Conventions avec les praticiens
Question de :
M. Accoyer Bernard
- RPR
Question posée en séance, et publiée le 16 avril 1997
M. le president. La parole est a M. Bernard Accoyer.
M. Bernard Accoyer. Ma question, qui s'adresse a M. le Premier ministre, concerne le mouvement de greve des internes en medecine. («Ah !» sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Apres plusieurs semaines de perturbation, nos hopitaux retrouvent un fonctionnement normal. La greve, d'abord motivee, selon ceux qui en ont pris l'initiative, par des questions specifiques a l'exercice liberal des jeunes medecins, c'est-a-dire de la majorite des internes, s'est prolongee ensuite, malgre les reponses positives apportees par le Gouvernement a leurs demandes.
Les nombreuses negociations que le Gouvernement a menees avec les internes et les chefs de clinique et les rencontres organisees avec les parlementaires ont mis en evidence une acceptation quasi unanime du besoin de reforme, mais aussi la persistance d'inquietudes vives pour l'avenir, notamment sur un point tres particulier de cette reforme structurelle importante: les eventuels remboursements en cas de depassement de l'objectif annuel de depenses remboursables.
Pourtant, cinquante ans apres la creation de l'institution, la reforme introduit enfin un pilotage sanitaire, politique et financier dans un domaine ou les moyens mobilises sont considerables. Bien que la rationalisation de la gestion de l'institution soit a priori rassurante, les inquietudes d'une partie des internes et du corps medical persistent.
Monsieur le Premier ministre, comment entendez-vous dissiper ces doutes et associer les internes a la construction d'une reforme dont, finalement, chacun ressent le besoin et souhaite la reussite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
M. le president. La parole est a M. le Premier ministre.
M. Alain Juppe, Premier ministre. Comme vous le savez, monsieur le depute, le mouvement de greve des internes et des chefs de clinique est ne d'une double demande.
Ceux-ci souhaitaient d'abord que les nouvelles conventions medicales prennent mieux en compte les contraintes liees a l'installation des jeunes medecins et, ensuite, que les medecins en formation soient partie prenante a la reforme de l'assurance maladie.
Ces deux preoccupations sont legitimes. C'est la raison pour laquelle, a ma demande, Jacques Barrot et Herve Gaymard ont conduit une concertation tres approfondie avec les internes et les chefs de clinique, qui ont ete consideres des le depart comme des interlocuteurs a part entiere.
Ce sont des hommes et des femmes qui font des etudes longues, difficiles, qui vont exercer des responsabilites lourdes et qui ont droit a toute notre attention. («Tres bien» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique.)
Les ministres ont ete directement au contact des internes dans les CHU. Ils ont preside de tres nombreuses reunions au ministere et, lorsque le dialogue a ete un peu brusquement rompu avec les internes, ils ont - la encore a ma demande - tout mis en oeuvre pour le retablir.
Dans cette demarche, je veux le souligner, les ministres ont d'ailleurs ete bien relayes par de nombreux parlementaires de la majorite, qui se sont rendus sur le terrain,...
M. Jean-Claude Gayssot. Nous aussi !
M. le Premier ministre. ... dans des conditions parfois difficiles, pour expliquer la reforme, et je tiens a les en remercier.
Au terme de cette concertation, les medecins en formation ont eu satisfaction sur les points qui etaient a l'origine de leur mouvement. Jacques Barrot a ainsi obtenu des signataires de la nouvelle convention medicale qu'ils portent de trois a sept ans la periode d'exoneration de tout reversement pour les jeunes medecins qui s'installent, ce qui donne a ceux-ci toutes les perspectives necessaires.
Par ailleurs, a l'issue d'une concertation tres active conduite par le president de la Caisse nationale d'assurance maladie, il a egalement ete decide - ce qui ne se faisait pas dans le passe, c'est vrai -, que les futurs medecins seraient desormais associes a tous les chantiers de la reforme ainsi qu'au suivi des conventions. Cet acquis me permet de dire que ce mouvement n'a pas ete vain pour les internes.
M. Alain Bocquet. La lutte est toujours payante !
M. le Premier ministre. Mais, en demandant egalement l'abandon des mecanismes de reversement, les medecins en formation ont mis en cause l'equilibre meme de la reforme de l'assurance maladie.
Vous le savez, cette reforme n'a qu'un seul but: sauver notre systeme medical, la medecine a la francaise.
M. Jean-Claude Gayssot. L'affaiblir, plutot !
M. le Premier ministre. Que s'est-il passe dans les annees qui ont precede ? Chaque fois qu'il y a eu des difficultes, comment y a-t-on repondu ? Par la hausse des cotisations ou la baisse des remboursements !
Plusieurs deputes du groupe communiste. Eh oui !
M. le Premier ministre. Comment pourra-t-on faire longtemps accepter a nos concitoyens que nous soyons l'un des pays qui depensent le plus pour la sante - 25 % de plus qu'en Allemagne par habitant, 60 % de plus qu'au Royaume-Uni - et que, dans le meme temps, notre taux de remboursement soit l'un des plus bas d'Europe ?
La logique qui a ete suivie depuis quinze ans n'est pas la bonne, on en a ainsi la demonstration.
C'est la raison pour laquelle la reforme a prevu de mettre en place - j'insiste sur ce point, qui donne encore lieu a un malentendu profond - des instruments de maitrise medicalisee de la depense. Il ne s'agit pas d'une maitrise comptable. La maitrise comptable serait aisee et pourrait etre realisee tout de suite de facon individualisee: il suffirait de fixer une enveloppe pour chaque medecin; mais nous ne l'avons pas voulu.
Nous voulons une maitrise medicalisee, reposant sur des references definies par les medecins eux-memes, avec les instruments permettant de l'apprecier, c'est-a-dire le codage des actes et l'informatisation des cabinets medicaux. C'est un point essentiel de la convention d'objectifs et de gestion qui sera prochainement signee avec la CNAM et prevoira les moyens materiels et humains pour reussir ce qui est au coeur de la reforme: soigner mieux et permettre a chaque medecin d'ameliorer sa pratique quotidienne.
Pour conforter cette demarche, le parti pris par la reforme a ete - je le dis devant la representation nationale, qui l'a approuve a plusieurs reprises - de mettre en situation de responsabilite tous les acteurs, et les medecins eux-memes, qui ne participaient pas jusqu'alors a la regulation du systeme d'assurance maladie.
Le Parlement vote desormais - c'est une grande reforme attendue depuis des decennies -, au vu des conclusions d'une conference nationale de sante, constituee pour l'essentiel de medecins, un objectif national de depenses remboursees pour couvrir les besoins de sante de la population.
Les medecins participent au respect de cet objectif par la recherche du juste soin, mais aussi, c'est vrai, selon une logique collective sur laquelle repose tout notre systeme conventionnel, qui est un systeme collectif. Le droit au conventionnement n'est pas individuel, les medecins ne se conventionnent pas un par un mais collectivement, en vertu de conventions signees par des organisations qui les representent.
Les tarifs d'honoraires sont fixes collectivement et s'appliquent a tous les generalistes et a tous les specialistes. Les hausses d'honoraires sont egalement des decisions de caractere collectif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Par les reversements, les medecins sont donc places en situation de responsabilite par rapport a l'evolution des depenses d'assurance maladie, comme les assures sociaux par la hausse des cotisations sociales ou la baisse des taux de remboursement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le president. Je vous en prie,
J'en appelle au sens des responsabilites de chacun. Il y a un moment ou il faut savoir arreter une greve pour donner toute sa chance au dialogue, a la concertation et au travail en commun ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Auteur : M. Accoyer Bernard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Assurance maladie maternite : generalites
Ministère interrogé : Service du Premier Ministre
Ministère répondant : Service du Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 avril 1997