dela de la recapitalisation...
M. Didier Boulaud. Les copains et les coquins !
M. le president. Allons ! Allons !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. ... pour revaloriser ses technologies et pour acceder a des marches sur lesquels elle n'est pas presente aujourd'hui, en particulier les marches asiatiques. Ces financements sont indispensables a Thomson Multimedia pour abaisser ses couts de production et devenir ainsi competitive sur ces marches ou les prix sont en tres forte baisse.
M. Christian Bataille. Ou va l'argent ?
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. C'est du reste ce qui explique que TMM est deficitaire.
J'ai entendu son president declarer que si l'on recapitalise l'entreprise, elle est mecaniquement rentable. Je ne sais pas si elle est mecaniquement rentable, mais elle est aujourd'hui economiquement tres deficitaire.
Mme Segolene Royal. C'est faux !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Encore une fois, c'est la raison pour laquelle nous nous sommes engages dans la voie de la privatisation.
On nous a demande pourquoi nous avions rendu public l'avis du Gouvernement.
M. Henri Emmanuelli. Quelle transparence !...
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Par definition, la commission de privatisation doit rendre en toute independance un avis - conforme ou non conforme - sur la preference du Gouvernement. Le Gouvernement devait donc naturellement lui faire connaitre son propre avis.
Devait-il le rendre public ? La reponse est evidente. C'est oui, parce que trois entreprises internationales, cotees en bourse, etaient impliquees dans ce dossier. Le risque de delit d'initie etait donc considerable (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et je ne doute pas, messieurs, que vous sachiez ce qu'est un delit d'initie ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Auteur : M. Bataille Christian
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Materiels electriques et electroniques
Ministère interrogé : industrie, poste et télécommunications
Ministère répondant : industrie, poste et télécommunications
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 novembre 1996