Guyane : environnement
Question de :
Mme Taubira-Delannon Christiane
- RL
Question posée en séance, et publiée le 20 février 1997
M. le president. La parole est a Mme Christiane Taubira-Delannon.
Mme Christiane Taubira-Delannon. Madame le ministre de l'environnement, l'examen par l'Assemblee de votre projet de loi sur l'environnement est imminent et, dans quelques jours, le Senat se penchera sur le projet de loi miniere pour la Guyane. Vous avez ete attentive aux observations concernant la creation d'un parc dans le sud de la Guyane; vous avez decide d'engager une reflexion afin d'aboutir a une nouvelle conception, plus consensuelle, de ce parc, et nous apprecions cette decision.
Pouvez-vous, cependant, reaffirmer la finalite de ce parc, dont la creation a ete annoncee a Rio, lors du sommet de la Terre, en juin 1992 ? Ensuite, pouvez-vous preciser si son trace sera reconsidere ? Enfin, pouvez-vous nous dire si les modes de vie des populations seront respectes ?
Je voudrais par ailleurs attirer votre attention sur les modalites actuelles de l'occupation du territoire; quelques reperes historiques permettront de mieux comprendre.
En 1825, des ordonnances royales, qui n'ont pas ete mises en cause, attribuent au domaine prive de l'Etat 90 % du territoire.
En 1848, l'abolition de l'esclavage conduit les affranchis a se deplacer vers l'interieur du territoire pour y pratiquer l'agriculture traditionnelle.
En 1857, la decouverte de l'or donne lieu a un nouvel afflux vers l'interieur. Mais, en 1930, la loi sur l'Inini conduit a nouveau 90 % de la population a resider sur le littoral.
En 1969, cette loi est abrogee, mais elle est rapidement remplacee, en 1970, par un arrete prefectoral, d'ailleurs anticonstitutionnel, qui limite la circulation vers l'interieur dans un seul sens, mais sans parvenir a empecher la penetration de l'alcool, non plus que celle de l'economie marchande, qui vont destructurer ces communautes de l'interieur.
En 1987 et 1992, des decrets fonciers etablissent des conditions inegales d'acces a la terre.
Cet arsenal juridique, qui fige les differences entre les groupes humains - differences qui n'enrichissent pas mais qui creent la mefiance et la rancoeur parce qu'elles sont fondees sur les inegalites et l'injustice -, est conforte par l'existence de communes ethniques et de lotissements ethniques aussi bien dans les bidonvilles que dans les programmes publics de resorption de l'habitat insalubre, ainsi que par l'existence d'associations a caractere ethnique.
Madame le ministre, notre histoire est faite de rencontres, d'echanges et de syncretisme.
Je pourrais raconter tres longuement...
M. le president. Il faudrait poser votre question, madame !
Mme Christiane Taubira-Delannon... les episodes glorieux de la lutte commune conduite par les Amerindiens, les Bonis et les Creoles.
Avez-vous l'intention de resister a la tyrannie ethnologique, qui a besoin de chasses gardees pour faire des etudes savantes servant des pouvoirs qui se nourrissent de la division entre les hommes ? (Exclamations sur certains bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Enfin, entendez-vous exiger tres fermement la rehabilitation des sites deteriores par certaines activites industrielles, notamment l'activite miniere ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Republique et Liberte, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre delegue a l'outre-mer.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre delegue a l'outre-mer. Madame le depute, nous avons le meme objectif: la creation de ce parc ne doit pas etre un motif de division, mais un motif de rapprochement entre les populations.
La creation du parc a ete decidee lors des travaux qui ont precede la conference de Rio, en 1992. Une mission a ensuite ete installee, dans les annees 1993-1994, et il y a aujourd'hui un comite de pilotage comprenant un college d'elus, dont vous faites partie; nous sommes dans la phase prealable.
A la suite du deplacement du Premier ministre en Guyane, j'ai demande au prefet, apres avoir rencontre les populations amerindiennes, que celles-ci aient egalement des representants au comite de pilotage et soient consultees. C'est ce comite qui degagera un consensus a partir duquel nous pourrons enclencher la phase officielle.
La finalite est, bien entendu, de preserver l'environnement, car il ne faut pas oublier que les orpailleurs clandestins detruisent la foret tropicale.
Il faut aussi apporter une reponse aux problemes de circulation.
Le troisieme objectif est l'amenagement du territoire.
Il faut donc degager un consensus quant au pilotage. Je fais entiere confiance au prefet qui vient d'arriver en Guyane pour mener a bien cette difficile concertation, a laquelle vous apportez votre contribution, qui est essentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Auteur : Mme Taubira-Delannon Christiane
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Dom
Ministère interrogé : outre-mer
Ministère répondant : outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 février 1997