Renault
Question de :
M. Jacob Yvon
- RPR
Question posée en séance, et publiée le 5 mars 1997
M. le president. La parole est a M. Yvon Jacob.
M. Yvon Jacob. Monsieur le president, ma question s'adresse a M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications.
Monsieur le ministre, hier, nous avons eu l'annonce brutale de la fermeture par Renault de son usine de Vilvorde en Belgique. Aujourd'hui, c'est la suppression de 2 700 emplois qui est annoncee dans les etablissements francais de la meme societe.
Ces mesures ont surpris, voire traumatise, une opinion publique, qui croyait a bon droit que la large restructuration de notre industrie automobile etait terminee avec la suppression de 130 000 emplois dans ce secteur depuis 1980.
Malgre cette restructuration, M. Schweitzer, president de Renault, va rendre public, le 20 mars prochain, le resultat de son groupe pour 1996, qui fait apparaitre une perte de l'ordre de 5 milliards de francs.
En 1996, Renault a totalise, 113 jours de chomage partiel et a perdu des parts de marche, tant en France qu'en Europe et dans le monde.
La situation de ce groupe et de l'ensemble du secteur automobile, qui comprend des milliers d'entreprises cotraitantes, est inquietante.
Aussi vous poserai-je deux questions.
Premierement, qu'est-ce qui explique cette deterioration du secteur de l'automobile ? Et en quoi celles-ci justifie-t-elle la decision brutale prise par Renault en particulier vis-a-vis de son usine belge ?
Deuxiemement, ou en est la reflexion du Gouvernement sur l'avenir de l'industrie automobile dans notre pays, alors que, dans trois ans, le marche europeen sera ouvert sans restriction aux productions etrangeres, notamment japonaises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Monsieur le depute, toute restructuration industrielle a, malheureusement, des consequences sociales difficiles a accepter et a supporter.
Une restructuration entraine des problemes economiques, des problemes sociaux et des problemes d'amenagement du territoire.
Concernant Renault, vous m'avez interroge sur l'aspect economique.
Je repondrai clairement.
En 1995, la branche automobile de Renault a perdu 1,7 milliard de francs. En 1996, le marche de l'automobile a connu une tres forte croissance a l'interieur de notre pays: plus de 10 %.
Malgre cette situation favorable, Renault a perdu 2,6 points de parts de marche sur le marche francais. Et, d'apres ce que je lis dans les journaux, la perte d'exploitation de la branche automobile sera de l'ordre de 3 milliards de francs. L'annee 1997 va etre defavorable pour l'automobile, puisqu'on s'attend a une baisse de 10, voire 12 %, des ventes sur le marche francais. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. Pourquoi ?
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. A la fin du mois de fevrier, les ventes sont en baisse de 21 % par rapport au mois de fevrier 1996.
M. Christian Bataille. C'est «votre» bilan !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. La concurrence sera d'autant plus forte que le marche sera plus restreint.
M. Jean-Pierre Balligand. Mais non ! C'est la fin de la «juppette».
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. La concurrence s'exercera quasi exclusivement sur le niveau des prix.
Par consequent, les entreprises doivent etre suffisamment competitives pour faire face a la concurrence.
Si l'entreprise ne prend pas des mesures pour abaisser ses prix de revient, et donc pour engager les restructurations necessaires, alors ni en 1997, ni en 1998, elle ne sera en etat de retrouver l'equilibre. Et quand, au 1er janvier de l'an 2000, il faudra ouvrir le marche a la totalite de la concurrence mondiale, certes, en particulier aux pays asiatiques, il sera trop tard pour que cette entreprise puisse faire face a la nouvelle donne du marche europeen et francais.
M. Maxime Gremetz. C'est la pensee unique !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Aussi, aujourd'hui, il y a un objectif qui est economiquement incontournable pour Renault: la necessite d'abaisser ses prix de revient, de reduire ses couts, pour creer les conditions de la competitivite et pour sauvegarder l'avenir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Cela ne peut se faire qu'a partir d'une strategie industrielle, qu'il appartient a la direction de Renault de choisir et de mettre en oeuvre, dans le respect de la loi et, bien evidemment, dans le respect des interets sociaux et des interets du territoire ou sont installees les usines concernees.
M. Jean-Claude Lefort. C'est le CNPF qui parle !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Ce que je souhaite, c'est que le dialogue soit instaure au niveau social avec les salaries en cause,...
M. Christian Bataille. Les licenciements, c'est vous !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. ... que les contacts soient gardes avec les autorites publiques belges, mais que l'entreprise prenne conscience que, pour la concurrence de l'an 2000, c'est aujourd'hui que se joue le destin de cette grande entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Auteur : M. Jacob Yvon
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Automobiles et cycles
Ministère interrogé : industrie, poste et télécommunications
Ministère répondant : industrie, poste et télécommunications
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mars 1997