Mexique
Question de :
M. Noël Mamère
Gironde (3e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
M. Noël Mamère attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'accord de coopération technique en matière de sécurité publique entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis mexicains (JO du 8 avril 2000, p. 5404). Les rapports d'ONG internationales, dont Amnesty International et la Fédération internationale des droits de l'homme, confirmés récemment par Mary Robinson, haut commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, indiquent que le Gouvernement mexicain mène ce qu'il est convenu d'appeler une « guerre de basse intensité » dans les trois Etats du Sud-Est, Chiapas, Guerrero et Oaxaca, dans laquelle sont impliquées les forces de police civile et militaire, l'armée, les groupes paramilitaires divers qui ne se cachent pas d'être armés directement par l'Etat (cf. rapport de la CIODH 98). Plus de 80 000 hommes des forces armées et de police sont concentrés dans le seul Etat du Chiapas. Des violations répétées des droits de la personne sont rapportées chaque jour : emprisonnements arbitraires, tortures, viols, meurtres, « disparition » de militants politiques et syndicaux paysans, destruction des biens, déplacement forcé de populations, expulsion sans motif ni ménagement des représentants des ONG. Conséquence du refus du Gouvernement mexicain d'honorer ses engagements nationaux et internationaux concernant les droits indigènes (accords de San Andres de 1996 et traité 169 de l'OIT de 1998), cette politique a conduit aux massacres d'Aguas Blancas de 1995 (Guerrero), d'Acteal en décembre 1997 et d'El Bosque en juin 1998 (Chiapas). Pour la seule période de fin 1994 à mi-1997, 56 opérations de police menées au Chiapas ont entraîné la mort de 111 personnes. Contrairement aux affirmations de l'ambassade de France au Mexique, dans sa réponse apportée à un mémorandum sur la coopération policière française émanant d'associations françaises et transmis à l'ambassadeur par France-Libertés qui souhaitait être informé sur la nature exacte de cette coopération, les différents corps de police mexicains sont impliqués dans cette répression brutale. La police fédérale préventive (PFP) ne constitue pas un corps de police à compétence territoriale et matérielle générale, un peu à l'image de notre police nationale. Depuis sa création par décret présidentiel en décembre 1998, elle a été utilisée essentiellement contre les étudiants de l'UNAM de Mexico dont la grève a été brisée par l'arrestation de 700 d'entre eux accusés de terrorisme. Des éléments de la PFP, renforcée de 5 000 militaires, ont été ensuite envoyés dans les Etats du Sud-Est. La fonction de la PFP est de réprimer tout mouvement s'opposant à la politique gouvernementale. La note de l'ambassade constatant que « cette police ne s'est pas distinguée par un nombre particulièrement important de violations avérées des droits de l'homme par rapport aux autres composantes des forces de l'ordre mexicaines » est infondée. Si le but de la PFP était de « promouvoir les conditions légales pour le renforcement de l'Etat de droit, d'intensifier la lutte contre la délinquance organisée de droit commun », elle aurait été dépêchée en priorité dans la région de Tijuana, où s'exercent des activités mafieuses de grande ampleur. Dans le contexte mexicain, les termes « délinquance organisée de droit commun » recouvrent des réalités très différentes de son interprétation française. Plus de 200 citoyens européens, dont le nom a été publié dans la presse mexicaine, sont interdits de séjour pour dix ans, accusés par le Parlement fédéral d'être des « terroristes internationaux et des déstabilisateurs professionnels » et ne peuvent plus constater les exactions de la police. La signification donnée par le Gouvernement mexicain de la notion de délinquance organisée, recouvre le refus de toute forme de contestation politique, même parfaitement légale et non violente. L'usage par la PFP du système de télécommunications cryptées Iris de Matra (utilisé par la police et la gendarmerie françaises), qui équipera les forces de police mexicaines, ne pourra qu'augmenter l'efficacité répressive de la police face aux droits des citoyens. Les mêmes réserves doivent êtres faites à l'égard de la police judiciaire de l'Etat du Chiapas, qui bénéficie de la collaboration des forces de police françaises, confirmée par la note précitée de l'ambassade. Il lui demande, dans un contexte marqué par les élections présidentielles mexicaines, de suspendre l'application de cet accord de coopération des polices française et mexicaine, jusqu'à ce qu'un Etat de droit soit observé, et que le Gouvernement de ce pays se conforme à ses engagements nationaux et internationaux.
Auteur : M. Noël Mamère
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Dates :
Question publiée le 26 juin 2000
Réponse publiée le 16 octobre 2000