Albanie
Question de :
M. Monnier Serge
- UDF
Question posée en séance, et publiée le 13 mars 1997
M. le president. La parole est a Serge Monnier.
M. Serge Monnier. Ma question s'adresse a M. le ministre delegue aux affaires europeennes.
L'Albanie, le pays des aigles, sortie il y a seulement quelques annees d'une dictature implacable, se trouve aujourd'hui dans une situation insurrectionnelle grave, au bord de la guerre civile et du bain de sang.
Les malversations financieres et les difficultes economiques ont entraine une contestation du pouvoir politique, laquelle a degenere en insurrection populaire armee, au point que le sud de l'Albanie est aujourd'hui un vaste depot d'armes sans gardien.
Devant cet embrasement, le President Berisha a fait quelques concessions. Il a promis l'amnistie generale pour tous les insurges qui auraient porte les armes, la constitution d'un gouvernement de cohesion nationale et la tenue d'elections legislatives au printemps prochain. Malgre cela, l'insurrection gagne aujourd'hui des villes proches de la capitale, Tirana.
Pour que l'Albanie ne sombre pas dans le chaos, il faut que la communaute internationale lui vienne en aide.
Malheureusement, faute de proposer un plan permettant une sortie de la crise par le haut, l'Europe s'est contentee de prodiguer quelques conseils au president Berisha et a son opposition.
L'Italie, en revanche, directement concernee pour des raisons geographiques evidentes, deploie une activite politique intense pour jouer un role de mediateur.
Mais la France ? Celle-ci compte parmi les pays les plus attaches a doter l'Europe d'une politique etrangere lisible et efficace. Dans cette region, situee sur le flanc de l'espace europeen, ou elle souhaite exercer une action efficace pour la securite, que va-t-elle faire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
M. le president. La parole est M. le ministre delegue aux affaires europeennes.
M. Michel Barnier, ministre delegue aux affaires europeennes. Monsieur Monnier, mesdames, messieurs les deputes, il est vrai que l'Italie a un role particulier a jouer - comme d'ailleurs la Grece - dans la crise qui se reroule en Albanie. Precisons qu'elle occupe une situation particuliere, a cinquante kilometres de ce pays.
Mais je veux dire ici, devant l'Assemblee nationale, que la France n'est pas et ne restera pas indifferente au sort de l'Albanie. Pourquoi ? Parce que c'est un pays qui compte beaucoup de francophones. Et parce que son peuple a ete enferme pendant quarante-cinq ans dans une chape de plomb stalinienne. («Eh oui !» sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.) C'est ce qui explique aujourd'hui que les gens ont faim. C'est ce qui explique la misere, le developpement des trafics et de la mafia. C'est ce qui explique la colere.
Ce peuple, mesdames, messieurs les deputes, a en effet besoin d'un soutien economique. Celui-ci a commence a lui etre apporte. Mais il a peut-etre davantage besoin, comme l'ecrit dans un tres bel article, ce soir meme, Ismail Kadare, d'une aide politique et morale.
La France a choisi d'apporter son appui et cette aide politique et morale au sein et avec l'Union europeenne.
Nous avons choisi ensemble de faire pression sur le pouvoir actuel de l'Albanie, celui du president Berisha, pour qu'il renoue le dialogue a l'interieur de son pays et pour qu'il organise au plus vite, de maniere claire et incontestable, des elections generales.
C'est ainsi, monsieur le depute, et pas autrement, que nous pourrons traiter une crise interieure qui concerne un Etat independant; c'est ainsi que nous pourrons eviter l'insurrection generale et l'embrasement autour de l'Albanie, dans une region qui n'a vraiment pas besoin de cela en ce moment.
Voila ce que fait la France au sein de l'Union europeenne !
Mais je termine cette breve reponse par une reflexion qui concerne l'avenir: cette crise prouve simplement que l'Union europeenne doit tres vite se doter des outils d'une vraie politique etrangere.
M. Edouard Landrain. Tres bien !
M. le ministre delegue aux affaires europeennes. C'est a ce prix que dans les prochaines annees, au debut du XXIe siecle, l'Union europeenne ne sera pas qu'un supermarche, mais une puissance politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Auteur : M. Monnier Serge
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique exterieure
Ministère interrogé : affaires européennes
Ministère répondant : affaires européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 mars 1997