Emploi et activite
Question de :
Mme Bredin Frédérique
- SOC
Question posée en séance, et publiée le 5 mars 1997
M. le president. La parole est a Mme Frederique Bredin.
Mme Frederique Bredin. En premier lieu, nous tenons a exprimer notre solidarite aux salaries de Renault en face d'annonces brutales: 3 100 licenciements en Belgique, 3 000 emplois menaces en France.
Ma question, monsieur le Premier ministre, se compose de trois remarques.
L'Europe sociale est, une fois de plus, malmenee. Est-ce une Europe du capital, sans foi ni loi, ecrasant les hommes sur son passage, que vous voulez construire ?
M. Jean-Claude Lefort. Tout a fait !
Mme Frederique Bredin. Nous nous battons et nous nous battrons pour que l'Europe, ce soit aussi et avant tout une Europe sociale, capable de sauver ses usines et ses emplois par une veritable politique industrielle.
M. Jean-Luc Reitzer. Demagogie !
Mme Frederique Bredin. Ce qui se passe aujourd'hui met en evidence la politique de gribouille que vous menez depuis quatre ans en dopant artificiellement le marche automobile sans vous appuyer sur une veritable hausse du pouvoir d'achat. En fevrier 1997, alors que les primes a l'achat ont disparu, les ventes ont chute de plus de 20 % dans notre pays.
Au bout du compte, cette politique a simplement debouche sur un gaspillage de l'argent public, de plusieurs milliards de francs. (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Patrick Ollier. Ca vous va bien ! Provocatrice !
M. le president. Un peu de calme !
Mme Frederique Bredin. Plutot que cette politique de gribouille, plutot que de depenser des milliards en primes a la casse ou a l'achat, n'aurait-il pas mieux valu investir ces sommes dans un plan social digne de ce nom, dans un plan de departs en preretraite et d'aides a l'embauche de jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Luc Reitzer. M. Schweitzer est pourtant socialiste !
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Madame le depute, tout le monde defend l'Europe sociale («Non !» sur les bancs du groupe socialiste), mais une chose est certaine: vous ne l'avez pas faite !
M. Jean-Claude Lefort. Et vous ?
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Je crois qu'il y a une confusion dans votre esprit. Ce qu'on est en train de constater au niveau de l'Europe comme au niveau mondial, avec l'internationalisation des echanges, c'est la necessite pour les entreprises du secteur prive de faire face aux conditions de la concurrence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Henri Emmanuelli. Et les hommes ?
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Monsieur Emmanuelli, vous pouvez dire ce que vous voulez, les entreprises qui ne sont pas capables de faire face a la concurrence disparaitront au bout du compte.
Vous avez parle, Madame Bredin, de politique peu coherente.
Mme Frederique Bredin. De politique de gribouille !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Voici quelques chiffres afin de vous amener a reflechir sur un sujet qui n'est probablement pas votre specialite. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. On croirait entendre Giscard !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Depuis trois ans, la destruction d'emplois industriels dans notre pays a ete divisee par trois par rapport aux annees precedentes. Entre le troisieme trimestre de 1990 et le troisieme trimestre de 1993, les emplois industriels ont diminue de pres de 500 000, c'est-a-dire de 37 000 par trimestre («Hou», sur les bancs du groupe du Rassemblement pour le Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre), a une epoque ou vous exerciez les responsabilites.
Entre le quatrieme trimestre de 1993 et le troisieme trimestre de 1996, dernier trimestre dont les statistiques sont disponibles, la baisse globale a ete ramenee a 140 000 emplois, soit une perte de 11 500 par trimestre, trois fois moins que lorsque vous etiez au pouvoir et que vous meniez une politique de gribouille. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. Ca fait quatre ans que vous etes la !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Mieux vaut stabiliser la perte des emplois industriels que constater, comme aujourd'hui, qu'il y a encore des emplois detruits. En quatre ans, je le repete, nous avons divise par trois le nombre des emplois industriels qui disparaissaient, monsieur Bataille. Ca, c'est un resultat ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'etait une reforme necessaire pour apporter une reponse a la situation dramatique que vous aviez creee pour les entreprises, en particulier celles du secteur industriel.
M. Didier Boulaud. Quatre ans que vous etes la !
Vous faites par ailleurs une confusion, madame Bredin, quand vous faites allusion au programme des constructeurs automobiles concernant la mise a la retraite de 40 000 personnes et l'embauche de 14 000 jeunes. Ce programme n'a rien a voir avec les problemes de l'usine de Vilvorde car il visait a modifier la pyramide des ages des entreprises de l'automobile sur le territoire francais.
La raison pour laquelle le Gouvernement n'a pas repondu favorablement a cette demande est simple: premierement, il en aurait coute 40 milliards de francs a l'Etat; deuxiemement, il s'agissait d'un programme pluriannuel a six ans, c'est-a-dire bien au-dela de l'horizon industriel susceptible d'etre maitrise dans le secteur automobile...
M. le president. Monsieur le ministre, s'il vous plait...
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. ... troisiemement, c'etait une mesure trop derogatoire par rapport a la politique menee par le Gouvernement car la maitrise des departs conditionne l'equilibre, et donc le maintien, du systeme de retraite qui est au coeur de notre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Auteur : Mme Bredin Frédérique
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique industrielle
Ministère interrogé : industrie, poste et télécommunications
Ministère répondant : industrie, poste et télécommunications
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mars 1997