Question au Gouvernement n° 2383 :
Moyen-Orient

10e Législature

Question de : M. de Montesquiou Aymeri
- UDF

Question posée en séance, et publiée le 27 mars 1997

M. le president. La parole est a M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre des affaires etrangeres, de retour d'Israel et des territoires occupes, je tiens a vous faire part de la tres vive inquietude de tous les membres notre mission parlementaire.
Les accords d'Oslo ont fait naitre un formidable espoir et chacun a eprouve une grande consideration pour ses deux principaux auteurs, M. Yitzhak Rabin et M. Yasser Arafat. Ces deux hommes d'Etat ont su faire la paix des braves, revelant ainsi l'aspiration profonde de leurs deux peuples.
Ici, nous sommes tous attaches a ce que la France tienne son rang international, en particulier au Moyen-Orient, et nous sommes tous tres inquiets.
La France, amie d'Israel, ne comprend pas la decision de son gouvernement d'implanter a Jerusalem-Est 6 500 logements alors que les accords stipulent que rien ne doit y etre modifie avant la fin des negociations. Cette action a ete ressentie par les Palestiniens comme une provocation et a tue leur confiance.
Les 7 et 21 mars, la France et les membres du Conseil de securite, a l'exception des Etats-Unis, ont mis en garde Israel sur les consequences des implantations a Har Homa.
Monsieur le ministre, le ministre de la cooperation a, en votre nom, souligne hier la volonte de la France d'appuyer la mise en vigueur des accords d'Oslo dans leur lettre et dans leur esprit. Ces accords prevoient la construction d'un port et l'ouverture de l'aeroport de Gaza, ainsi que la realisation d'une route entre Gaza et la Cisjordanie.
Dans le droit-fil de notre position aux Nations Unies et dans l'unique souci de sauver la paix, entendez-vous, dans ce contexte nouveau, suggerer aux pays de l'Union europeenne qui n'ont pas encore ratifie les accords euromediterraneens d'association avec Israel de lier cette ratification a l'arret des implantations a Har Homa et a la mise en oeuvre du volet economique des accords d'Oslo ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe socialiste.)
M. Etienne Garnier. J'espere que non !
M. le president. La parole est a M. le ministre des affaires etrangeres.
M. Didier Boulaud. Vitrolles !
M. Christian Bataille. La peste et le cholera !
M. le president. Je vous en prie !
M. Herve de Charette, ministre des affaires etrangeres. Monsieur le president, mesdames et messieurs les deputes, monsieur le depute, l'inquietude que vous venez d'exprimer est partagee par le Gouvernement.
Apres les elections legislatives en Israel, il y a eu, vous le savez, une periode de tres grande interrogation, d'interrogation anxieuse dans la communaute internationale.
Ensuite, il y a eu la reprise des discussions et les negociations severes, mais finalement conclusives, qui ont permis de parvenir aux accords d'Hebron, lesquels ont donne le sentiment a la communaute internationale, et a la France en particulier, que le processus de paix avait repris son cours, certes difficilement, mais qu'il l'avait repris.
Depuis lors, plusieurs signes en sens contraire ont provoque a nouveau inquietude et emoi. Vous avez evoque la nouvelle implantation de Har Homa.
M. Christian Bataille. Vitrolles ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. Je vous en prie, monsieur Bataille ! Que l'Assemblee puisse au moins entendre le ministre sur un sujet aussi grave !
Poursuivez, monsieur le ministre.
M. le ministre des affaires etrangeres. Cette implantation est directement contraire a la lettre et a l'esprit des accords d'Oslo. Mais je veux aussi rappeler que la proposition d'un premier redeploiement ne touchant que 2 % des terres de la Cisjordanie a ete ressentie en Palestine comme une provocation. C'est un fait.
Aussi bien, beaucoup de signes donnent l'impression que le mecanisme infernal du soupcon, du doute, puis de la mefiance et du rejet est a nouveau en route, et l'on sait ou il conduit: vers la reprise, le retour de la violence.
On l'a vu, helas ! puisque deux drames, deux attentats sont survenus, l'un contre un car d'enfants a la frontiere entre la Jordanie et la Palestine l'autre a Tel-Aviv.
La France, naturellement, condamne avec la plus grande energie toute violence, tout terrorisme, tout attentat car ils ne vont pas dans le sens de la paix.
Votre interrogation, monsieur le depute, est de savoir si, saisis, comme nous le sommes, comme vous le serez prochainement, de l'accord d'association entre Israel et l'Union europeenne, comme votre delegation competente a ete saisie de l'arrangement passe entre l'Union europeenne et la Palestine, il faut ou non ratifier cet accord.
Je sais qu'il y a hesitation mais, personnellement - et j'exprime aussi le point de vue du Gouvernement - je pense qu'il ne faut pas ceder a cette tentation,...
M. Etienne Gernier. Tres bien !
M. le ministre des affaires etrangeres. ... et j'ai cru comprendre que c'etait aussi l'avis de la commission des affaires etrangeres.
Laissez-moi vous dire en deux mots pourquoi.
Nous ne pensons pas que nous devrions ceder, ni de pres ni de loin, a la tentation de ce mecanisme infernal. Notre role, la mission de la France est, au contraire, de travailler chaque jour inlassablement a renouer les fils du dialogue, de la comprehension, de la discussion, de l'ecoute mutuelle. C'est notre role vis-a-vis des uns et des autres, en parlant toujours avec clarte, avec fermete, mais dans le sens de la paix, et pas dans un autre.
M. Christian Bataille. Vous parlez, mais vous ne faites rien ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Voila pourquoi, dans les semaines qui viennent, vous aurez a examiner ce texte selon les modalites qui conviendront a l'Assemblee nationale, et voila pourquoi je vous annonce egalement que la France prendra, dans cette periode difficile, des initiatives qui interessent non seulement les relations entre Israel et la Palestine, mais aussi entre Israel, la Syrie et le Liban.
Nous avons une mission, nous avons un role a jouer, a cote des autres, mais avec eux, et nous ne cesserons pas de le faire dans le sens de la paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
M. Christian Bataille. De Charette a Vitrolles ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre et du groupe du Rassemblement pour la Republique.)

Données clés

Auteur : M. de Montesquiou Aymeri

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique exterieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 mars 1997

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