UEM
Question de :
M. Sarre Georges
- RL
Question posée en séance, et publiée le 30 janvier 1997
M. le president. La parole est a M. Georges Sarre.
M. Georges Sarre. Monsieur le Premier ministre, la monnaie unique apparait a tous ceux qui y ont reflechi comme un engrenage dont les consequences n'ont pas ete clairement mesurees. Il ne s'agit pas seulement de changer nos billets de banque; ce serait aussi entrer dans une spirale economique et politique ou disparaitrait, avec le franc, la liberte de la France. Apres la souverainete monetaire, c'est la souverainete budgetaire qui disparaitrait avec le pacte conclu a Dublin sans notre accord, et demain, la souverainete fiscale. Au lieu d'une monnaie unique pour les quinze Etats de l'Union, ce serait une fusion franc-mark, avec le Benelux pour temoin.
Les Francais, d'une courte majorite, avaient ratifie le traite de Maastricht. Aujourd'hui, nous sommes tres loin de ce traite. Le mecanisme est en route. La question qui se pose maintenant est celle de l'independance de la France ou de l'absorption dans un conglomerat.
Apres la suppression de la conscription, l'accord conclu a Nuremberg tend a placer notre politique de defense sous le regime du veto allemand a mettre nos forces a disposition de l'OTAN. Il n'y aurait plus de defense independante.
M. Pierre Lellouche. N'importe quoi !
M. Georges Sarre. Quand nous aurons abandonne le franc, quand le budget de l'Etat sera sous tutelle de la Commission europeenne, quand la politique etrangere sera soumise a l'accord conjoint des Etats-Unis et de l'Allemagne, quand nous n'aurons plus d'armee independante, que restera-t-il de la France ?
M. Pierre Lellouche. Trop, c'est trop !
M. Georges Sarre. Monsieur le Premier ministre, avant de faire ce saut dans le vide, les citoyens et leur parlement doivent etre consultes. Ce droit, les Allemands, les Suedois l'ont obtenu. Ce droit souverain du Parlement francais, celui d'etre consulte avant tout passage a la monnaie unique, entendez-vous le garantir, le mettre en oeuvre sans delai ?
M. Maxime Gremetz. Tres bien !
M. Georges Sarre. Entendez-vous consulter le peuple francais par referendum avant de decreter, par accord secret soustrait au suffrage universel, la fin programmee de la Republique ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe Republique et Liberte et du groupe communiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'economie et des finances.
M. Jean Arthuis, ministre de l'economie et des finances. Monsieur Sarre, vous devriez vous souvenir que c'est en septembre 1992, lorsque vous etiez membre du gouvernement de Pierre Beregovoy, qu'eut lieu le referendum, et que le peuple francais s'est prononce sans ambiguite (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Republique et Liberte) pour la ratification de l'Union economique et monetaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. Pierre Mazeaud. Sans ambiguite, c'est beaucoup dire !
M. le ministre de l'economie et des finances. Mais je n'ai pas souvenir qu'a l'epoque, vous ayez manifeste des etats d'ame particuliers en tant que membre du gouvernement.
La question, aujourd'hui, n'est pas de savoir si l'on doit passer ou non a la monnaie unique, mais de savoir comment nous nous preparons a ce passage.
Les gens qui ont reflechi, comme vous dites, pensent que la monnaie unique peut etre demain l'instrument de la croissance et de l'emploi.
M. Maxime Gremetz. Il n'y a que vous qui le croyez !
M. le ministre de l'economie et des finances. Pour ce qui est de la souverainete, il s'agit en effet de transmettre un pouvoir qui, aujourd'hui, releve d'une autorite independante de droit francais, a une institution independante europeenne.
M. Maxime Gremetz. Organisez un referendum !
M. le ministre de l'economie et des finances. Mais cette souverainete monetaire, pensez-vous que la France seule puisse l'assumer reellement ? Si nous voulons detenir une souverainete monetaire au XXIe siecle, nous devons la partager avec les autres membres de l'union economique et monetaire.
M. Jean-Claude Lefort. Si vous etes si surs de vous, provoquez un referendum !
M. le president. Monsieur Lefort, laissez parler le ministre !
M. le ministre de l'economie et des finances. Enfin, en matiere budgetaire et en matiere fiscale, la France comme l'ensemble des membres de l'Union europeenne preserveront leur souverainete.
Sur le plan budgetaire, le pacte de stabilite et de croissance que nous avons accepte repond a une exigence de bonne gestion dans l'interet de la croissance et de l'emploi. Vous devriez abandonner votre vision nostalgique du deficit public, mais j'ai bien l'impression que vous ne voulez pas le comprendre !
Sur le plan fiscal, il n'est pas question non plus d'abandonner notre souverainete. Lors de la reunion, avant-hier a Bruxelles, du conseil economique et financier, nous avons reaffirme notre volonte de lutter contre la «flibuste fiscale», pour qu'il n'y ait pas de concurrence malsaine, deloyale, entre les Etats membres de l'Union monetaire.
M. Maxime Gremetz. Des mots !
M. le ministre de l'economie et des finances. Nous entendons garder notre souverainete tout en cherchant une plus grande harmonie entre les dispositions fiscales en vigueur dans chacun des Etats membres.
Oui, monsieur le depute, ceux qui ont reflechi considerent que l'euro, c'est la croissance et c'est l'emploi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Auteur : M. Sarre Georges
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politiques communautaires
Ministère interrogé : économie et finances
Ministère répondant : économie et finances
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 janvier 1997