Immigration
Question de :
M. de Robien Gilles
- UDF
Question posée en séance, et publiée le 19 février 1997
M. le president. La parole est a M. Gilles de Robien.
M. Gilles de Robien. Monsieur le Premier ministre, mardi prochain, notre assemblee examinera en deuxieme lecture le projet de loi concernant l'immigration. Nous pensons que, dans sa version amendee par le Senat, il constitue desormais un bon texte d'equilibre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
M. Jean-Pierre Brard. Liberticide !
M. Gilles de Robien. Il comble des lacunes de droit revelees lors de l'affaire de l'eglise Saint-Bernard. Il permet aussi de lutter, avec plus d'efficacite, contre l'immigration clandestine. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Si l'article 1er de ce texte, qui traite des certificats d'hebergement, pose question, avec le groupe RPR, le groupe UDF souhaite d'abord condamner avec fermete les appels a la desobeissance civile. (Vifs applaudissement sur de tres nombreux bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.) En effet, meme anime par les meilleures intentions du monde, l'appel a l'incivisme non seulement n'est pas acceptable dans un Etat de droit, mais, de plus, il constitue un encouragement a toutes les derives extremistes.
M. Andre Fanton. Exact !
M. Gilles de Robien. Sur le fond, le groupe UDF, auquel s'associe le groupe RPR, souhaite, afin que puisse reussir la politique d'integration, rester ferme sur l'objectif de lutte contre l'immigration clandestine. (Applaudissement sur de tres nombreux bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Nous souhaitons donc ameliorer le texte et son efficacite au cours de son examen par l'Assemblee. Ainsi, pour verifier la sortie des visiteurs provisoires, nous suggerons que soit instaure un dispositif permettant de controler l'entree et la sortie du territoire national par une declaration officielle du visiteur et de lui seul. («Non !» sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, etes-vous favorable a cette proposition qui renforce notre politique de lutte contre l'immigration clandestine et qui preserve, sans l'ombre d'un doute, la plenitude de nos libertes politiques ? (Applaudissements sur de tres nombreux bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
M. le president. La parole est a M. le Premier ministre.
M. Alain Juppe, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le president, de me permettre de repondre un peu plus longuement que d'habitude a une question importante. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Henri Emmanuelli. La presse l'a deja annonce !
M. le Premier ministre. Cette question merite, mesdames, messieurs les deputes, un peu de reflexion et un peu de serenite.
M. Pierre Mazeaud. Tres bien !
M. le Premier ministre. Je commencerai par rappeler les principes sur lesquels repose notre politique de l'immigration.
D'abord, combattre l'immigration illegale parce que la France, comme l'a justement souligne l'un de mes predecesseurs, ne peut accueillir toute la misere du monde.
M. Robert Pandraud. Tres bien !
M. le Premier ministre. Ensuite, favoriser l'integration des etrangers en situation reguliere qui respectent nos lois,...
M. Robert Pandraud. Tres bien !
M. le Premier ministre. ... qui veulent partager nos valeurs, notamment la laicite de la Republique. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
En troisieme lieu, aider au developpement des pays d'emigration pour qu'ils puissent garder au pays leur principale richesse, c'est-a-dire leurs hommes et leurs femmes. De ce point de vue, vous le savez, la France est exemplaire sur la scene internationale. (Applaudissements sur les memes bancs.)
M. Michel Fromet. C'est faux !
M. le Premier ministre. Aujourd'hui, ce qui est en debat est la lutte contre l'immigration illegale, qui conditionne tout le reste.
Nous savons, les uns et les autres, que les filieres de fraude sont nombreuses.
M. Henri Emmanuelli. Le Front national !
M. le Premier ministre. L'une des plus massives est l'utilisation du visa de court sejour pour entrer en France et, souvent, pour n'en point repartir. C'est la raison pour laquelle, en 1982, le ministre de l'interieur de l'epoque, M. Defferre, et le ministre de la justice de l'epoque, M. Badinter, ont institue...
M. Pierre Mazeaud. Avec raison !
M. le Premier ministre. ... a juste titre le certificat d'hebergement. («Tres bien !» sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Protestations sur les bancs du groupe socialite.)
M. Didier Boulaud. C'etait pour permettre d'accueillir les etrangers !
M. Pierre Mazeaud. Vous devriez applaudir !
M. le Premier ministre. C'etait une bonne mesure (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre) et cela le demeure pour deux raisons: elle donne une garantie a l'etranger qui a peu de ressources d'etre provisoirement heberge en France;...
M. Pierre Mazeaud. Tres bien !
M. le Premier ministre. ... elle permet aux pouvoirs publics de mieux controler les flux migratoires.
M. Pierre Mazeaud. Tres bien !
M. le Premier ministre. Malheureusement, comme nous le savons tous, ce dispositif donne lieu a de nombreuses fraudes. D'abord a l'entree, car il existe des professionnels des certificats d'hebergement.
M. Henri Emmanuelli. Des employeurs ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
M. le president. Je vous en prie !
M. le Premier ministre. Ainsi, les adresses fantaisistes sont souvent legion. Il faut donc accentuer les controles. C'est ce que votre assemblee a fait recemment en votant un texte excellent pour reprimer le travail clandestin. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre), ce qui n'avait pas ete fait precedemment.
C'est ce que demandent aussi, et beaucoup sont presents sur ces bancs, les maires de France qui ont souhaite un accroissement de leurs moyens pour effectuer des controles. Si, comme semblent le montrer les dernieres declarations de l'Association des maires de France, ils considerent que la tache risque d'etre trop lourde, l'Etat pourrait, le cas echeant, prendre le relais. A votre assemblee d'en decider la semaine prochaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Il y a aussi des fraudes a la sortie. En effet, les titulaires d'un certificat d'hebergement ne repartent pas toujours a l'expiration du visa de trois mois. Ils entrent alors dans l'illegalite, devenant des sans-papiers, avec tous les drames que cette situation provoque trop souvent.
C'est pour arreter ces filieres de fraudes, d'exploitation de la misere humaine que le Gouvernement vous a propose un dispositif de controle qui a fait l'objet de longs debats en premiere lecture a l'Assemblee nationale et au Senat. Si l'Assemblee nationale trouve une meilleure formule, le Gouvernement est ouvert a la discussion des lors que l'objectif est maintenu, c'est-a-dire un controle efficace a l'entree comme a la sortie. (Vifs applaudisssements sur de tres nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Je sais que le president de votre commission des lois et d'autres parlementaires y ont reflechi. Je connais leur rigueur et leur sagesse et je leur fais confiance.
Pour terminer, je formulerai deux reflexions.
La premiere pour souligner que la distinction entre l'immigration reguliere et l'immigration illegale est le meilleur rempart contre le racisme et la xenophobie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.) Certains, aux extremes, ne font pas cette difference; pour eux, tout etranger est indesirable. Nous sommes nombreux, c'est notre honneur, a combattre avec ardeur cette ideologie. (Applaudissements sur de tres nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Pas tous !
Plusieurs deputes du groupe socialiste. De Charette !
M. le Premier ministre. Mais je mets en garde ceux qui, avec des motivations inverses et, souvent, avec des intentions genereuses, melangent, eux aussi, de fait, l'immigration reguliere, qui a toute sa place en France, et l'immigration illegale qui n'y a pas sa place. En pronant le refus d'appliquer les lois qui repriment cette derniere ne font-ils pas, contre leur gre, le jeu de ceux qu'ils veulent combattre ? Je leur demande d'y reflechir et de ne pas se tromper d'objectif. (Applaudissements sur de tres nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
J'en viens ainsi a la desobeissance civile qui est un acte d'une grande gravite. Elle est meme un acte grave contre l'integration. En effet, comment pourrons-nous expliquer, dans les quartiers difficiles notamment, qu'il faut respecter la loi...
M. Pierre Mazeaud. Voila !
M. le Premier ministre. ... alors que des personnalites connues, qui sont parfois choisies pour modeles, appellent a la transgresser ? (Applaudissements et huees sur de tres nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
C'est aussi un acte grave contre la democratie, car c'est au Parlement que se font les lois parce que vous etes investis de la legitimite que vous a donnee le peuple. (Applaudissements sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
En outre, le Conseil constitutionnel s'assure de la conformite des lois votees avec notre constitution et avec les principes fondateurs de la Republique, c'est-a-dire les droits de l'homme et du citoyen. La France est un Etat de droit. Qui peut le contester aujourd'hui ?
Je n'evoquerai pas ici certains paralleles historiques que l'on entend developper depuis quelques jours...
M. Henri Emmanuelli. La delation !
M. le Premier ministre. ... et qui sont une insulte a la fois aux victimes du passe et aux citoyens d'aujourd'hui ! (Applaudissements sur de tres nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
L'appel a la desobeissance civile me trouble et m'inquiete.
M. Henri Emmanuelli. Moi, c'est la delation ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. Je vous en prie !
M. le Premier ministre. Je souhaite que chacune et chacun d'entre vous, sur quelque banc qu'il siege, et sans faire la distinction fallacieuse entre sa responsabilite d'elu et son comportement de citoyen,...
Plusieurs deputes du groupe socialiste. Tiberi !
M. le Premier ministre. ... contribue a arreter cette derive qui pourrait miner la democratie et briser le pacte republicain. Dans la confusion qui s'installe aujourd'hui, c'est aux institutions de la Republique,...
M. Didier Boulaud. Pas de morale ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le Premier ministre. ... notamment au Parlement et au Gouvernement, de se montrer exemplaires et d'inviter les Francais a rester fideles aux valeurs de la Republique ! (De tres nombreux deputes du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre se levent et applaudissent longuement. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. de Robien Gilles
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Etrangers
Ministère interrogé : Service du Premier Ministre
Ministère répondant : Service du Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 février 1997