Peines
Question de :
M. Pont Jean-Pierre
- UDF
Question posée en séance, et publiée le 26 février 1997
M. le president. La parole est a M. Jean-Pierre Pont.
M. Jean-Pierre Pont. Monsieur le garde des sceaux, vous avez deja ete interroge sur le sujet que je vais evoquer, mais quand je rentrerai dans ma circonscription, j'aurai moi-meme a repondre a de tres nombreuses questions de mes concitoyens.
Ma region de Boulogne-sur-Mer vient de connaitre l'horrible drame de l'assassinat de quatre jeunes filles. Je veux tout d'abord rendre hommage a la dignite exemplaire de leurs parents dans la douleur. Vous imaginez facilement les cris de colere que j'ai entendus a l'adresse des assassins, samedi, lors de la marche a la memoire de ces quatre adolescentes.
Sans vouloir remettre en cause l'abolition de la peine de mort - un certain nombre de petitions circulent actuellement a ce sujet - observe que les peines prononcees n'ont manifestement pas, en l'occurrence, ete suffisantes pour empecher la recidive des assassins presumes: l'un avait ete condamne a quinze ans pour assassinat et viol, l'autre, son frere, a dix ans pour viol. Sans compter la clemence de la justice dans leur application. Comment admettre que ces criminels aient ete liberes avant la fin de leur peine, dont ils n'ont accompli qu'un peu plus de la moitie ? Il y a la quelque chose de profondement choquant et injuste pour l'opinion publique.
La memoire de Peggy, Isabelle, Audrey et Amelie oblige, monsieur le garde des sceaux, a repondre pour le present et pour l'avenir.
Pour le present, nous avons besoin d'etre assures, tout comme les familles des victimes, que les textes en vigueur sont suffisants pour que jamais plus ces assassins recidivistes ne puissent se retrouver en liberte et donc en etat de commettre de nouveaux crimes.
Pour l'avenir, un suivi medical et un controle de ces deux criminels, remis prematurement en liberte de maniere irresponsable, auraient peut-etre evite le quadruple assassinat que nous deplorons. Tel est, je crois, l'objet du projet de loi que vous preparez en vue d'instituer des mesures de controle, de suivi medico-social et de traitement post-carceral pour certaines categories de criminels sexuels. Pouvez-vous d'ores et deja nous en preciser les principales dispositions ?
Les evenements demontrent qu'il y a urgence, car les Francais, et aujourd'hui tout particulierement les Boulonnais, s'insurgent de plus en plus contre les errements et le laxisme d'une justice qui semble menager les criminels au detriment des victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
M. le president. La parole est a M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Pont, vous etes le depute du pays ou a eu lieu cet effroyable massacre. Nous avons tous, et nous leur rendons hommage, admire la dignite des parents, des familles et aussi des elus des communes concernees et de leur depute.
Apres avoir dit le fond du droit a M. Marsaud, je repondrai precisement a la question que vous me posez: comment assurer l'exemplarite de la peine et empecher la recidive ? Car c'est bien de cela qu'il est question: punir les assassins et, en meme temps, proteger la societe.
La loi votee par le Parlement en 1994 sur la proposition de Pierre Mehaignerie a, pour la premiere fois, pris en compte la specificite de ces crimes. Mais, aujourd'hui, nous devons, tous ensemble, aller plus loin en instituant une obligation de soins et de suivi social apres la sortie de prison.
M. Raoul Beteille. Pas de sortie de prison !
M. le garde des sceaux. Je le dis avec ma conscience non de ministre, mais tout simplement d'homme, il ne faut pas penser que nous pourrons proteger la societe par l'elimination. Nous eliminerions quelques-uns de ces criminels, mais ce n'est pas ainsi que nous ferions face a nos responsabilites a l'egard de la societe. Celles-ci consistent a mettre en place un dispositif obligatoire de prise en charge sociale et medicale de ceux qui peuvent constituer, demain, un danger pour la societe, et en particulier pour nos enfants.
Le dispositif que vous proposera le Gouvernement est extremement simple: un medecin mandate par le juge d'application des peines choisira, avec la personne condamnee, au moment de sa liberation, un medecin traitant. La personne condamnee aura une obligation de soins. Si elle ne la respecte pas, elle retournera en prison.
Certains estiment - c'est une question souvent posee - qu'il faut commencer le traitement obligatoire avant la fin de la peine, avant la liberation. Je vous confirme, l'ayant deja indique a M. Marsaud, que j'etudie une formule qui le permettrait. Je la proposerai probablement au Parlement lorsque nous discuterons de ce texte, dans quelques semaines.
Devant un tel drame, nous avons a exprimer les sentiments humains qui sont les notres, en tant qu'individus et au nom de la collectivite, comme vous l'avez tres bien fait, monsieur le depute, mais nous avons aussi a exercer notre responsabilite a l'egard de la societe. Cela n'est pas facile, notamment a travers la loi. Mais vous savez fort bien que seule la loi peut nous permettre, dans le respect de nos principes fondamentaux, de repondre a cette situation et a ces crimes. C'est ce que le Gouvernement proposera, et je pense que le Parlement se fera honneur d'y repondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Auteur : M. Pont Jean-Pierre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Delinquance et criminalite
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 février 1997