Question au Gouvernement n° 2230 :
Conditions d'entree et de sejour

10e Législature

Question de : M. Fabius Laurent
- SOC

Question posée en séance, et publiée le 19 février 1997

M. le president. La parole est a M. Laurent Fabius.
M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, dans le debat sur ce qu'il est convenu d'appeler la loi Debre, je crains que vous n'ayez commis trois erreurs serieuses. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. Je vous en prie !
M. Laurent Fabius. La premiere concerne l'origine du malaise de notre pays. («C'est vous !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.) Ce malaise existe, il est profond. Il est du essentiellement au chomage massif, a la precarite, a une politique economique et sociale jusqu'ici inefficace sur la vie concrete de nos concitoyens et a une absence d'esperance.
M. Jean-Claude Bahu. Merci a la gauche !
M. Laurent Fabius. La sont les origines reelles du malaise francais et non dans une immigration qui sert de bouc emissaire aux sergents recruteurs de l'extreme droite (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre) a laquelle votre projet de loi, tel que vote par la droite en premiere lecture, fait malheureusement souvent echo. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. Silence !
M. Laurent Fabius. La deuxieme erreur reside precisement dans l'approche de l'immigration contenue dans l'actuelle version du texte.
M. Richard Cazenave. Approche responsable !
M. Pierre Mazeaud. Vous etiez absent en premiere lecture !
M. Laurent Fabius. En realite, l'immigration reguliere doit etre reconnue et traitee comme telle. Elle est et elle restera necessaire.
M. Richard Cazenave. Il refait l'histoire maintenant !
M. Laurent Fabius. L'immigration irreguliere, elle, doit etre combattue mais pas par la delation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. Gerard Leonard. Vous n'avez rien fait !
M. Laurent Fabius. Or, c'est bien d'une loi de delation qu'il s'agit avec l'article 1er. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. Richard Cazenave. Demago !
M. Laurent Fabius. A cet egard, il n'est pas honnete de mettre sur le meme plan le decret de 1982 concernant les certificats d'hebergement, decret organisant une procedure d'accueil conforme a l'avis du Conseil d'Etat, et votre projet de loi, desavoue par le Conseil d'Etat, contraire aux traditions de la Republique, transformant les citoyens en auxiliaires de police et impliquant un veritable fichage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
La troisieme erreur a ete votre reaction par rapport a l'opinion de nombreux citoyens.
Votre projet de loi a souleve l'indignation de beaucoup mais, jusqu'ici, vous avez refuse de les entendre, vous contentant de les traiter - comme si c'etait une injure ! - d'intellectuels et de petitionnaires. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. Je vous en prie, M. Fabius a la parole, et lui seul ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Poursuivez, monsieur Fabius.
M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, vous allez entamer votre troisieme annee a la tete du Gouvernement. Peu de temps avant que vous n'accediez a Matignon, vous aviez soutenu la tentative d'aggravation de la loi Falloux. Un million de personnes etaient descendues dans la rue. Devant la menace d'une fracture educative, vous aviez du renoncer. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. S'il vous plait !
M. Laurent Fabius. L'an dernier, vous aviez voulu mettre en cause a la fois les transports publics et les retraites. Davantage encore de personnes etaient descendues dans la rue. Devant la menace d'une fracture sociale aggravee, vous aviez du encore une fois renoncer. (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. Gilbert Meyer. La question !
M. le president. Un peu de calme !
M. Laurent Fabius. Aujourd'hui, votre projet de loi menace le pays d'une fracture de nature morale. Tout gouvernement doit savoir ecouter. Je vous demande - ce qui vous est difficile - de savoir le faire et donc de renoncer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste. - Huees sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'interieur.
Mme Veronique Neiertz. Delateur !
M. Jean-Louis Debre, ministre de l'interieur. Monsieur Fabius, j'ai ete heureux d'entendre votre opinion sur ce projet de loi car, pendant le debat en premiere lecture,...
M. Alain Marsaud. Il n'etait pas la !
M. le ministre de l'interieur. ... comme la presse l'a remarque, le groupe socialiste, a part quelques-uns...
M. Alain Griotteray. Seul Dray etait la !
M. le ministre de l'interieur. ... avait totalement deserte cet hemicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. Paul Quiles. N'importe quoi !
M. Jean-Yves Le Deaut. Ce n'est pas vrai !
M. le ministre de l'interieur. Vous me rassurez: vous donnez l'impression de vous interesser a ce projet de loi. Mais pourquoi tout a coup ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le president. Je vous en prie, mes chers collegues !
M. le ministre de l'interieur. Si vous aviez ete la pendant le debat, je vous aurais dit que, sur les quatre-vingts millions d'etrangers qui viennent en France chaque annee, un million et demi demandent un visa de courte duree et 150 000 demandent un certificat d'hebergement.
Ces chiffres, monsieur Fabius, si vous aviez ete la (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) vous auraient permis de replacer ce debat dans son contexte. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. Jean-Louis Idiart. C'est honteux !
M. le ministre de l'interieur. Si nous voulons faire reculer le racisme et la xenophobie en France, si nous voulons integrer les etrangers en situation reguliere, il convient de ne pas lutter contre l'immigration irreguliere seulement par des discours ou des incantations.
D'ailleurs, vous avez choisi votre politique: quand vous etiez au pouvoir, vous avez regularise des personnes qui etaient en situation illegale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Vous n'avez pas change. Ce gouvernement, lui, a decide, pour mieux integrer les etrangers en situation reguliere, de lutter avec efficacite contre l'immigration irreguliere, que cela vous plaise ou non, car c'est la volonte des Francais ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)

Données clés

Auteur : M. Fabius Laurent

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Etrangers

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 février 1997

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