commerce international
Question de :
M. Georges Sarre
Paris (6e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
M. Georges Sarre attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la négociation de l'accord multilatéral sur l'investissement (AMI) au sein de l'OCDE, alors que sont envisagées les dispositions dérogatoires qui donneront au texte final son sens et sa portée véritables. Il prend acte des quatre conditions posées par la France à la conclusion de cet accord, qui ne saurait ni remettre en cause l'exception culturelle ni empêcher l'Union européenne de distinguer entre les entreprises européennes et les autres, de même qu'il ne saurait légitimer les législations d'exception américaines ou permettre à une entreprise d'organiser entre les Etats une concurrence sociale, fiscale ou environnementale qui s'apparenterait à un chantage. Au vu des risques majeurs que l'AMI ferait encourir à nos souveraineté nationale et capacité d'action politique, il estime cependant que ce sont avant tout sa logique globalisante, ses principes fondateurs et ses dispositions clés qu'il faut dénoncer, ainsi que toute stratégie de négociation qui, sans le remettre fondamentalement en cause, viserait à en neutraliser çà et là les effets par le jeu de dispositions dérogatoires, sachant qu'elles n'offrent souvent que des garanties limitées - comme ont pu le constater les planteurs de bananes caribéens dont les clauses d'accès préférentiel au marché européen prévues par les accords de Lomé ont été récemment balayées par l'OMC. Il constate ainsi que l'AMI - qui, sans se référer aux normes du BIT, annexerait simplement le code OCDE de bonne conduite des multinationales, sans effet contraignant pour l'investisseur - garantirait à ce dernier un droit absolu d'investir, sans restriction, et la pleine jouissance de ses investissements, sans obligation ni responsabilité - qui pèseraient toutes, en revanche, sur les Etats signataires. Ceux-ci s'interdiraient tant de discriminer les investisseurs/investissements étrangers que de prendre toute mesure limitant les conditions de performance des investissements (en cherchant par exemple à les orienter dans le sens de l'intérêt public), toute restriction (sinon temporaire) de rapatriement des bénéfices, ainsi que toute mesure « déraisonnable » (terme vague englobant potentiellement toute intervention publique). Ils s'engageraient ainsi à soumettre à l'arbitrage international privé leurs litiges avec les investisseurs (qui jouiraient ainsi du droit de contester à peu près n'importe quelle politique ou action publiques devant une instance aux procédures opaques, sans garantie judiciaire) et à indemniser l'investisseur en cas d'intervention publique ou perturbation socio-politique (« troubles civils », tels que grèves ou boycottages et « révolutions, états d'urgence ou autres événements similaires ») portant atteinte à la rentabilité des investissements (encourageant par là les Etats à restreindre les libertés sociales). Ainsi engagés irrévocablement pour une durée minimale de vingt ans, les Etats s'interdiraient enfin d'intervenir à l'avenir dans les secteurs couverts par l'accord, avec obligation d'abroger systématiquement toute disposition légale non conforme. Dans ce contexte, affirmer - comme le fit récemment M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - que la France refuserait de signer tout accord limitant notre pouvoir institutionnel de « définir nos règles sociales, fiscales », environnementales, « ou dont une entreprise étrangère pourrait se servir pour contester notre législation » - et donc qu'en l'état actuel des négociations, « il ne saurait y avoir d'accord en avril » 1998 - est pour le moins un minimum. Avancer de même que « si un accord pouvait être établi sur d'autres bases - sans possibilité de chantage - il pourrait présenter des avantages » relève au mieux de la litote. Face aux menaces que contient l'AMI, il lui demande donc quelles initiatives il entend prendre aux niveaux national, européen et mondial pour contrecarrer ce projet dangereux pour notre culture, notre économie, les droits sociaux et l'environnement.
Auteur : M. Georges Sarre
Type de question : Question écrite
Rubrique : Relations internationales
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date :
Question publiée le 9 mars 1998