Droit du travail
Question de :
M. Pierna Louis
- COM
Question posée en séance, et publiée le 23 janvier 1997
M. le president. La parole est a M. Louis Pierna.
M. Louis Pierna. Monsieur le ministre du travail et des affaires sociales, notre inquietude est grande.
M. Gandois, president du CNPF, declare qu'il faut reecrire le code du travail. Le Gouvernement fait-il sien ces propos ?
D'ores et deja, les horaires legaux de travail ne sont pas respectes. Les heures supplementaires ne sont pas ou peu payees. Des salaries, embauches a la journee, sans garanties ni contrat, sont payes de la main a la main. Des entreprises emploient des personnes le dimanche pour terminer le travail commence dans la semaine par les salaries de l'entreprise. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Les contrats a duree determinee sont utilises presque systematiquement. De grands commerces ferment, comme Uniprix a Saint-Denis, sans proposition de reprise ou de reclassement. Le licenciement d'un delegue syndical intervient quelques heures apres sa nomination chez Castorama, a Parinor 2; cette societe semble d'ailleurs generaliser cette pratique ! Une moyenne surface d'alimentation, Stock, au Blanc-Mesnil, est vendue sans garantie de reembauche ni de reouverture, sans que les 11 000 habitants du grand ensemble ou elle est implantee et les elus soient informes. Est-ce cela, la politique de la ville ?
La liste pourrait etre longue, tres longue. Meme aux Telecom, on ne respecte pas les regles en vigueur dans la fonction publique. Vous-meme, monsieur le ministre, proposez d'assouplir le code du travail. S'agit-il de faciliter la procedure d'embauche ? Non, c'est pour faciliter la procedure de licenciement ! Ou va-t-on quand le President de la Republique lui-meme prone une plus grande flexibilite ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Les femmes et les hommes de ce pays ne sont plus taillables et corveables a merci. Le code du travail, resultat des actions menees par les salaries depuis des decennies, marque du progres social, avancee d'une societe,...
Plusieurs deputes du groupe de Rassemblement pour la Republique. La question !
M. Jean Ueberschlag. Demagogie !
M. Louis Pierna. ... semble desormais insupportable au patronat ainsi qu'a vous-meme, comme vous en faites la demonstration. (Brouhaha sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. Je vous en prie, mes chers colleges !
M. Louis Pierna. Votre devoir, monsieur le ministre, devrait consister a prendre les mesures necessaires pour que le code du travail soit respecte, ameliore, pour que de nouvelles dispositions accordent des droits et des pouvoirs nouveaux aux salaries. («La question ! La question !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.) Allez-vous le faire, ou bien allez-vous accepter que la France devienne, comme cela est envisage en Coree du Sud, un pays sans garanties sociales ? (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.) Dans ce cas, attendez-vous a de vives reactions. (Bruit continu sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. Monsieur Pierna, concluez, je vous prie !
M. Louis Pierna. Les travailleurs ont les jeux fixes sur le xxie siecle et les progres qui s'annoncent. Ils n'accepteront jamais un retour au xixe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre du travail et des affaires sociales.
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. A vous ecouter, monsieur Pierna, personne, dans ce bon pays de France, ne ferait son travail. Les syndicalistes laisseraient passer les abus. Les controleurs et inspecteurs du travail ne serviraient a rien. Ce tableau caricatural ne ressemble pas, heureusement, a la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Monsieur Pierna, le Gouvernement vous ecoute. Il ecoute aussi M. Gandois,...
M. Maxime Gremetz. Trop !
M. le ministre du travail et des affaires sociales. ... ce qui ne veut pas dire qu'il y ait confusion des roles. Le role du Gouvernement est de donner a des questions serieuses les bases solides pour un vrai dialogue social qui s'eloigne des debats theoriciens et politiciens.
M. Christian Bataille. Vous etes un anti-social !
M. le ministre du travail et des affaires sociales. C'est pourquoi le Gouvernement va confier, dans quelques jours, a quelques experts (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste), qui sont reconnus pour leur independance et leur tres bonne connaissance des problemes, le soin de poser les bases d'un vraie discussion.
L'un de leaders syndicaux de ce pays ecrivait encore dans un journal au debut de la semaine: «Attention aux faux problemes, il ne s'agit pas de s'egarer.» Lorsqu'il y a de vrais problemes, lorsque certaines complexites entravent l'embauche ou l'emploi, notre devoir est aussi de les regarder en face et tous ensemble.
M. Francois Rochebloine. Tres bien !
M. le ministre du travail et des affaires sociales. Meme si cela vous deplait, nous donnerons a ce grand debat les bases solides, objectives dont il a besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique. - Exclamations sur les bancs du groupe communiste.)
M. Christian Bataille. Monsieur Barrot, vous etes vraiment a plaindre !
Auteur : M. Pierna Louis
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : travail et affaires sociales
Ministère répondant : travail et affaires sociales
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 janvier 1997