Question au Gouvernement n° 2284 :
Renault

10e Législature

Question de : M. Bocquet Alain
- COM

Question posée en séance, et publiée le 5 mars 1997

M. le president. La parole est a M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. J'adresse ma question a M. le Premier ministre, tant il est vrai que les reponses de M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunication aux questions concernant Renault ont ete deconcertantes.
Les 3 100 emplois supprimes a Vilvorde, l'annonce de 3 000 nouvelles suppressions dans differentes usines Renault en France meritent mieux que la defense et l'illustration des criteres financiers invoques par le ministre. Je n'ai pas entendu un seul mot sur les hommes, sur leurs familles, sur les regions entieres qui vivent dans la souffrance. C'est inacceptable car c'est bien de cela qu'il s'agit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialistes.)
Une chose au moins a le merite d'etre claire, monsieur le ministre de l'industrie: la decision du president de Renault a ete prise avec votre accord, pour ne pas dire avec votre complicite. Vous etes donc responsable ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
M. Didier Boulaud. Eh oui !
M. Alain Bocquet. Que valent vos propos sur l'Europe sociale, sur l'emploi des jeunes ? Quand il s'agit de supprimer des emplois, vous y allez au marteau-pilon mais quand il s'agit de creer quelques emplois pour les jeunes, vous operez avec parcimonie, maniant la pince a sucre. Telle est la realite ! Cela suffit !
M. Louis de Broissia. Demago !
M. Alain Bocquet. La question est posee de renationaliser Renault, de meme que le sont celles du pouvoir d'achat des salaries - comment acheter une voiture quand on n'a pas les moyens de vivre ? -, de la reduction du temps de travail et des conditions de travail des salaries de Renault. Et de tous ces salaries, nous sommes, bien sur, solidaires.
Monsieur le Premier ministre, ferez-vous en sorte, car il y a urgence, qu'il y ait ici meme un debat sur l'avenir de Renault et de l'industrie nationale automobile ? Accepterez-vous la proposition du groupe communiste de creer une commission d'enquete parlementaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le president. La parole est a M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Monsieur le depute, j'ai repondu tout a l'heure a une question sur la justification economique de ce qui se passe chez Renault. Je l'ai fait en donnant des elements qui sont incontournables pour tout le monde.
Nous vivons dans un espace economique qui est fait de concurrence... (Exclamations sur les bancs du groupe communiste.)
Essayons de nous expliquer calmement ! Ce sont des affaires graves et vous avez eu raison de dire, monsieur le depute, que, derriere les operations de restructuration industrielle, se posent des problemes humains.
M. Louis Pierna. Vous, vous ne l'avez pas dit !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Je vais en parler, et c'est pourquoi j'en appelle au calme.
Chacun doit connaitre la realite economique: le secteur automobile est probablement l'un des secteurs les plus concurrences dans le monde, et pas seulement dans l'espace europeen.
Sachez qu'en 1996 ce sont 12,7 millions de vehicules qui ont ete vendus dans l'espace europeen. Or la capacite de production de l'automobile est de 18 millions de vehicules.
A partir du 1er janvier de l'an 2000, la concurrence sera ouverte, en particulier a des producteurs d'Asie, qui viendront ajouter un element de concurrence qui risque d'etre decisif sur les conditions de la survie des entreprises.
M. Jean-Claude Lefort. On n'y peut rien !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. C'est le premier point et j'y reviens parce qu'il est important.
En defendant le droit pour Renault d'adapter ses conditions de production et ses prix de revient, c'est l'avenir de l'entreprise que l'on defend...
M. Maxime Gremetz. On defend surtout le droit de licencier !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Deuxieme point: les problemes de restructuration posent des problemes humains. Vous avez eu raison de rappeler, monsieur Bocquet, qu'au coeur des restructurations, c'est la situation des personnes qui est en cause...
M. Alain Bocquet. Ca oui !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications ... comme la situation du territoire sur lequel l'usine est installee.
Quand on prend une telle decision, il faut avoir a l'esprit ses consequences sociales, tant sur les familles que sur les emplois. C'est la raison pour laquelle j'ai dit tout a l'heure, contrairement a ce que vous avez soutenu, qu'il n'y a ni complicite ni couverture du ministre de l'industrie de la decision prise par la direction generale de Renault.
M. Jean-Claude Lefort. Vous l'avez defendue !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. La societe Renault est une entreprise privee, qui prend ses decisions au niveau de sa direction generale...
M. Jean-Claude Lefort. Vous n'etes pas oblige de la defendre !
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Ce que le ministre de l'industrie demande, a la sollicitation du Premier ministre, c'est que la direction de Renault renoue la discussion avec les pouvoirs publics, qu'elle s'entretienne avec les salaries pour mettre en place les moyens financiers necessaires a la reconversion industrielle et pour apporter des solutions en termes sociaux qui permettent de limiter les consequences des restructurations sur les personnes.
M. Maxime Gremetz. Et l'Etat actionnaire ?
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. Le dialogue doit etre engage et les moyens financiers doivent etre mobilises...
M. Christian Bataille. Que fait l'Etat actionnaire ?
M. le ministre de l'industrie, de la poste et des telecommunications. ... afin que le probleme humain soit pleinement pris en compte dans les decisions de nature industrielle. C'est une exigence economique et industrielle, mais c'est d'abord une exigence humaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Bocquet Alain

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Automobiles et cycles

Ministère interrogé : industrie, poste et télécommunications

Ministère répondant : industrie, poste et télécommunications

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mars 1997

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