Magistrats
Question de :
Mme Royal Ségolène
- SOC
Question posée en séance, et publiée le 6 mars 1997
M. le president. La parole est a Mme Segolene Royal.
Mme Segolene Royal. Ma question s'adresse a M. le Premier ministre. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.) Elle porte sur l'independance de la justice (Exclamations sur les memes bancs)...
M. Jean-Michel Ferrand. Entendre cela dans la bouche d'une socialiste, ca ne manque pas de sel !
M. le president. Je vous en prie.
Mme Segolene Royal. ... et sur les inquietudes que suscite a cet egard le rapport d'activite du Conseil superieur de la magistrature.
Est-il exact que, en rupture avec la pratique anterieure, un nombre significatif d'avis du Conseil superieur de la magistrature aient ete ignores par le pouvoir de nomination ?
M. Andre Fanton. Le garde des sceaux a deja repondu !
Mme Segolene Royal. Vous venez d'avancer le chiffre de 1,5 %.
M. Andre Fanton. C'est vrai !
Mme Segolene Royal. Sans doute est-ce pour minimiser les faits. La realite, c'est que, s'agissant des nominations de hauts magistrats, c'est-a-dire des nominations les plus sensibles, vous avez, sept fois sur quinze, bafoue l'avis negatif du Conseil. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. Jean-Michel Ferrand. Ce n'est pas assez !
M. le president. Un peu de calme !
Mme Segolene Royal. Compte tenu de ces faits incontestables, est-il exact que le pouvoir executif ait cherche par plusieurs moyens a obtenir la modification du rapport avant sa publication, ce qui serait fort inquietant pour le principe de l'indepencance de la justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. Andre Fanton. Ce qui est inquietant, c'est votre etat d'esprit !
M. le president. La parole est a M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame le depute, j'ai fourni tout a l'heure a Mme Alliot-Marie des indications extremement precises a ce sujet.
Plusieurs deputes du groupe socialiste. C'est faux !
M. le garde des sceaux. Sur pres de 700 nominations au parquet depuis l'election presidentielle,...
M. Jean-Yves Le Deaut. On parle des hauts magistrats !
M. le president. Laissez le ministre parler !
M. le garde des sceaux. ... dix-sept avis defavorables ont ete donnes et le Gouvernement est passe outre sept fois seulement !
M. Christian Bataille. Vous survolez votre sujet !
M. le garde des sceaux. Je ne peux pas inventer une nouvelle arithmetique: c'est a peine dans un peu plus de 1 % des cas que le Gouvernement a, comme la Constitution en prevoit la possibilite, passe outre a l'avis defavorable du CSM.
M. Daniel Vaillant. Vous avez le nez qui s'allonge ! (Sourires.)
M. le garde des sceaux. Cela etant, votre question me parait tres interessante, car elle me permet de vous presenter deux observations.
Premierement, avant que la majorite actuelle ne vote la reforme constitutionnelle de 1993, c'est-a-dire en particulier de 1981 a 1993, epoque au cours de laquelle vous et vos amis avez occupe le pouvoir,...
Mme Martine David. Et de 1986 a 1988 ?
M. le garde des sceaux. ... le Conseil superieur de la magistrature n'avait pas le droit de donner son avis sur les nominations du parquet ! («Tres juste !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est l'actuelle majorite qui a permis cette avancee democratique considerable !
M. Christian Bataille. Vous ne croyez pas a ce que vous dites !
M. le garde des sceaux. Deuxiemement, la reforme de la Constitution de 1993 est appliquee aujourd'hui par le President de la Republique, par le Gouvernement et le garde des sceaux en particulier...
M. Christian Bataille. Vous n'y croyez pas vous-meme !
M. le garde des sceaux. ... conformement a l'esprit meme dans lequel elle a ete elaboree. La Constitution prevoit un regime different pour les magistrats du siege et pour ceux du parquet. C'est pour cela que, dans sept cas exceptionnels,...
M. Christian Bataille. Sept cas sur quinze !
M. le president. Un peu de calme !
M. le garde des sceaux. ... pour des raisons purement techniques - et non, comme vous l'avez affirme, parce qu'il s'agissait de nominations a de hauts postes de la magistrature -,...
M. Michel Fromet. Une fois sur deux !
M. le garde des sceaux. ... le Gouvernement a applique les pouvoirs que lui donne la Constitution. En tant que depute, vous devriez vous feliciter du fait que la Constitution soit respectee ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : Mme Royal Ségolène
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Magistrature
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 mars 1997