Plafonnement
Question de :
M. Brunhes Jacques
- COM
Question posée en séance, et publiée le 11 décembre 1996
M. le president. La parole est a M. Jacques Brunhes.
M. Jacques Brunhes. Monsieur le ministre du budget, l'allegement de l'impot sur la fortune pour les plus gros patrimoines n'est pas seulement indecent et revoltant dans son principe meme: il pose aussi un probleme institutionnel grave. En effet, en raison de la methode utilisee, l'Assemblee nationale, qui devrait etre souveraine, ne pourra meme pas se prononcer sur cette question.
Le rapporteur general du budget au Senat a indique: «L'impot sur les fortunes est souvent percu comme une punition par les contribuables. J'ai compris que le President de la Republique» - il faisait reference a l'interview de ce dernier parue dans Valeurs actuelles - «souhaitait que ce mal-vivre soit gere.» Vous avez bien entendu: il est question du «mal-vivre» des mille plus riches Francais, de ceux dont les revenus equivalent, pour certains, a cent fois le SMIC par jour !
M. Maxime Gremetz. C'est extraordinaire !
M. Jacques Brunhes. Nos concitoyens jugeront severement cette logique.
Ce senateur a donc fait adopter un amendement d'allegement de l'impot sur la fortune.
Monsieur le ministre du budget, le Gouvernement ayant demande l'urgence sur le budget, il n'y a aura plus qu'une lecture devant l'Assemblee et elle portera sur le texte de la commission mixte paritaire qui aura abouti puisque les deux assemblees ont la meme majorite. Par consequent, l'Assemblee nationale devra se prononcer, en un seul vote, sur l'ensemble du texte de la CMP, sans pouvoir donner son avis sur l'article en question. Il y a donc bien un probleme institutionnel.
M. Jean-Claude Lefort. Un probleme de democratie !
M. Jacques Brunhes. A l'evidence, cette procedure ne respecte pas l'esprit de la Constitution. Imaginons un instant sa generalisation: l'Assemblee nationale serait dessaisie de tous pouvoirs en matiere de finances, alors que ceux dont elle dispose sont deja bien minces.
Il y aurait bien sur un moyen tres simple pour regler le probleme: il suffirait que le President de la Republique et le Premier ministre, apres avoir inspire directement cet amendement, usent de la meme persuasion pour qu'il soit retire. Mais je mesure combien cela est contraire a leur philosophie politique !
Ils ont, en effet, decide de faire payer les Francais moyens et les pauvres, car ils sont plus nombreux. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Pour que l'Assemblee puisse se prononcer, il ne reste plus qu'une methode: il faut que le Gouvernement depose un amendement de suppression de l'article. Y etes-vous pret, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre delegue au budget, porte-parole du Gouvernement.
M. Alain Lamassoure, ministre delegue au budget, porte-parole du Gouvernement. Je vais essayer de clarifier ce debat complexe.
L'impot de solidarite sur la fortune, c'est une comedie en cinq actes !
Acte I, 1989: la majorite socialo-communiste cree un impot de solidarite sur la fortune. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. Claude Bartolone. Il oublie les meilleurs episodes, notamment celui de 1986 !
M. le president. Un peu de calme ! Laissez le ministre s'exprimer. Vous pouvez ne pas etre d'accord, tout en laissant votre interlocuteur parler.
Exprimez-vous, monsieur le ministre.
M. le ministre delegue au budget. Elle cree un impot qui est plafonne, jugeant qu'on ne pouvait pas demander a un contribuable de payer chaque annee un impot superieur a 85 % de son revenu.
M. Andre Santini. C'est logique !
Mme Martin David et M. Claude Bartolone. Et 1986 ?
M. le ministre delegue au budget. Acte II: en 1995 l'actuelle majorite decide de durcir le systeme de deux manieres: en augmentant le taux de 10 % et en supprimant le plafonnement.
Acte III: on constate, a l'experience, que la premiere de ces mesures, l'augmentation de 10 %, a ete fructueuse et rapporte de l'argent au Tresor, alors que la deuxieme a ete contre-productive, une partie des contribuables, auxquels on demande de verser chaque annee plus que leur revenu, choisissant de se faire domicilier ailleurs. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. Maxime Gremetz. L'argent n'a pas d'odeur !
M. Didier Boulaud. C'est faux !
M. le president. Du calme, du calme ! Monsieur Boulaud, laissez M. le ministre s'exprimer.
M. le ministre delegue au budget. Acte IV: le Senat, dans le cadre du projet de loi de finances, decide de maintenir la mesure plus rigoureuse qui a fonctionne - la majoration de 10 % - mais de revenir au plafonnement au niveau qu'avait fixe la majorite socialo-communiste, ce qui n'est donc pas contraire a la philosophie de M. Brunhes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Acte V: la commission mixte paritaire sera saisie et l'Assemblee nationale aura a trancher par un vote, apres des explications de vote, en dernier recours. Le Gouvernement a confiance en sa sagesse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Auteur : M. Brunhes Jacques
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Impot de solidarite sur la fortune
Ministère interrogé : budget
Ministère répondant : budget
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 décembre 1996