Reglementation
Question de :
M. Fanton André
- RPR
Question posée en séance, et publiée le 16 avril 1997
M. le president. La parole est a M. Andre Fanton.
M. Andre Fanton. Ma question s'adresse a M. le Premier ministre.
«Il faut savoir si, oui ou non, l'Etat et les citoyens ont appris a se respecter»: c'est en ces termes qu'en 1975 Francois Mitterrand evoquait les ecoutes telephoniques dans La Paille et le Grain qu'avec le recul du temps on pourrait appeler aujourd'hui «La Paille et la Poutre»... (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Le debat n'est pas de savoir si les ecoutes ont leur necessite.
M. Jean Glavany. Profitez-en pendant qu'il est encore temps !
M. Andre Fanton. Qui pourrait en effet douter que, pour permettre a la societe de se defendre contre la criminalite organisee et a la nation de se proteger contre les atteintes a sa surete et a sa securite, de telles mesures sont necessaires ?
Certes, on sait aujourd'hui que Francois Mitterrand a accepte et utilise un systeme d'ecoutes qui a largement depasse - c'est un euphemisme - les necessites de la raison d'Etat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine David. Et avant ?
M. Daniel Picotin. Tartuffes !
M. le president. Un peu de calme !
Poursuivez, monsieur Fanton.
M. Andre Fanton. Mais, au pretexte de ces comportements inacceptables, il serait inconcevable que, demain, la surete de l'Etat aussi bien que la securite des citoyens puissent etre negligees.
Le debat semble aujourd'hui se focaliser sur la notion de «secret defense», notion qui n'est pas une exclusivite francaise: il n'existe pas un pays democratique au monde qui ne l'utilise. Sa definition releve de la responsabilite de l'Etat, et cette responsabilite ne saurait etre partagee avec un quelconque comite Gustave ou Theodule, dont l'existence suffirait a elle seule a faire disparaitre jusqu'a la notion.
M. Didier Boulaud. Quelle est la question ?
M. Andre Fanton. Cette responsabilite peut etre sanctionnee soit politiquement, soit penalement.
Monsieur le Premier ministre,...
M. Louis Mexandeau. Ah, tout de meme !
M. Andre Fanton. ... au-dela des derives inadmissibles, qui alterent gravement l'image de l'ancien President de la Republique,...
M. Louis Mexandeau. Quel cynisme !
M. Andre Fanton. ... l'opinion souhaite que vous puissiez preciser aujourd'hui comment votre Gouvernement et, au-dela, comment la Republique peut continuer a assumer son role de defense de la nation contre la criminalite et le terrorisme, et de preservation de l'Etat lorsque celui-ci est menace.
Quant a la reputation de celui par qui aujourd'hui le scandale arrive, parce qu'il a organise et utilise les ecoutes a des fins personnelles, il appartiendra a l'Histoire de rendre son jugement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le president. La parole est a M. le Premier ministre.
M. Alain Juppe, Premier ministre. Monsieur Fanton, je pense obtenir sur ce sujet, de la part de l'opposition, une meilleure qualite d'ecoute que pour ma reponse precedente. Je rappellerai d'abord qu'une procedure judiciaire est en cours depuis 1993.
Cela dit, je repondrai a votre question en vous precisant que nous poursuivons deux objectifs: faire en sorte que le Gouvernement assume toutes ses responsabilites en matiere de secret defense, et permettre a la justice de travailler.
Le secret defense n'est pas une commodite...
M. Andre Fanton. Tres bien !
M. le Premier ministre. ... mise a la disposition du Gouvernement pour eluder les questions qui le generaient. Il est de la responsabilite de l'Etat de proteger - et cela existe dans toutes les democraties, ainsi que vous l'avez dit -, par le secret defense, des personnes, des missions, des procedures, des structures dans l'interet et la securite de la collectivite nationale.
Un depute du groupe socialiste. Parlez-nous des «vrais-faux passeports» !
M. le Premier ministre. Nul ne peut decider de s'affranchir du secret defense: il n'a pas ete cree au benefice de tel ou tel et il ne trouve sa justification que dans l'interet superieur de l'Etat. Il est donc de la seule responsabilite du Premier ministre d'assumer le secret defense et de decider, le cas echeant, de sa levee. J'assumerai ce devoir qui est le mien sous votre responsabilite, ou plutot sous votre controle, car mes responsabilites en la matiere ne sauraient etre, comme vous l'avez rappele, que politiques.
Le second objectif du Gouvernement est de permettre a la justice de travailler.
M. Louis Mexandeau. Tu parles !
M. le Premier ministre. C'est pourquoi, lorsque le juge responsable de l'instruction d'une partie du dossier m'a demande des precisions sur les documents saisis sous son controle par la direction de la surveillance du territoire, ...
M. Louis Mexandeau. Quelle hypocrisie !
M. le Premier ministre. Quand j'entends parler d'hypocrisie sur ces bancs, les bras m'en tombent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
C'est pourquoi, disais-je, lorsque j'ai ete saisi de la demande du juge responsable de l'instruction, je n'ai pas globalement oppose la notion de secret defense. Bien au contraire ! J'ai demande a des experts habilites de proceder a un examen des documents, ...
M. Jean-Yves Le Deaut. De ceux qui restent !
M. le Premier ministre. ... qui pourraient etre des releves d'interception. J'ai demande a la Commission nationale de controle des interceptions de securite, qui est composee d'un president independant, nomme sur proposition du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, d'un representant de l'Assemblee nationale - qui siege d'ailleurs sur les bancs de l'opposition - et d'un representant du Senat, ainsi que d'un magistrat de l'ordre judiciaire, de participer aux travaux des experts et de me faire connaitre des que possible son avis.
S'il apparait que certains releves ne repondent pas aux normes des procedures legales, ces pieces ne pourront en aucun cas beneficier de la couverture du secret defense et le juge pourra immediatement s'en saisir car il s'agira de pieces illegales.
M. Philippe Legras. Exact !
M. le Premier ministre. Pour ce qui est des ecoutes illegales ou sauvages, j'ai ete alerte, des que j'ai pris mes fonctions, par la Commission nationale de controle des interceptions de securite, des carences du systeme anterieur. Je me suis efforce de remedier a ces carences.
Je ne vous donnerai pas la liste de toutes les mesures prises, me contentant d'evoquer le projet qui figure dans le texte portant diverses dispositions d'ordre juridique qui vous sera presente par le garde des sceaux: approuve par le conseil des ministres le 20 mars dernier, il permettra de renforcer la lutte contre les ecoutes sauvages et de reprimer plus severement les atteintes a la loi.
S'il le faut, je suis bien sur pret a aller plus loin dans la modification de la legislation. J'entends ainsi mettre fin, avec votre aide, a des pratiques totalement condamnables qui mettent en peril les libertes individuelles et la vie privee des personnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Republique et du groupe de l'Union pour la democratie francaise et du Centre.)
Auteur : M. Fanton André
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Defense nationale
Ministère interrogé : Service du Premier Ministre
Ministère répondant : Service du Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 avril 1997