Terrorisme
Question de :
M. Fabius Laurent
- SOC
Question posée en séance, et publiée le 5 décembre 1996
M. le president. Pour le groupe socialiste, la parole est a M. Laurent Fabius.
M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, l'attentat sanglant et ecoeurant de la station Port-Royal montre que les terroristes n'ont pas desarme. Face a ce crime, nos pensees vont d'abord aux victimes, aux passagers qui ont ete lourdement traumatises et a leurs familles. Elles vont a toute la nation qui ne doit en aucun cas ceder a la panique, puisque c'est precisement ce que recherchent les assassins. Car, contrairement a ce qui est parfois dit, il ne s'agit pas d'un acte aveugle. Il s'agit d'un acte precisement cible dont le lieu, la methode et le moment ont ete choisis pour frapper les corps et les esprits afin que chacun se sente menace.
Dans le passe, lorsque des attentats se sont produits, mesurant la difficulte de la tache, nous avons pour notre part toujours soutenu les actions des pouvoirs publics qui visaient a lutter contre ce fleau et nous avons recuse toute exploitation politicienne. Il en sera de meme aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique, du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, nous souhaitons et nous demandons que l'on soit dur avec ces crimes. C'est ce que le pays attend. Dans la lutte contre le terrorisme, les Francais doivent etre unis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. La parole est a M. le Premier ministre.
M. Alain Juppe, Premier ministre. Monsieur le president, mesdames, messieurs les deputes, comme chacune et chacun d'entre vous, comme les presidents de vos groupes, je pense d'abord aux victimes de cet acte de sauvagerie criminelle. Je m'incline devant les depouilles des deux personnes tuees. Je pense a la souffrance des blesses et au desarroi des familles. Je veux les assurer, au nom du Gouvernement et, si vous me le permettez, au nom de la representation nationale, de la solidarite de tous les responsables politiques de notre pays.
Je veux aussi rendre hommage aux services qui sont intervenus hier soir avec une rapidite, une efficacite et un sens de l'humain exemplaires: les services de la prefecture de police, les sapeurs-pompiers, les CRS, les gendarmes mobiles, le SAMU, l'Assistance publique, les personnels de la RATP et, comme l'a dit l'un d'entre vous, les riverains et les benevoles qui se sont spontanement portes au secours des personnes choquees par l'explosion. Je souligne tout particulierement le role de la cellule medico-psychologique, mise en place a l'initiative de Xavier Emmanuelli, qui a permis - je l'ai vu moi-meme sur place - d'apporter aux blesses en desarroi un reconfort immediat.
Le dispositif d'aide et d'accueil pour les victimes et leurs familles a immediatement ete mis en place. Il repose a la fois sur les services publics et sur les associations qui se devouent sans compter. Je pense a l'Institut national d'aide aux victimes, a SOS-Attentats, a Paris-aide aux victimes, a la mairie de Paris, a la RATP, au Barreau de Paris. Ces differents organismes mettront a la disposition des victimes l'information necessaire sur leurs droits en particulier, ainsi qu'une assistance materielle et psychologique. L'indemnisation des victimes sera assuree par le fonds de garantie des victimes d'infractions terroristes, et j'ai demande que les procedures soient accelerees au maximum.
J'ai decide des hier soir de remettre en vigueur le plan Vigipirate renforce. Nous avons mis au point ce dispositif ce matin, sous l'autorite du President de la Republique, Un comite interministeriel de lutte anti-terroriste sera reuni cet apres-midi par le ministre de l'interieur. D'ores et deja, plus de 1 800 militaires engages ont ete envoyes en renfort, dont 800 a Paris. La prefecture de police dispose de huit compagnies republicaines de securite et de quatre escadrons de gendarmerie supplementaires. La presence des forces de securite sera particulierement developpee aux frontieres et dans tous les lieux accueillant du public.
Une information judiciaire a ete ouverte. Elle a ete confiee aux juges Bruguiere, Le Vert et Ricard. A ce stade, je ne peux vous donner aucun renseignement precis. Aucune revendication n'a ete formulee. Aucune piste ne peut etre privilegiee. Cela dit, de grandes similitudes existent entre cet attentat, les conditions dans lesquelles il a ete commis, et les attentats de l'ete 1995.
Mesdames, messieurs les deputes, une fois encore la France est prise pour cible au coeur de sa capitale parce qu'elle incarne la democratie et les droits de la personne humaine. Une fois encore, nous devons relever le defi avec sang-froid et determination. Je peux vous assurer que tous les moyens seront mis en oeuvre pour identifier et chatier les coupables. Tous les moyens seront mis en oeuvre pour proteger nos concitoyens. Prenons exemple sur ceux de nos compatriotes presents hier soir sur les lieux de l'attentat, qui nous ont donne une lecon de courage et de solidarite.
On me dit que la RATP s'apprete a placarder dans les couloirs du metro une affiche mettant l'accent sur deux mots: «Attentifs, ensemble». Il faut en effet que nous soyons attentifs car la mobilisation de tous est necessaire pour lutter contre ces actes dont M. Fabius a eu raison de dire qu'ils ne sont pas aussi aveugles qu'on le pretend parfois, parce qu'ils sont cibles. Et nous devons agir «ensemble», car, au-dela de toute preoccupation politicienne - croyez bien que le Gouvernement n'en a aucune dans ce domaine - c'est l'unite de la France qui lui permettra de resister au chantage a la peur et a la violence. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Auteur : M. Fabius Laurent
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Service du Premier Ministre
Ministère répondant : Service du Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 décembre 1996