Question au Gouvernement n° 2340 :
Enfance martyre

10e Législature

Question de : Mme Rousseau Monique
- RPR

Question posée en séance, et publiée le 19 mars 1997

M. le president. La parole est a Mme Monique Rousseau.
Mme Monique Rousseau. Ma question s'adresse a M. le Premier ministre. Ces dernieres semaines, de nombreuses affaires judiciaires nous ont malheureusement rappele que tous les enfants ne vivent pas dans un milieu protege et que certains d'entre eux sont en danger. L'operation d'envergure menee avec determination la semaine derniere par les services de police, qui a permis le demantelement d'un reseau de cassettes video pour pedophiles, nous en a donne une nouvelle preuve dans toute son horreur.
Ma collegue Odile Moirin a, a votre demande, monsieur le Premier ministre, effectue une enquete sur l'enfance maltraitee. Son excellent rapport a defini des pistes de reflexion. Il faut aujourd'hui mettre en place de veritables procedures d'alarme, simples et accessibles, pour permettre aux enfants maltraites de trouver une ecoute publique attentive et un reconfort.
Devant l'urgence de la situation, pouvez-vous nous indiquer ce que vous entendez entreprendre afin que l'enfance puisse garder son innocence et que l'avenir de nos enfants puisse etre aborde dans la serenite ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. La parole est a M. le Premier ministre.
M. Alain Juppe, Premier ministre. Madame le depute, il n'y a aucune conscience humaine que les violences commises contre nos enfants puissent laisser indifferente. Nous avons tous ete bouleverses, revoltes, par certains drames que l'actualite a mis au premier plan. C'est la raison pour laquelle, des la conference de Stockholm, qui s'est tenue au mois d'aout dernier, le gouvernement francais a voulu faire entendre sa voix, par la bouche de Xavier Emmanuelli, sur la scene internationale.
Au lendemain de cette conference, j'ai immediatement reuni a Paris les associations qui sont engagees dans la defense de nos enfants, et nous avons decide de travailler ensemble pour elaborer un projet de loi et un programme d'action.
Ce projet de loi a ete prepare par M. le garde des sceaux et adopte par le conseil des ministres; on en a deja beaucoup parle. Il vous sera propose d'instituer une peine de suivi medical et social des delinquants sexuels apres leur incarceration, mais ce texte contient d'autres dispositions dont on n'a pas suffisamment parle.
Il vise notamment a mieux proteger les mineurs contre le developpement de la pornographie; c'est ainsi que le delit de diffusion d'une image pornographique impliquant un mineur sera elargi.
Il vise egalement a mieux proteger les mineurs contre la diffusion de ces produits et contre les agressions sexuelles. L'installation ou l'exploitation d'un sex-shop a proximite des lieux frequentes par les enfants constituera un nouveau delit. La responsabilite des personnes morales ayant favorise certains delits sexuels pourra etre engagee. Les peines maximales pour atteintes sexuelles sur mineurs commises sans violence seront aggravees.
Enfin, le projet de loi permettra de lutter plus efficacement contre cette veritable malediction des temps modernes que constitue le tourisme sexuel.
Quant au programme d'action elabore par Xavier Emmanuelli, il se developpera dans plusieurs directions.
D'abord, en vue d'ameliorer l'aide aux victimes, un nouveau numero vert, «Enfance maltraitee», plus simple que le precedent - il tiendra en trois chiffres, 119 -, a ete mis en place, et des moyens nouveaux ont ete degages pour qu'on reponde au bout du fil lorsqu'un enfant fait deja ce geste qui lui coute tant de decrocher le telephone pour parler de ce qui lui arrive.
Nous prevoyons aussi de simplifier et d'accelerer l'audition des mineurs devant les juges en cas de confrontation. A l'heure actuelle, trop souvent, ces confrontations se repetent, et c'est chaque fois un nouveau traumatisme pour l'enfant. A l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays, l'utilisation de l'outil audiovisuel devrait permettre d'eviter la repetition des audiences et des confrontations.
Des poles de reference regionaux destines a accueillir les enfants et leur famille seront mis en place.
Enfin, les soins dispenses aux mineurs victimes d'atteintes sexuelles seront pris en charge a 100 % par l'assurance maladie.
Au-dela de ce projet de loi et de ce programme d'action, j'ai egalement decide que la protection de l'enfance maltraitee serait la grande cause nationale de 1997, afin de permettre aux associations d'avoir acces aux medias et de sensibiliser chacune et chacun d'entre nous. Car, quelle que soit l'implication des pouvoirs publics ou des collectivites locales, nous ne ferons reculer ce fleau que si chacun s'y met.
J'ai donc reuni, la semaine derniere, le collectif des associations engagees dans cette croisade avec un comite de parrainage de personnalites eminentes qui nous apportent leur notoriete et leur engagement, ainsi qu'un comite d'experts, qui veillera a la qualite des programmes qui seront proposes. Vous verrez bientot a la television un petit film dont le slogan est tout simple - certains le trouveront peut-etre banal -, mais de nature a toucher le coeur de chacune et de chacun: «Si tout le monde se bouge, cela bougera.» C'est aussi l'appel que je lance a la representation nationale.
Je terminerais en lisant la fin du discours qu'a tenu, la semaine derniere, lors du lancement de la grande cause nationale, au nom du collectif des associations partenaires de cette cause, un president d'association d'aide aux enfants maltraites: «Pour conclure, je voudrais m'adresser aux enfants. Je veux leur dire, a ces enfants de l'ombre, qu'il existe de la lumiere, que c'est difficile de vivre avec des fractures d'enfant, que c'est complique de soigner ses propres souffrances, mais que c'est possible. Oui, les promesses de l'aube existent. Avec de la tendresse, de la technique, du soin, de la justice et de l'amour, ces enfants deviendront de vrais parents pour leurs propres enfants. Rien n'est ineluctable. Il n'y a pas de fatalite.» (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)

Données clés

Auteur : Mme Rousseau Monique

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enfants

Ministère interrogé : Service du Premier Ministre

Ministère répondant : Service du Premier Ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mars 1997

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